Citations de Jean-Christophe Sarrot (20)
En France, on comptait en 2010 selon l'Insee :
- 8 617 000 personnes en situation de pauvreté ([...] 964 euros mensuels), soit 14,1 % de la population,
- 4 755 000 personnes en grande pauvreté ([...] 803 euros), soit 7,8 %,
- 2 128 000 personnes en très grande pauvreté ([...]642 euros), soit 3,8 %.
En comparaison, le montant - très bas - du revenu de solidarité active (RSA) socle pour une personne seule est de 475 euros mensuels.
On voit que l'augmentation importante de la part des dépenses contraintes - en particulier pour les familles les plus pauvres - est antérieure à la crise de 2008. On imagine bien qu'elle a continué de grandir depuis. Face à cette augmentation, écrit la MRIE dans son dossier 2012, "Trois paramètres permettent de survivre : le recours aux associations et à l'aide alimentaire qu'elles distribuent qui n'est en fait qu'un complément de ressources en nature, le renoncement aux soins, aux vacances, à une vie relationnelle et enfin le recours au crédit."
Dans son rapport 'Ressources, crise et pauvreté' de 2009, le Secours catholique analyse la situation budgétaire de 1163 personnes ou familles rencontrées, pour en déduire que le solde de chacune est négatif en fin de mois après déduction des dépenses indispensables et conclure que d'autres dépenses ne peuvent être financées que par un endettement : frais de santé non-remboursés, entretien du logement et d'un véhicule, loisirs, culture, vacances, les imprévus (pannes, déplacements en urgence, sorties scolaires...).
« La misère n’est pas une fatalité » et « La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire », rappelait Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde. Ces deux affirmations ont un impact irréversible. En construisant une autre approche de l’exclusion sociale, il a montré que la misère n’était pas la seule affaire des plus démunis, ni de leur seule responsabilité. Elle est un dysfonctionnement entre nous, citoyens. Elle l’est aussi entre les institutions et appartenances que nous construisons et certaines personnes que nous considérons hors du monde. « La misère, c’est ne compter pour personne. »
Penser qu’ « Augmenter le RSA découragera les gens de travailler » n’éviterait-il pas plutôt de s’interroger sur les bas salaires et sur la dureté et la précarité de bien des conditions de travail qui sont dissuasives, sinon indignes ?
La grande conclusion qui se dégage d'études menées au Canada et dans d'autres pays, c'est que le fait d'investir dans l'élimination de la pauvreté engendre moins de coûts que si on la laisse persister.
la part du PIB français affectée aux enseignements primaire et secondaire a diminué pendant la période récente, en passant de 4,5 % en 1995 à 4,3 % en 2000, puis à 3,9 % en 2006. En 2006, parmi les pays produisant des statistiques dans le cadre de l'OCDE, la France était, en cumulant les dépenses publiques et privées, au 11e rang pour le financement de l'ensemble de l'enseignement scolaire tant public que privé, alors qu'en 1995, elle occupait le 2e rang.
Les besoins culturels sont aussi importants que les besoins qualifiés traditionnellement de primaires. [...] Lorsqu'on vit dans la pauvreté, l'accès à la beauté de la nature ou de l'art demeure un besoin profond. La culture est une nourriture essentielle pour l'être humain. Le matériel, au sens large, ne suffit pas pour redonner de l'élan dans une vie. Les gens ne se mettent pas en route pour cela. La difficulté, par exemple, que peuvent avoir des personnes en situation de précarité à prendre leur santé en main peut provenir d'une absence de but, d'un manque de finalité dans leur existence. Les besoins culturels des personnes défavorisées sont méconnus. [...] De fait, il existe un cloisonnement entre l'action sociale, qui prend en compte les besoins primaires vitaux, et l'action culturelle, qui paraît subsidiaire (à satisfaire lorsque les autres besoins seront satisfaits) ou relative, donc non primordiale quand il s'agit de personnes en situation de précarité. [...] Il existe à la fois des besoins primaires vitaux et des aspirations (reconnaissance, culture, beauté...) qui font que quelqu'un est un être humain à part entière. Pour passer de l'assistance à la participation, il faut que ces aspirations soient prises en compte.
Ma mère me disait souvent : "N'oublie pas que ceux qui sont repus ne croient pas ceux qui ont faim."
Les riches ont tiré sur les pauvres un rideau sur lequel ils ont peint des monstres.
Charles Booth 1889
Contrairement à une idée reçue, le taux moyen d'activité des immigrés n'est que très légèrement inférieur à celui des autochtones (67,8 % contre 70,5 %)... Les taux d'activité des hommes originaires de pays extra-communautaires sont supérieurs à ceux des Français de naissance (atteignant plus de 80 % chez les immigrés algériens et turcs).
Nous savons tous plus ou moins que les personnes très démunies sont caricaturées. Mais pourquoi le sont-elles ? Le plus souvent, parce que l’institution conçue pour être ouverte à tous se trouve en échec avec les familles les plus démunies. Elle cherche alors une explication afin de se justifier. Par exemple, si les enfants échouent à l’école, c’est sûrement par ce que « les parents s’en désintéressent ». Comme les premiers intéressés se trouvent hors du champ et du dialogue, ils ne peuvent pas démentir l’explication : c’est l’impasse.
Tant que nous ne réussirons pas à comprendre ensemble ce qui crée l’exclusion, nous ne pourrons pas prendre notre part de responsabilité et nous prolongerons le statu quo et le gâchis humain que représente la misère.
Le cliché qui montre l'"assisté social" prenant du bon temps pendant que les autres travaillent a la vie dure. Comme les personnes qui ont des niveaux de revenus différents vivent de plus en plus dans des mondes séparés, elles se connaissent et se comprennent de moins en moins.
La pensée de Darwin a été détournée pour prôner la libre compétition entre les individus. Les principes darwiniens de la sélection naturelle par les plus habiles et les plus forts d'appliquent à la nature et aux animaux. Darwin attribue à l'homme des qualités propres, en plus de la force et de l'intelligence : des instincts sociaux qui le conduisent à ne pas abandonner les plus faibles et à créer des règles et des institutions pour les protéger.
En France, l'impact du milieu social sur la réussite ou l'échec scolaire est plus grand que dans d'autres pays, et il augmente au fil des années. En 2009, plus de 75 % des élèves dont les parents sont cadres ou professions intellectuelles ont obtenu le bac général, contre 33 % pour les enfants d'ouvriers et 41 % des enfants d'inactifs
Parmi les conséquences de ces inégalités face à la prévention et aux soins, on peut évaluer qu'à la fin des années 1990, un ouvrier ayant 35 ans vivra encore en moyenne 39 ans, un cadre 46 ans et un chômeur 28 ans. Ces inégalités d'espérance de vie sont croissantes en France.
Comme le prouvent également Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee dans leur livre 'Repenser la pauvreté', les politiques menées contre la pauvreté seraient plus efficaces si les personnes concernées y étaient associées.
Dans son rapport 'Le sens des sous pour résoudre la pauvreté' (novembre 2011), le Conseil national du bien-être social canadien écrivait : "L'éradication de la pauvreté est sensée sur le plan économique".
Pour ce qui est de la précarité énergétique, 3,8 millions de ménages ont un taux d'effort énergétique (part de l'énergie dans leur budget) supérieur à 10 % et 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement.
une étude de l'OCDE montre qu'"un accroissement de 1% de la part des immigrés dans la population active d'un pays augmente le taux de chômage des natifs de seulement 0,05 point au bout d'un an, cet effet s'annulant totalement au bout de cinq ans."
les associations Crésus (Chambre régionales du surendettement social) constatent que l'"illettrisme de l'argent", c'est-à-dire l'incapacité à gérer son budget familial, touche toutes les classes sociales, et que les ménages surendettés perçoivent en général des salaires et ne sont pas les plus pauvres.