C'était toujours les mêmes maisons sinistres, les mêmes jardins mal entretenus, les mêmes véhicules fatigués, à cheval sur le trottoir. Une fois de plus, il eut le sentiment que l'enfer - le vrai, pas sa version romantique - se trouvait là, dans ce mélange monotone de désolation et d'ennui. Un de ses supérieurs lui avait expliqué un jour que la plupart des meurtriers agissaient non par méchanceté, mais par indifférence, et que dans l'univers d'où ils venaient on ne pouvait que perdre son âme.
- Homme ou femme ? demanda-t-il.
- Femme, répondit McPherson.
- Strangulation ? Noyade ?...
- Aucune idée pour le moment, mais c'est un cadavre plus intéressant que la moyenne.
- En quoi ?
- Il est en cours de saponification.
"Saponification"... Le genre de mot qui ressemble à un éternuement.
- Saponi... quoi ? s'enquit Dalton.
- Un phénomène qui peut se produire lorsqu'un cadavre reste trop longtemps dans l'eau.
- Quelle en est la cause ?
- La graisse se solidifie et forme une substance cireuse. En adhérant aux os, elle permet au corps de garder sa forme. Souvent, comme ici, il n'y a pas assez de graisse aux extrémités pour que le phénomène ait lieu et les empêche de se décomposer.
Presque machinalement, Rigby jeta un coup d’œil aux longs bras blancs qui se terminaient par des mains réduites à l'état de squelette, comme si quelqu'un en avait arraché la chair avec un couteau.
- Ca prend combien de temps ?
- Trois mois minimum.
- Et combien de temps se conserve un cadavre dans ces conditions ?
- Une fois la graisse solidifiée, il peut rester intact pendant des années.
Pour une fois, le professeur Mallory Wober avait troqué son habituelle veste de tweed contre un manteau en peau de mouton.
- On sort se dégourdir les jambes ? suggéra-t-il.
Il ne faisait pas vraiment un temps à se dégourdir les jambes, mais Audrah devinait de quoi il retournait. Contrarié par l'annonce de sa démission, Wober espérait sans doute la faire revenir sur sa décision.
S'il existe une vie après la mort, personne n'a encore réussi à traverser la frontière séparant notre monde d'un éventuel au-delà.
Le seul fait qu'il eût osé regarder la femme de George scellait sa destinée. Et peu importait que George eût à purger une peine de quinze ans : cela signifiait juste qu'il disposait de trois lustres pour réfléchir au pire moyen de se venger. Dans ses meilleurs moments, Jarvis en arrivait à penser que tous ses projets dans la vie, il avait intérêt à les réaliser dans les quinze années à venir. Car, une fois libéré, George se chargerait de le mettre dans un tel état que Jarvis ne pourrait pas fournir d'effort plus intense que de cligner des yeux ; une fois pour “oui”, deux fois pour “non”.
Aux yeux de Joan, le pavillon de Cathy allait de pair avec un mode de vie dont, à une époque, elle ne voulait à aucun prix. Ironie du sort, elle n'avait finalement pas eu le choix et devait se contenter à présent d'une existence encore moins enviable. Plus que du manque d'argent, d'espace ou d'espoir, c'était de la solitude qu'elle souffrait. Sa sœur, elle, avait au moins un mari. Peut-être ne ressemblait-il en rien à celui dont rêvait Joan, mais année après année, il subvenait aux besoins de Cathy et des enfants, leur offrait une présence rassurante. C'était déjà beaucoup.
J'ai vu le regard qu'elle et Francis avaient échangé à cette fête, un regard fugitif.
Une seconde tout au plus, et pourtant il m'avait semblé durer une éternité.