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Citations de Jean-Claude Grumberg (243)


Les chants, les drapeaux, les discours, les pétards même, toute cette folie, toute cette joie lui rappelaient qu'il était seul, qu'il serait seul à jamais, seul à respecter le deuil, à porter le deuil de l'humanité, le deuil de tous les massacrés, le deuil de son épouse, de ses enfants, de ses parents à lui, de ses parents à elle. Il traversait les villes et les villages, tel un spectre, témoin des libations, de la liesse, des saluts, des serments : plus jamais ça, plus jamais.
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Sans ciseaux, armé d'une simple tondeuse, le père des jumeaux, le mari de Dinah, notre héros, après avoir vomi son cœur et ravalé ses larmes, se mit à tondre et à tondre des milliers de crânes, livrés par des trains de marchandises venant de tous les pays occupés par les bourreaux dévoreurs d'étoilés.
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En vérité, les jumeaux s’étaient manifestés au pire instant, au printemps 1942. Était-ce le moment de mettre au monde un enfant juif ? Pire, deux enfants juifs d’un coup ? Fallait-il les laisser naître ainsi sous une bonne étoile jaune ?
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Toujours dans la rubrique nécrologique, section internationale cette fois, on annonce le décès de Kirk Douglas, à cent trois ans. Tu l’aimais, tu l’adorais, je l’aimais, je l’adorais, itou. Et comme nous étions fiers, fiers de savoir qu’il était des nôtres ! Au même titre que Johnny Weissmuller, le premier Tarzan, et Fred Astaire, le merveilleux, de son vrai nom Austerlitz, et Tony Schwartz dit Curtis, l’autre viking.
Oui oui oui oui, nous vivions ainsi, cherchant à savoir qui l’était et qui ne l’était pas parmi les plus grands, les phénix, les géants de ce monde. Nous avions tant besoin, après ce déferlement de haine, de crachats, de mensonges, de meurtres, d’humiliations, de ragots, toutes ces années passées à courir, à se cacher, à se faire prendre par la police de notre propre pays pour être livrés aux assassins d’enfants, de mères, de malades, nous avions tant besoin de victoires. Oui, nous sortions le dos plus droit après avoir vu Kirk à cheval, ou mis en croix dans Spartacus.
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J’en étais là quand Nadia, à l’âge de cinq mois, fut frappée par la mort subite des nourrissons. Dans la nuit qui suivit j’écrivis Chez Pierrot. Une pièce où ma douleur, ma rage, mon désespoir et mon dégoût s’exprimèrent sans retenue, comme malgré moi. Ce fut cette nuit-là que je découvris qu’on n’écrivait pas pour gagner sa vie, qu’on écrivait pour exprimer ce qu’on ne pouvait dire, qu’on écrivait pour crier sa douleur ou son amour, sa joie ou son désespoir, ou les deux. Et depuis je n’ai jamais pu revenir en arrière et écrire quoi que ce soit « pour gagner ma vie », ou presque la tienne.
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Revivre, se souvenir à chaque instant de l’horreur du monde interdit toute vie sur terre.
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Le pain de deuil se mange seul et se mâche longuement tant il est dur à déglutir.
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Moi j’écris comme d’autres édifient des monuments pour honorer la mémoire de leurs disparus. Je tente ainsi d’ériger du bout de ma plume un palais de papier accessible à tous ceux qui n’ont pas eu la chance de te connaître, donc de t’aimer.
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Mais si je prétends écrire pour que toi tu continues à vivre, je mens. Je te mens et je me mens. C’est pour moi, pour moi seul que j’écris. Pour te faire continuer à vivre, oui, mais pour moi, pour mon usage personnel et privé, exclusif en tout cas. Je suis, reconnais-le, la principale victime de la catastrophe qui t’a emportée, arrachée à moi, la principale victime avec Olga bien entendu, et Rosette, ta sœur, que tu n’avais pour ainsi dire jamais quittée durant quatre-vingts ans. Sans parler de tous ceux et toutes celles qui t’ont connue donc aimée.
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Voilà la seule chose qui mérite d’exister dans les histoires comme dans la vie vraie. L’amour, l’amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres. L’amour qui fait que, malgré tout ce qui existe, et tout ce qui n’existe pas, l’amour qui fait que la vie continue.
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Tu te demandes sans doute, pourquoi je m’échine à t’écrire chaque jour des mots qu’à coup sûr, à moins d’un peu probable miracle, tu ne liras jamais ? Disons que je t’écris pour te retenir. Je te vois, ou plutôt je te sens, t’éloigner de moi chaque jour, comme chaque jour, hélas, je m’éloigne de toi. Chaque jour, chaque jour qui passe, ton visage s’éloigne du mien, mes lèvres ne trouvent plus tes lèvres, mes mains perdent jusqu’au contour des formes de ton corps, je n’entends plus ta voix si grave et si prenante murmurer des mots d’amour à mon oreille. Chaque jour, chaque jour, tu te défais davantage, comme un puzzle somptueux dont on jetterait au rebut une à une toutes les pièces.
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Quand le passé devient trop présent, il est grand temps d’oublier le futur.
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Les jours succédèrent aux jours, les trains aux trains. Dans leurs wagons plombés, agonisait l’humanité. Et l’humanité faisait semblant de l’ignorer. Les trains provenant de toutes les capitales du continent conquis passaient et repassaient, mais pauvre bûcheronne ne les voyait plus.
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Le père des ex-jumeaux souhaitait mourir, mais tout au fond de lui poussait une petite graine insensée, sauvage, résistant à toutes les horreurs vues et subies, une petite graine qui poussait et qui poussait, lui ordonnant de vivre, ou tout au moins de survivre. Survivre. Cette petite graine d’espoir, indestructible, il s’en moquait, la méprisait, la noyait sous des flots d’amertume, et pourtant elle ne cessait de croître, malgré le présent, malgré le passé, malgré le souvenir de l’acte insensé qui lui avait valu que sa chère et tendre ne lui jette plus un regard, ne lui adresse plus une seule parole avant qu’il ne se quittent sur ce quai de gare sans gare à la descente de ce train des horreurs.
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Voilà la seule chose qui mérite d’exister dans les histoires comme dans la vraie vie. L’amour, l’amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres. L’amour qui fait que, malgré tout ce qui existe, et tout ce qui n’existe pas, l’amour qui fait que la vie continue.
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Elle n’avait pas d’enfant à nourrir certes, mais pas non plus d’enfant à chérir.
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Pendant toute la lecture où j'égrène ces Jacqueline, et Jacqueline, et Jacqueline, et Jacqueline, lecture que je fais en hésitant entre rire et larmes, elle me fixe, sourcils foncés, comme un chercheur ou un médecin observe son cobaye pour juger de l'étendue de sa douleur.
Le conte fini, elle reprit le livre sans un mot et le rangea. Alors d'une voix que je voulus ferme :
"Tu vois, je n'ai pas pleuré.
- Tes yeux ne pleurent pas, pépé, mais ta voix pleure."
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Jean-Claude Grumberg
L'humour est le remède à la douleur.
[La grande librairie, 24 novembre 2021]
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- Ça va?
- Ça va.
-Où tu cours comme ça?
- Pisser.
- Ça presse?
- Ça presse.
- Ben, pisse là.
- Ça va pas non!
- Si, moi ça va, et toi?
- Ça pourrait être pire.
- Quoi, par exemple?
- Devine...
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Après réception de la marchandise, il fut aussitôt procédé à son tri. Les experts trieurs, tous médecins diplômés, après examen, ne conservèrent que dix pour cent de la livraison. Une centaine de têtes sur mille. Le reste, le rebut, vieillards, hommes, femmes, enfants, infirmes, s’évapora après traitement en fin d’après-midi dans la profondeur infinie du ciel inhospitalier de Pologne.
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