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Citations de Jacques Ancet (224)


Jacques Ancet
Je me demande encore ce qu'est l'amour
cette folie de faire tourner le monde
autour d'un même centre rose et mortel
je sais qu'il n'est pas de réponse je sais
que c'est se vouer à la perte et aux larmes
mais malgré tout j'ouvre les bras je dis oui.

( " La brûlure " in " Lettres vives" 2002)
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Je reviens, je vois de la poussière et des os, un bidon sonore où coule un filet d’eau, un tourbillon, ordures vent et oiseaux, leurs cris, oui, je les vois

ou une chambre minuscule, les doigts qui tapent sur la veine, le garrot et l’aiguille, je vois, montés, le plaisir et la mort, je vois l’éclair et la nuit

je vois tout ce que je ne vois pas et que je vois, des fleuves de fourmis, un visage qui n’est plus que ses yeux, un vertige multiplié de dunes

les bouches hurlantes de Wall Street, la peur qui suinte, le cul de sac de la misère, les mains et les yeux vides, le sachet éventré, le grouillement des vers

je vois ce qui m’aveugle, la cataracte où tout bascule et coule à pic et seul reste l’arc-en-ciel d’une buée déjà évaporée et son silence de fin du monde

je vois ce qui s’en va et ce qui vient et l’entre-deux qu’on ne voit pas non plus

je vois et je reviens
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Mais pourtant je reviens, je reviens dans la surprise des couleurs, jaunes rouges, violets pour des yeux égarés

les Bourses de partout s’effondrent et je regarde tomber la pluie, sous le fracas j’écoute le silence, je suis là et je n’y suis pas

à chaque fois un autre, Don Quichotte et Sancho, les yeux du chat dans la pénombre, l’odeur mauve des prunes sur le sol

un matin et un soir et Ramón dans ses trois gilets et ses deux manteaux (ou est-ce l’inverse ?), le feu de la pipe sur la langue à traquer l’aube et son secret

et côte à côte et cathédrale et temple aztèque, et main tendue, et rires, je suis l’éclat de l’eau

les craquements du feu, je suis ce caméléon dont parle Keats, l’immensité du Nil et la nuit de Borges, de partout

je reviens, j’ai dit que je ne parlerai plus et c’est vrai, ce n’est pas moi qui parle, ce sont tous ceux

que j’ai traduits en leur donnant ma voix, le chœur muet non seulement des poètes mais, c’est pareil, celui des voix sans visages

on les appelle des chiens, comme eux ils fouillent les décharges, montrent les dents, se déchirent, se taisent, et dans le tohu-bohu de la planète

leur silence est un fracas sans fin, une panne de son que personne n’entend plus
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il y a une soirée d’été pareille à tant d’autres, insectes, cloche lointaine, ronflements sur l’horizon, avec le brusque croassement d’une corneille pour confidence

il y a une ville, sirènes, gratte-ciels et maisons basses, une pharmacie au coin d’une rue, des caisses de soda, des rires

il y a tout ce que je ne dirai pas et qui m’accable, j’ouvre un cahier et j’écris autre chose, toujours autre chose que ce que je voudrais dire

le frisson lumineux de l‘herbe, par exemple, cette canette de bière vide roulée sur le trottoir ou, simplement, les quatre doigts de pied posés tout près et qui bougent un peu

il y a tout ce que je dis, tout ce qui est là, mais je n’entends rien et pourtant, oui, je sens ce passage muet, comme un frôlement

non, ce n’est pas le vent, c’est un souffle léger sous les mots, qui les porte, les pousse, les réunit et qui les laisse là

alors dire je reviens, c’est peut-être entendre simplement ce murmure, on dirait une voix, très loin et à la fois si proche que c’est comme si elle me sortait de la bouche

comme si c’était moi qui parlait dans ces images subitement tombées là, tout autour, et dans lesquelles je ne me reconnais pas

une rue trop obscure, une lune trop blanche, un lac, peut-être, des arbres, deux corps serrés et leurs mots qui se perdent

ou, bien moins, une craie, le mouvement d’une main écrivant sur un mur des lettres que je ne sais pas lire mais elles m’entrent dans les yeux, elle brûlent

je ne vois plus rien que leur trace de feu et même si j’y vois, je suis aveugle de tout ce que je ne verrai pas
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Je reviens, mais j’ai déjà perdu le fil, les oiseaux passent comme des flèches destinées au soleil et je regarde à mes pieds ce qui reste du temps

les bruits divers du jour m’assiègent et tous les titres des journaux réunis font une boue dans laquelle je patauge sans pouvoir en sortir

je regarde devant moi l’invasion invisible, l’âge couvert de tiques, de toiles d’araignées, de taches d’excrément, et la matière

pullule tout autour, me submerge de son grouillement sans fin

j’ai dans les yeux des images perdues qui remontent comme du fond d’une cave où elles auraient attendu la porte ouverte, les pas dans l’escalier
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pour la montagne et pour l’herbe, pour le cri de la corneille, le chêne et la clôture

pour tout ce que j’ignore, mais qui réclame un peu de place entre mes mots, un fil luisant entre feuille et pierre

un peu de terre sous la semelle, ce numéro de téléphone sans visage et sans voix, trop de feuilles sèches pour la saison

je reviens, mais qui m’a attendu, les pièces sont vides, quand j’y entre je ne trouve qu’un peu de poussière au bord des fenêtres

et les taches pâles des tableaux absents sur les murs, le jour est un désert trop encombré de phrases et d’objets

les vaches broutent dans nos chaussures

leur souffle chaud fait une buée où nos yeux s’évaporent
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Je reviens, j'ai été absent des semaines, le vent pourtant n'a cessé de souffler et la lumière d'éclairer les visages

je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur d'enfance, je ne sais plus si c'est bien moi

qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles éparpillées que je ne reconnais plus

mais je reviens, écoutez, le monde me traverse toujours, il a des flaques de sang, des mouches, une douleur trop grande pour être dite

le monde est noir et il fait mal, le monde, il a des petits yeux méchants, ils vous regardent, vous épient

vous entrez dans une histoire sans queue ni tête, on dit c'est la vie, elle vous regarde de loin déjà, elle vous mange

alors comment revenir comment dire c'est moi regarde c'est moi encore je suis là
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SILENCE CORPS CHEMIN (1972)







Silence



Le feu des pierres illuminait les racines aveugles

Une offrande de cris où se mêlaient des voix montait du rose des collines

L'ombre tremblait

Le silence portait toujours les cicatrices de la foudre
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COURBE DU TEMPS (1971-1972)







quand le regard devient regard
la main s'arrête un peu
comme pour écouter
la lumière à quatre heures
est l'or déclinant d'un fruit
le ciel plus pur encore
que celui de l'enfance cachée
dans le vert tremblement des poires
sous l'arbre s'incline une tête
selon la courbe de sa vie
vivre vivre blessure lente comme neige
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LE SONGE ET LA BLESSURE (1969-1970)



(Nocturne inachevé)

Aujourd'hui le temps saigne sur la vitre.
Un vent d'absence y vient mêler les cendres
d'on ne sait quel feu mort. Un volet grince
et claque par moment. On guette encore
cette rumeur de vie sous les échos
et la rumeur des jours, comme une eau lisse
où vient sauter la pierre. Mais on sait bien
qu'on ne pourra jamais l'entendre.
On reste là quand même, et on attend :
peu à peu le soir glisse sur la page,
couvrant les mots et la main qui les trace.

La lampe qu'on allume elle aussi saigne
et les mots s'illuminent un instant.
Puis tout s'éteint. Que crois-tu donc, poète,
qu'une lampe suffit à éclairer
la nuit têtue de l'encre et du destin?
Car tout retombe au centre de la page,
tout se brise toujours, telle la pluie
qui s'est mise à tomber contre la vitre.
On écoute pourtant : le long des murs
le temps suinte et coule ; on se regarde
dans le reflet étrange d'un regard.

La nuit est une eau noire où flottent des
lambeaux d'espoirs, des lueurs, des regrets,
des voix perdues, des mains, un froissement
trouble et très lent d'images déchirées,
une lente agonie de chaque chose
en chaque chose et de l'homme en lui-même.
Une porte se ferme. Une fenêtre.
Dans le silence effrayant des paupières,
au bord du puits obscur de la mémoire
dont nul ne sait s'il pourra revenir,
tous se cachent pour perdre leur visage.

La nuit. Le lieu de l'impossible amour
où chaque fois nous nous brûlons en vain.
Tu me souris, mais tu es trop fragile
pour que sans te briser ma main te touche,
ô toi si proche, si lointaine, seule
à l'orée de ce songe où tu m'attends:
un jour de ciel, un silence d'oiseaux,
un champ de terre rouge et un cyprès
dressé contre le mur d'une maison de pierre,
un lent chemin que frôlent nos deux ombres
au cercle d'or d'un éternel été.


Mais on vieillit et le songe s'éloigne,
tel un écho de pas dans la rue vide,
léger mais persistant. La main se pose
sur la page inutile où çà et là
sont échoués les mots. Les yeux se ferment.
Il n'y a plus qu'à écouter encore
sous le silence et la cendre des heures
éparpillées, ce feu de la mémoire
craquant très loin, voix de flamme et de braise,
voix d'enfance et de mort. Le vent s'est tu,
la pluie aussi: il faut attendre l’aube.
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L'AUTRE PAYS (1966-1969)


Une fontaine sèche où pousse l'herbe
et coule le soleil. La rue déserte.
Un chat passe sans bruit. Des escaliers
tordus sonnent dans la cendre des tuiles.

Un oiseau gris couve le long des murs
les œufs d'oubli que le temps a pondus.
Son cri parfois déchire la lumière,
sanglant. On s'arrête pour l'écouter.

Rien ne bouge. Des fleurs tremblent à peine
aux terrasses où s'écrase le ciel.
Sous les volets, sous le bâillon de l'ombre
des yeux obscurs s'allument en silence.

Plus haut, près d'une croix de pierre blanche
rongée de vent, veille la solitude.
Son pas brûlant rôde par les orties
à l’horizon des dernières demeures.
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Ni sport ni exploit technique. Il ne s'agit ici ni de vaincre un sommet, ni même, comme on dit, de se « dépasser ». Plutôt d'entrer dans un rapport où sujet et objet confondus ne sont plus qu'un seul continu de pierre, de chair, de regard, de lumière, de mémoire, d'espace, de pensée et de vide. Et ce rapport ne peut avoir lieu que dans l'emportement d'un mouvement. La montagne écrase quand on l'affronte dans la fixité du regard; elle accueille si l'on marche vers elle, si l'on s'y oublie. L'expérience à laquelle elle invite est celle d'une dépossession. Du temps, de l'espace et de soi-même. Gravir pas à pas sa grande forme à la fois inquiétante et accueillante, massive et aérienne, c'est entrer dans un présent qui ouvre à l'instant des choses. Dans la lenteur de l'ascension s'établit un contact d'ordre... ontologique. J'hésite à écrire ce mot, tant il recouvre de facilités et de prétentions. Je veux parler de cette manière d'être ensemble où, aux moments les plus forts de l'ascension, le temps de l'homme et le temps du monde se rencontrent. Alors, on est là, totalement. Dans l'éclat unanime - anonyme. Où chaque parcelle d'espace et de temps reflète l'infini du monde. Une expérience d'être, effectivement. Je marche, et chaque pas réaffirme la vie. L'intensifie. Face à la mort. Qui, un instant recule. Dans l'oubli de soi-même. Dans l'affirmation de tout.
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Le temps s'étire comme, mot à mot, une phrase si lente qu'elle semble immobile. Et c'est peut-être dans cette lenteur qu'on voudrait entrer. Pour y trouver ce qui pousse et à la fois appelle. Ce passage comme d'une eau obscure, silencieuse, qui coulerait on ne sait où pour resurgir soudain, miroitante et sonore, ouvrant la vie - un espace si clair qu'il serait sans limite.

p. 62
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Le jour passe trop vite. Soudain, la montagne est cette lampe rose dont l'éclat se prolonge bien après que tout soit tombé dans l'ombre. Et même quand elle s'éteint, c'est encore une buée lactée qui touche presque les étoiles.

p.104
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Qu'est-ce qu'un lieu - ce qu'on appelle un lieu ? Non pas l'en face du paysage, la distance du panorama, mais cette configuration singulière où, sans qu'on l'ait ni prévu ni voulu on se découvre soudain là, au centre. De quoi on ne le sait pas. Mais on est dans un espace où habiter, où découvrir, une fois encore, que quelque chose commence, ne cesse de commencer et qu'on commence avec.
Comme parfois au détour de tel chemin, la surprise d'un jardin entrevu - l'obscur d'un tronc, le vert liquide de l'herbe et des feuillages - par la porte entrebâillée d'un mur. Ou, plus simplement, ce coin de place au soleil, ce banc à l'ombre de trois peupliers sur lequel on attend. Car c'est peut-être l'attente qui fait le lieu. Tout ce que le corps et le regard y mettent de vie pressentie et promise. En ce sens, n'importe quel morceau d'espace peut devenir un lieu, pour peu que l'habite l'intensité d'une attente qui est moins peut-être celle de ce qui vient que de ce qui revient. Quelque chose comme un grain d'enfance. Et tout se met à briller.

Pp. 11-12
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Jacques Ancet
4
Extrait choisi :
« ... Il m’a montré l’image d’un balancier, c’était un soir de notre
jeunesse dans son bureau, devant le fleuve que le couchant couvrait
d’écailles rouges. Il m’a fait remarquer d’abord que chacune de ces
écailles ne pouvait avoir une existence que si elle se concevait en
train d’expirer, et comme je ne comprenais visiblement pas ce qu’il
voulait dire, il s’est avancé vers un fil à plomb disposé face à la
chaise où il se tenait d’habitude, et il l’a mis en mouvement. Il est
resté silencieux devant ce spectacle minuscule, puis m’a dit tout
bas : Vois-tu l’ombre qui double le fil et qui, comme lui, se balance ?
Il m’a laissé le temps de bien la voir, puis a continué : Je me donne
souvent cette représentation dans la pensée que l’ombre contemple
dans le fil la condition de son existence, et qu’elle en tire une
vivacité grandissante à mesure qu’elle sent expirer en elle le
mouvement du balancier. Il s’est tu là-dessus et m’a tournée vers le
Rhône où les écailles étaient déjà moins nombreuses sur la crête de
remous à présent ténébreux, et je sais que nous avons partagé alors
quelque chose de merveilleusement innommable… »
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Jacques Ancet
3

Tous ces monologues ont en commun de reposer sur plusieurs
niveaux d’écriture qui sont l’écho des multiples genres par ailleurs
pratiqués par Bernard Noël. Le premier serait de l’ordre du dialogue
par l’interlocution qu’instaure l’usage du pronom ; le second, celui de
la narration qui offre au lecteur un sens qu’il tiendra longtemps pour
le but ou la visée de ces pages ; le troisième, celui de la fonction
imageante du poème qui vise à nous faire vivre ce qui nous est
raconté ; le dernier, celui de la « chair » ou de la présence qui, par
l’image, cherche à dire l’absence d’image, ce bord de « quelque
chose d’abrupt, de vertigineux », dit Bernard Noël, que seule la
perte de tout savoir permet d’entrevoir. Quelque chose qu’il appelle
aussi l’ « intime ». Autrement dit, théâtre, roman, essai, poème
entrent en confluence pour nous offrir un texte dont la densité tient
au tissage de ces différentes tresses verbales. C’est de là, sans doute,
que me vient cette émotion à lire Bernard. C’est là que, pour moi,
elle se manifeste au plus haut point. Dans ce noir-lumière d’une
prose à la fois obscure et lumineuse où toute son œuvre finit, me
semble-t-il, par se rassembler.

Jacques Ancet
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Jacques Ancet
2
Dans ces conditions, on comprendra que ma lecture de Bernard
Noël ne relève pas du plaisir mais d’une émotion qui était, dans ce
cas, de l’ordre du bouleversement. Car ce qui imprègne toute son
écriture, c’est une violence noire, éclairée par une maîtrise qui lui
donne, par contraste, encore plus d’intensité.
J’écris « éclairée », parce qu’à partir du noir qui la fonde, l’écriture
semble tendre vers l’ouverture d’une lumière ou mieux, d’une
éclaircie : « Je tremble devant ce pur affrontement, qui fait jaillir la
lumière depuis le dessous du noir » dit-il lui-même. Et cette 1
éclaircie est celle d’une apparition, d’une brève coïncidence entre le
noir du corps et la clarté du langage qui, parce qu’elle se fait dans le
1 « Lettre à M.B. », in La Place de l’autre, P.O.L, 2013.
présent de l’écriture, a pour nom présence : « il doit s’agir encore de
trouver le mot qui pourrait illuminer le corps / mais qu’y a-t-il de
commun entre le corporel et le langage / un jour peut-être exista-til entre les deux une coïncidence... » 2
D’où, sans doute, ce croisement de l’affect et de la pensée, de
l’emportement et de la maîtrise, de la violence et de la caresse, des
ténèbres et de la lumière qui porte et habite la voix de Bernard
Noël. Or, nulle part plus que dans ses monologues réunis sous le
titre de La Comédie intime cette fusion ne m’apparaît aussi patente.
Chacun d’entre eux repose sur un travail de langage qui croise
l’activité du romancier, de l’essayiste, du poète, de l’auteur de
théâtre, dans le seul mouvement d’une prose relancée à l’ouverture
de chaque phrase par l’usage d’un pronom donnant la tonalité du
texte qu’il suscite : JE La Langue d’Anna, TU Le Mal de l’intime, IL La
Maladie du sens, NOUS Le Monologue du nous, VOUS La Maladie de la
chair et, en guise de ILS, un mélange de quatre de ces pronoms,
VOUS, IL, JE, TU dans Les Têtes d’iljetu
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Jacques Ancet
NOIR LUMIÈRE

à Bernard, à travers les années
et maintenant voici venir le noir qui est de la lumière

Bernard Noël, Ce Jardin d’encre

Il m’a rarement été donné d’entendre la voix de Bernard Noël aussi
nettement qu’à l’occasion d’une lecture publique de La Maladie de la
chair, l’un de ses monologues les plus impressionnants. Sans doute
parce que cette lecture, qui n’était pas solitaire mais jumelée avec
celle d’un autre écrivain, prenait un relief d’autant plus perceptible
que le contraste entre les deux était plus manifeste. Le premier
intervenant avait lu un long (trop long) extrait d’un de ses livres,
lequel, paré de tous les oripeaux de la modernité, visait à s’imposer
à un public apparemment subjugué par cette violence tout
extérieure : une coulée d’écriture chaotique charriant sarcasmes,
jeux de mots, effets d’écho, et autres paronomases, onomatopées,
exclamations, assortis de beaucoup de cul, de merde, de gland, etc.
Quand vint le tour de Bernard Noël, au bout de quelques phrases,
un autre monde s’installa. Comme après une intense cacophonie, un
long silence sécrété par une prose lente, parfaitement maîtrisée,
sous la surface lisse et sans remous de laquelle s’ouvraient des
profondeurs ténébreuses qui rendaient, par comparaison,
parfaitement inopérante et singulièrement apprêtée la violence du
premier texte.
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Suivre le murmure



Extrait 5

Elle dit : ne regarde pas, écoute. C’est comme si elle tendait la main et pourtant ne montrait rien. Ou une confusion de couleurs et de formes. Et quelque chose comme un vent qui les traverse, les éparpille. Écoute, oui, écoute. Laisse les images, suis le murmure.
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