Iris Rivaldi

On se hâta vers la salle d’interrogatoire. Quand on passa dans le couloir de nombreux policiers nous regardaient. Je compris qu’il ne fallait pas se planter sur ce coup-là car, entre la PJ et les proches de la victime, une pression énorme planait au-dessus de ma tête. Tout ce beau monde était suspendu aux résultats de mes investigations. Et je me sentais pareille à la lame d’un patin à glace dans les secondes qui précèdent la réception du triple axel.

Émilie savait aborder les sujets sérieux tout en œuvrant avec efficacité à la résolution des mystères. Une sacrée petite femme ! Je débordais d’une admiration sans bornes à son égard. Je l’ignorais encore au moment où elle était apparue dans ma vie pour alléger ma solitude, mais elle représentait ma dernière chance de bonheur. Je ne remercierai jamais assez le ciel pour ce cadeau merveilleux.

Alors qu’on prenait congé, elle en profita pour nous enjoindre de faire savoir à qui voudrait l’entendre que « ces moulins à vent » étaient dangereux pour la santé. Cela sans grande conviction toutefois, bien consciente que tout ce que son mari et elle pouvaient raconter au sujet de ces « engins de malheur », ça revenait à « cracher en l’air ».

[...] pour appréhender les mystères du monde, il est possible de recourir à bien d’autres moyens que nos seules mirettes.

Petit flash-back : j’ai en principe mis un terme à ma carrière de policier dans la bonne ville de Sernon où jusqu’à un passé récent j’étais commissaire principal. Cette cité au charme provincial me connaît même depuis l’âge des caleçons courts et Dieu sait combien de fois j’ai exposé mes frêles gambettes lorsque je rossignolais dans la manécanterie de la paroisse où j’étais choriste. Ici, règne encore une douceur de vivre particulière que mes services, sous mon autorité, ont toujours cherché à préserver.

Qu’il faille à l’homme moderne autant de choses pour vivre dépassait son entendement d’Indien qui courait la jungle, pieds nus et à moitié vêtu, avec pour seul impératif de se nourrir dans une nature généreuse.

— Me revoilà ! annonçai-je en me précipitant sur le lit tel un écumeur des mers à l’abordage d’un galion chargé d’or.
Sans plus tarder, j’appliquai généreusement ce fluide riche en promesses dont la senteur m’envoûtait. Je m’attaquai à sa nuque délicate, à ses ravissantes épaules, et sa peau exaltait son infinie douceur sous mes doigts. Je me sentais chaviré de désir. En était-il de même pour Émilie ? Tous les mots auraient été superflus car son corps parlait le langage de l’amour et je recevais bien des signaux encourageants. Les frémissements qui parcouraient son épiderme m’incitaient à m’engager un peu plus bas.

D’aucuns pourraient grincer, bramer au grand n’importe quoi, qualifier notre rencontre d’histoire à dormir debout, frappé du sceau d’un amour bien trop prompt pour durer. Et pourtant.

- J'ai senti que ton mari avait besoin d'aide, que quelque chose le menaçait dans sa vie. Je ne veux pas te l'expliquer mais c'est ainsi... J'ai vu et j'ai accompli mon voyage vers vous.

Et comble du bonheur, Emilie et sa jeunesse m'accompagnent pour me permettre d'accoster en toute quiétude sur les rivages de la maturité.