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Citations de Irène Théry (28)


2. « Durkheim serait-il le premier théoricien du "genre" comme construction sociale ? Il semble même aller plus loin que bien des théories actuelles en incluant d'emblée la taille du corps et du cerveau dans ce qui est partiellement façonné par la vie sociale. Soulignons cependant que son analyse des caractères sexués est fort différente des thèses contemporaines fondant le "genre" comme identité du 'moi' sur l'intériorisation précoce de stéréotypes sociaux artificiels dont la fonction serait d'asseoir en la naturalisant la domination masculine. Durkheim ne parle pas d'identités mais de capacités ou d'aptitudes différentes et n'évoque aucune volonté collective "des hommes" de dominer "les femmes". Pour lui, les aptitudes personnelles sont tout simplement issues de l'action sociale coordonnée des hommes et des femmes au sein d'une société qui assure sa solidarité sexuée en valorisant et instituant la division des rôles masculins et féminins. » (p. 107)
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1. « […] Les sociologues durkheimiens prendront appui sur la pensée de Rousseau pour franchir le pas qu'il n'a pu franchir et s'émanciper, de façon cette fois radicale, de l'universel mythique que forge la vision individualiste. À l'universel de la 'nature humaine' comme ensemble d'attributs physiques et psychologiques communs aux individus de l'espèce imaginés à l'état isolé et présocial (la raison, la pitié, l'intérêt, l'amour...), ils opposeront un autre universel : celui de la 'nature sociale et historique' de l'humanité, dont l'unité fondamentale passe nécessairement par les différences entre les sociétés concrètes où chacun pense et agit en relation avec d'autres et, ce faisant, devient ce que nous appelons un "individu".
[…]
On peut donc – et selon les durkheimiens on doit – être individualiste au plan moral et politique comme membre d'une société moderne, convaincu que ses valeurs sont meilleures que celles des sociétés traditionnelles, tout en refusant l'individualisme "conceptuel" ou "méthodologique", qui est au fond une pensée incohérente. Cette critique du mythe de l'individu atomistique et autarcique, clos sur ses attributs et ses propriétés, permet d'apercevoir la face oubliée du mythe moderne des origines : celle qui fait de "la société de l'homme et de la femme" la forme originelle de toute socialité. » (pp. 64-65)
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- Tout d’abord, nous rappelons que la notion d’accès aux origines s’est développée justement pour indiquer que la quête des origines n’a rien à voir avec une recherche en
maternité ou en paternité. Il ne s’agit ici en aucun cas d’établir une filiation, mais simplement de pouvoir connaître l’identité d’une personne dont on est né. La Cour
européenne des droits de l’homme a peu a peu consacré le droit d’accès aux origines comme un droit fondamental de la personne.
Nous distinguons l’accès aux origines des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation, et l’accès aux origines des personnes nées sous X, adoptées et pupilles. Les questions posées ne sont pas les mêmes, et font l’objet de deux chapitres différents. Mais dans l’un et l’autre cas nous proposons que soit institué un véritable droit d’accès aux origines à partir de l’âge de la majorité, étant bien précisé qu’un droit à la communication de l’identité n’est pas un droit à la rencontre. Protégés par leur droit à la vie privée, les parents de naissance (pour les adoptés et pupilles) et les donneurs de gamètes et d’embryons (pour les personnes nées d’AMP) doivent donner leur accord préalablement à toute rencontre.
Ces démarches supposent un véritable accompagnement, c’est pourquoi nous proposons d’élargir les compétences du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles
(CNAOP), de le réorganiser en deux collèges et de renforcer ses moyens, en particulier en matière de médiation.
Enfin, nous proposons de reconnaître une place familiale aux beaux-parents dans les familles recomposées. Nous avons été surpris de lire dans la presse que nous nous
apprêterions à proposer un « statut » du beau-parent, alors que nous n’avons jamais été favorables à cette idée, qui serait un corset bien trop rigide pour la diversité des situations vécues. Nous pensons en outre que ce qui fait la valeur du lien beaux-parents/beaux-enfants est la liberté élective propre à ce lien : ne pas la respecter serait prendre le risque de transformer les beaux-parents en « sous-parents », alors qu’il s’agit au contraire de leur accorder la reconnaissance sociale qui leur a toujours été refusée.
C’est dans cet esprit de respect de la place familiale singulière des beaux-parents d’aujourd’hui, qui ne se veulent ni des substituts ni des rivaux des parents, que nous proposons un ensemble de mesures permettant de soutenir cette place par des possibilités offertes, jamais imposées, mais dont il leur sera possible de se saisir si cela peut favoriser l’intérêt de l’enfant : ainsi du « mandat d’éducation quotidienne », du « certificat de recomposition familiale », ou encore de la possibilité de léguer des biens à son bel enfant avec la même fiscalité que pour un enfant. Par delà, tout un éventail d’autres propositions
permettent de faire face à des situations difficiles, telles la séparation, la maladie grave ou encore le décès du conjoint, dans le souci en particulier que les fratries recomposées ne soient pas séparées si l’intérêt de l’enfant le commande.
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L’engendrement avec tiers donneur en AMP ne peut être assimilé ni à une procréation charnelle, ni à une adoption. C’est pourquoi nous proposons d’instituer pour lui une modalité sui generis d’établissement de la filiation, reposant pour tous les couples sur une « déclaration commune anticipée de filiation ».
Ces propositions signifiant qu’à notre sens l’engendrement avec tiers donneur doit cesser d’être maquillé en procréation du couple receveur, et être reconnu comme une nouvelle manière de mettre des enfants au monde, nous proposons que l’AMP soit ouverte sans tarder aux couples de femmes.
Nous ne nous prononçons pas sur l’encadrement de la gestation pour autrui (GPA), le groupe étant très divisé à ce sujet. En revanche, dans l’intérêt majeur de l’enfant, nous préconisons unanimement la reconnaissance des filiations issues de GPA à l’étranger.
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C'est le consentement à la relation sexuelle elle-même qui fait le grand partage entre le permis et l'interdit.
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La "civilité sexuelle" est une modalité instituée de la vie sociale qui, à travers des mœurs ordinaires référées aux grandes distinctions/relations de sexe, d'âge et de génération, inscrit la vie sexuelle - bien au-delà de sa dimension potentiellement procréative - dans les priorités d'une société et les valeurs fondamentales d'une culture, tout en la distinguant par des normes spécifiques de décence et d'intimité, dont la contenu varie d'une société à l'autre. En distinguant la gamme du permis, du désirable et du valorisé et celle de l'interdit, du critiqué et du condamné, elle les rapporte à d'autres distinctions en valeur : le beau et le laid, le pur et l'impur, l'honorable et le honteux, le fécond et l'infécond, le sacré et le profane, le moral et le pathologique, etc. Sa plurivocité en fait l'enjeu de tensions et de conflits entre différentes instances normatives qui peuvent se conjuguer mais aussi entrer en conflit.
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LA SÉDUCTION AGGRAVÉE

On ne peut rien comprendre aux normes sexuelles du XIXe siècle et du début du XXe siècle si, faisant preuve d’anachronisme, on sépare a priori la sexualité de la procréation dans les relations entre hommes et femmes. En effet, la grossesse possible après un rapport sexuel est alors « la » grande question, au cœur du système divisant le permis et l’interdit sexuels. Jamais l’inégalité entre les sexes n’est aussi forte que lorsqu’une naissance non voulue se profile hors du mariage. Dans ce cas, deux situations radicalement opposées se font face selon que l’on est homme ou femme.
L’homme géniteur de l’enfant ne sera en aucun cas amené à admettre sa part dans la procréation et à se reconnaître « père » s’il ne le souhaite pas, il peut donc s’éclipser tranquillement en faisant comme si sa relation sexuelle et procréative à la femme qui a donné naissance à l’enfant n’avait jamais existé. C’est la situation extraordinaire créée par l’article 340 du Code civil qui interdit la recherche en paternité, au motif que de dignes pères et fils de famille pourraient être accusés faussement d’être le géniteur de l’enfant par des dévergondées cherchant à se faire épouser ou à tout le moins à bénéficier de leur argent. Au nom du « mystère à jamais impénétrable de la paternité », et au motif que des femmes peuvent mentir, on institue un principe général d’irresponsabilité masculine dans les relations hétérosexuelles hors mariage.

C’est un immense recul par rapport à la situation dans l’ancienne France où non seulement la procédure en déclaration de paternité était possible, mais où une confiance en la parole féminine s’appuyait sur l’adage voulant qu’une jeune fille ou une jeune femme se découvrant enceinte ne mente pas sur l’auteur de sa grossesse à la veille de risquer sa vie dans les douleurs de l’enfantement et d’affronter peut-être le Jugement dernier. L’article 340 renvoie cette logique au passé, fonde la paternité sur la seule volonté de l’homme, et va ouvrir dès lors de magnifiques carrières de séducteurs, d’agresseurs et parfois de violeurs, à des coqs de village, des maîtres de maison, des patrons d’usine, des employeurs, des boutiquiers, des soldats, des fermiers, des chefs de clinique, des curés, bref à tous les hommes en situation de pouvoir sur une ou plusieurs femmes et qui sont prêts à en profiter.

[suite en commentaire]
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La condescendance, cette forme typiquement masculine de la bêtise.
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