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Citations de Isaac Rosa (28)


J’ai appris vos actions de protestation le jour où j’ai cliqué sur un lien qui promettait « Dix aliments qui vous protègent du cancer », et que ce que j’ai trouvé, c’est le blog de votre syndicat, où vous révéliez les tarifs payés par les principaux médias et où vous dénonciez des cas d’abus sur des collaborateurs. Je t’ai demandé ce qu’il en était, et ce n’est qu’alors que tu m’as parlé de la « guérilla clickbait » : les appâts que vous laissiez sur les réseaux sociaux pour rendre visibles vos revendications, à l’aide d’hameçons infaillibles du genre « Les cinq choses qui rendent les femmes folles au lit », « Les dix blessures les plus terrifiantes sur un terrain de football », « La vidéo qui a fait vomir des millions d’Américains », ou « L’impressionnante bagarre entre deux chauffeurs de taxi à l’aéroport », et qui en fait menaient au blog du syndicat.
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Attention, nous venons d’offrir une de ces boîtes de merde aux mariés. Nous aurions dû leur offrir leur futur divorce, j’ai entendu dire qu’il y a une entreprise qui propose un service intégral de rupture, ils s’occupent de tout : avocats, thérapie, aide pour les enfants, coaching pour se remettre ; je ne peux imaginer meilleur cadeau de mariage.
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....s'aimer très fort et s'empoisonner la vie est compatible.
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Le monde s’écroulait pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les gens étaient jetés par le balcon avec tous leurs meubles, tous leurs souvenirs pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les malades mouraient dans les couloirs des hôpitaux en attendant un test de diagnostic pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les pères de famille faisait la queue avec leurs enfants devant les soupes populaires pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les banquiers, leurs politiciens volaient à pleines mains pendant que nous, nous baisions, tout heureux, elle-même ne pouvait pas payer le loyer de sa chambre ce mois-là parce qu’on avait saisi la moitié de son indemnité de chômage pour payer une amende pendant que nous, nous baisions, tout heureux ;
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En semaine, en revanche, la pièce obscure était plus que jamais un refuge. Pour certains, plus que cela : un bunker : les murs s’élargirent, le sous-sol devint plus profond, le plafond se voûta et l’obscurité se condense comme un emballage. Elle semblait résistante, à l’abri de l’effondrement général qui s’annonçait, qui menaçait, dont nous parlions encore avec plus d’enthousiasme que de crainte, un futur dont la terrible description nous amusait, parce que ce n’était pas de nous que nous parlions, cela ne nous arriverait pas, ce seraient d’autres que nous qui seraient licenciés, expulsés, jetés dans la misère, poussés à un appauvrissement qui rendrait plus insupportable la vieillesse. Si quelque chose nous effleurait, nous aurions toujours notre refuge. Ce n’était pas pour cela que nous avions construit la pièce obscure, pourtant certains d’entre nous la trouvèrent alors plus solide que leurs propres maisons, où le désarroi devenait grumeleux, se bloquait dans notre gorge. Pour la plupart nous étions encore indemnes, mais il y avait autour de nous des gens qui avaient moins de chance et nous regardions dans leur reflet menaçant : quand nous nous retrouvions le samedi nous faisions le décompte des pertes parmi nos connaissances, qui avait été licencié, qui s’était retrouvé sans emploi pour le prochain exercice, qui devait retourner vivre chez ses parents. Nous étions pour la plupart intacts, mais pas tous : certains furent atteints par ces premiers bombardements, ils devinrent des assidus du bunker.
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Nous avions des partenaires avec qui faire l'amour une fois par semaine, les premiers enfants étaient nés et nous, les mères, perdions notre appétit sexuel tandis que nous, les pères, nous nous masturbions en regardant du porno sur Internet quand tout le monde dormait...
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Cette douleur initiale laissa court à la furie, obéissant à un signal que personne ne donna, que nous entendîmes tous cependant, nous nous jetâmes les uns sur les autres, avec une rapidité qui était un enseignement de la fois précédente, au cas où, à un moment ou à un autre, la lumière reviendrait. Nous nous traînâmes par terre en enfonçant nos os les uns dans les autres, en perdant tout repère du corps le plus proche, nous embrassâmes et fûmes embrassés, nous nous griffâmes en poussant les mains sous les vêtements, nous offrîmes boutons, fermetures Eclair, mordîmes tout ce qui était à notre portée, introduisîmes des doigts, secouâmes, écartâmes les jambes ou poussâmes avec le genou entre d’autres jambes, nous nous retirâmes à temps et cherchâmes un autre corps à renverser, nous nous fîmes mal, nous tachâmes mains et ventres, jusqu’à ce que peu à peu nous abandonnions, nous nous écartions du tumulte, pour rester dos appuyé au mur, en silence, écoutant les respirations comme s’il n’y en avait qu’une, nous reboutonnant, remettant nos chemises et T-shirts.
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Aimer est une forme de projection totale, un sport à risque, être rejeté est un cataclysme que personne ne veut subir.
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il nous semblait incroyable d'avoir été un jour les pièces d'un engrenage étonnant qui tournait dans la pièce: nous nous sentions désormais incapables de nous jeter sur ce corps, de le renverser, de mettre nos mains sous son chemisier, le laisser baisser notre pantalon; nous n'étions plus ceux alors qui s'étaient embrassés, masturbés, pénétrés, et qui avaient laissé une odeur âcre dans l'air, ceux que nous fûmes un jour et dont nous nous étions détachés comme des animaux qui en grandissant changent de peau, (....): nos écorces vides étaient restées là, disséminées par terre, abandonnées dans des étreintes et des copulations immobiles comme des cendres pompéiennes.
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Et là, tu as Serge, et beaucoup d'autres Serge de son âge. Ils sont venus au monde sans futur, ils n'ont pas entendu autre chose depuis qu'ils eurent l'âge de raison: il n'y a pas de futur. Un monde punk. Ils n'attendent rien, ne demandent rien. Ils ne peuvent se fier dans le système éducatif, le marché du travail, l'effort ou le mérite. Ils savent qu'ils doivent se débrouiller dès la première minute. Sauve qui peut.
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Je suis devenu athée en amour à force de tomber amoureux.
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Parfois, dans des conversations d’après-déjeuner, il lui est arrivé de plaisanter au sujet d’un soulèvement de mendiants qui, un jour, comme à l’unisson, décideraient de passer à l’action, de sortir de leur léthargie et de se mettre à réclamer, à poursuivre, faisant ainsi de leur attitude de supplique un geste politique : ne pas se contenter d’un refus courtois, devenir notre ombre, en appeler à notre mauvaise conscience, comme s’ils avaient été formés non par un meneur révolutionnaire mais par un expert en techniques de vente.
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Je pensais que c'était une bourge venue fonder une communauté dans le quartier le plus misérable de toute la ville, avec la même mauvaise conscience et faim d'aventure, la même ferveur et la même naïveté que les autres bourges qui partent comme coopérantes dans des pays pauvres, passent un mois de vacances, aident dans une maternité ou une école dans une grange, se font photographier avec des petits Noirs contents, en profitent pour connaître les plages sauvages et baiser avec d'autres coopérants, et par la même occasion grossissent leur curriculum vitae avec des activités sociales toujours bien valorisées par le entreprises.
(traduction libre du contributeur à partir du texte original p. 156)
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La violence, plus que les violents, telle une chose qui serait au-dessus de ceux qui l’exercent, un air vicié, une menace permanente, un monstre qu’il faut alimenter par de fréquents sacrifices, une loterie à laquelle on ne choisit pas de participer, un phénomène qui se manifeste chaque jour de mille façons différentes, sous forme de minuscules fuites ou de grandes explosions, qui parfois passe près de nous, nous effleure ou nous touche.
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Nul doute que, pour une part importante, il craint d’être attaqué, agressé, dépouillé ; quelqu’un qui vous attrape par le bras au coin d’une rue, qui se glisse par la portière arrière de votre voiture tandis que vous êtes arrêté au feu rouge, quelqu’un qui sonne chez vous, un pied qui se place entre la porte et l’encadrement avant qu’on n’ait pu fermer. Mais le moins grave, en pareil cas, c’est ce qu’on a perdu, ce qui a été soustrait, l’argent, la montre, le véhicule. Ce qui compte, c’est le couteau planté dans le flanc, le bras serré autour de la gorge et le coup de pied dans la porte. De fait, il a encore plus peur des situations où aucun portefeuille n’a disparu et où aucune voiture n’a été volée, lorsque vient à manquer la motivation qui non seulement justifie l’entaille ou le coup, mais qui surtout lui donne une limite, qui y met un terme, car tout s’achève lorsque le voleur s’enfuit avec le butin, une fois son objectif atteint. Il a peur quand il n’y a pas cet objectif ou que celui-ci est autre, qu’il n’existe pas, n’est pas identifiable. Les cas où les coups ne cesseront pas en échange d’une liasse de billets ou d’un code secret de carte bancaire, car la seule chose qu’on peut et qu’on veut nous arracher, c’est la douleur.
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Elle avait l’habitude de laisser son sac à main suspendu au dossier de sa chaise lorsqu’elle allait aux toilettes ou qu’elle assistait à une réunion dans une autre pièce. Il n’était guère difficile de s’approcher et de profiter de son absence pour glisser une main dans le sac, en tirer son portefeuille et subtiliser un billet, en veillant à ne pas soustraire tout l’argent et à choisir une somme dont la disparition ne se remarquerait pas. Elle n’avait aucune raison de soupçonner quelqu’un, même si elle connaissait à peine certains de ses collègues, car la rotation du personnel était rapide, les gens ne restaient pas longtemps dans cette entreprise, ce qui renforçait le désintérêt et le ressentiment susceptibles de pousser un individu à voler sur son lieu de travail.
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Ils parlent tant et plus de changer le système économique: travailler, produire et consommer d'une manière différente, alors qu'en réalité le jeu est ailleurs, ça fait longtemps que les règles ont changé, l'échiquier, et même la table: le système n'a déjà plus besoin de produire pour accumuler des richesses, n'a nul besoin de fabriquer ou de vendre quoique ce soit, ni d'augmenter le PIB, les prix ou les salaires (...) Le véritable profit, celui qui fait avancer le monde, ne s'extrait pas des corps, de la sueur, du talent ou de la terre: il sort de l'air, du néant, de produits financiers et marchés à terme, de la spéculation, de la création artificielle d'argent, de la gestion de la dette.
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Mes filles sont ma montre. Mon ancre. Elles me donnent de la solidité quand tout se décompose. Patience et attention, au milieu de tant de dispersion et de hâte. Mes filles sont un lieu dans le monde, alors que nous sommes tous perdus, désorientés, délocalisés. Mes filles m'ont apporté de la sagesses, du sens, des limites. Des points d'attache dans un monde débridé.
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Toute tentative de raconter l'amour est condamnée à l'échec. L'amour est ridicule, il est incompréhensible, il est disproportionné, il est faux, il est erroné. Même les carnets, les lettres et les messages d'alors ne peuvent nous servir à récupérer une intensité que nous ne comprenons plus. Nous pouvons seulement en raconter les cendres, ou même pas cela : la suie qu'ont laissée les cendres avant que le vent ne les disperse.
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Il n’y a pas lieu de penser non plus au geste d’un pickpocket dans le métro : la récurrence des faits contredit pareille hypothèse et il n’est guère vraisemblable qu’un voleur s’empare d’un portefeuille, n’en tire qu’un petit billet puis le remette à sa place. On n’a pu lui voler l’argent que chez elle.
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