Citations de Jean-Charles Pichon (201)
Celui qui vit intégralement sa veille, en s’oubliant soi-même, a-t-il encore besoin de rêver ?
Quand Platon meurt, en -347, son élève [Aristote] a déjà commencé de poursuivre dans un tout autre sens la quête du socratique. Aux jeux naïfs du Maître, il oppose la saisie concrète de la science. Aux timides conseils de Platon aux tyrans, il oppose l’enseignement méthodique d’Alexandre, le nouveau maître du monde. Au jonglage des figures et des nombres, il oppose la connaissance des Lois.
Platon a donné le nombre : 1254 à la première période et le nombre 900 à la seconde. Entre les deux périodes (1254-900 = 354) quelque chose s’instaure, qui n’est pas l’harmonie divine de l’ancien dieu et pas encore l’harmonie divine du prochain ; ni la figure dépassée (le Passé) ni le devenir encore seulement probable (l’Avenir).
La Loi permet le passage. Elle en inverse le sens, car elle ne connaît pas le temps réel (du devenir au devenu) mais seulement le temps inverse, rationnel (du passé-cause à l’avenir-effet).
Cette malédiction [le rejet des œuvres irrationnelles dans les époques rationnelles] se présente […] :
1) Tantôt comme, dans le cas d’Ezéchiel ou de Nuysement, l’œuvre n’est pas entièrement ignorée, mais réduite au niveau de l’élucubration, ce qui interdit qu’elle soit sérieusement étudiée. […]
2) 2) Tantôt, la gloire du philosophe, Platon ou Kant, interdit le mépris. C’est alors sous le poids des commentaires et des études qu’on tente d’étouffer le précis, les nombres de Platon, les catégories de Kant, présenté comme un jeu ou comme la faiblesse d’un esprit génial par ailleurs. […]
Mais la méthode la plus courante est l’exclusion.
Se souviendrait-on d’hier sans le sommeil qui l’acheva ? Regretterait-on ce qui fut sans toutes ces morts, qui en ont fait le retour inévitable ?
La grande vertu du mythe est d’épargner au Vif les pièges de l’explication. Sans le cancer on devrait s’efforcer de dire pourquoi on meurt ; sans les chambres à gaz de Hitler, approfondir le mystère insondable de la race. Alors ils se jetèrent sur lui.
Comme Janot, souvent, j’ai puisé dans le passé ou dans l’avenir le courage de persévérer, puisque, toujours, ce sont les autres qui meurent.
Il me faudrait […] raconter le rêve que j’ai eu –ou que j’ai fait- dans l’année de mes 22 ans, dans la cour d’une pension de famille, à Paris, d’un étranger, de 20 ans plus vieux, attirant non moins que répugnant, proche parent ou visiteur d’un autre monde, d’un autre temps, qui était l’homme que je fus 20 ans plus tard. Ou le rêve que j’ai eu/fait, de nombreuses fois, entre 23 et 26 ans, de la mort de ma première femme, qui se produisit l’année de mes 34 ans et que j’ai conté aussi, ailleurs.
74 11 Laissez-moi seul avec l’homme que j’ai créé.
[…] 17 Je l’obligerai à gravir une montagne escarpée,
18/23 Car il a réfléchi et il a décidé, comme s’il pouvait réfléchir, comme s’il pouvait décider ! Qu’il périsse donc !
L’homme croira qu’il peut se passer des dieux. Il reprendra sa quête rationnelle, conquerra d‘autres univers et libérera d’autres démons.
Plutôt que le vivant, la vie sera chérie pour sa contradiction même.
Puisque l’univers contenant 1°) est passé, 2°) est homogène et continu, nous disons qu’il est de la Durée : un passé qui se continue. A cette durée tend, par la gravitation, tout l’hétérogène (calorique ou électronique) de l’univers.
Puisque l’univers contenu 1°) est à venir, 2°) est hétérogène et discontinu, nous disons qu’il est le Possible : un avenir discontinu au-delà du mesurable. […]
Une synthèse nominale, analogue à celle-là, pourrait être opérée avant la fin du siècle. Une autre synthèse suivra.
On doit prévoir que l’actuel engouement pour la Similitude prépare un renouveau de croyance au Retour. Si l’homme reflète l’homme, le Temps ne peut-il pas se refléter lui-même ?
Toute culture « matérialiste » s’instaure sur une certaine inégalité, sur le rejet, le mépris ou la mise en tutelle d’une certaine catégorie sociale. On doit imaginer que les Sages du Savoir, au temps de leur décadence, tenaient en piètre estime le petit artisan (le tisserand, le potier) ou que les prêtres mages des religions gémiques, au Ve millénaire, n’avaient pas un regard pour l’homme qu’ils employaient à défricher la terre.
[…] Ainsi ne voyons-nous pas, dans notre univers même, se creuser une nouvelle inégalité. Nous ne craignons plus le nomade ou l’esclave, mais nous commençons de craindre l’adolescent. Nous libérons les peuples et nous chargeons d’enfance des êtres qui ne sont plus des enfants. Nous rions ou nous nous scandalisons de la notion de race et fortifions la notion de jeunesse, qui n’a aucune réalité. Chaque jour un peu plus, nous isolons le jeune, l’adolescent, de ce monde où il vit et auquel cependant il ne participe pas.
L’œuf primordial, Brahma, donne naissance à des formes successives de sa Puissance, qui équilibrent dans l’Eternel l’apparente fluidité de la vie. Mais, dans cette dispersion, le dieu se perd, puisque toute existence est faite de sa substance.
On remarquera qu’il dure exactement une « saison » mythique : soit 540 ans, de Salomon, d’Elie et de Zoroastre à Diotime et à Socrate –ou des sorciers du XIIIe siècle à ceux –méprisés- du XVIIIe s.
De cette longue suite de mythes que nous venons d’entrevoir : la Terre-Chèvre, le dieu Sagaie, le dieu des Profondeurs, le dieu Mana, la déesse des Moissons, le dieu Soleil, le dieu Spirale et de leurs renaissances ou « mues » diverses, les Achéens, plus tard, firent l’histoire d’une Famille : la généalogie des antiques dieux de l’Olympe.
Comme les races de Justice avaient dû vaincre d’abord la tentation du Double et les cultes aryens, les apôtres de l’Amour devront s’attaquer d’abord aux résurgences tauriques avant de voir leur dieu devenir universel.
187 ou 190 : La création des cieux et de la terre, l’alternance du jour et de la nuit, autant de signes aux yeux du sage !
L’extrapolation ne sera pas sans conséquence : elle servira de nouveau. Les douze fils de Jacob, suivant le même procédé, « incarneront » les douze structures mythiques, depuis Ruben (l’Eau souterraine) jusqu’à Benjamin (le Loup-Archer), jusqu’alors figurées par des dieux zodiacaux.