Jean Paul Nozière : Bye bye Betty
Depuis le
café le Rostand, à Paris,
Olivier BARROT présente le livre de
Jean-Paul NOZIERE "
Bye-bye betty". Un
roman publié aux éditions Gallimard dans la collection Scripto.Photo de
Jean Paul NOZIERE.
Elle relut le rapport de Vlad. Ce dernier disposant d'une mémoire phénoménale, elle ne craignait pas que des oublis ou des erreurs existent dans la relation de leur entretien avec le couple voisin de Legal [la victime du meurtre], mais elle tenait à en connaître le contenu par cœur.
Ainsi, elle ne consulterait pas ses notes pendant la réunion et surtout, si le proc' téléphonait, elle répondrait sans hésiter à ses questions.
Lurçat méprisait les gendames, jugés a priori incapables de diriger une enquête criminelle, il méprisait Sponge et toutes les petites villes jugées comme des trous infects peu propres à servir sa carrière, et pour faire bon poids, il méprisait aussi les femmes qui occupaient, selon ses propres termes, des postes "d'homme".
Lili, femme gendarme dirigeant la brigade d'un "trou infect", cumulait donc les handicaps, mais elle n'avait pas l'intention de supporter la morgue de Jean-Baptiste Lurçat.
Un livre, c'est une rencontre. Toutes les rencontres sont inoubliables, même quand on en croit les avoir oubliées. Il y en a cependant qui nous bouleversent profondément, qui changent notre manière de voir, de penser, de réagir.
- Tu utilises des mots interdits, Fanfan ? questionne le curé.
- Lesquels, mon père ?
Quand le garde-champêtre, pourtant ivre, risqua sa vie en tirant Justin de l'étang dans lequel il se noyait, il le remercia d'un « va te faire voir, sac à vin ». Si nous lui disions sa chance d'en être sorti vivant, Justin clignait ses paupières de chauve-souris et lâchait :
- Le vieux con n'avait qu'à me laisser dans l'eau.
J'étais fils d'instituteurs, au langage estampillé dictionnaire. J'écoutais de telles injures pantelant d'admiration.
(p. 15)
Plusieurs des péchés de Justin étaient des mensonges. Je savais qu'il mentait, pourtant son aplomb m'amenait à douter. Justin était capable de raconter 'La Belle au bois dormant' en vous affirmant que l'histoire s'était déroulée dans la cuisine de la postière, et vous regardiez ensuite la postière avec d'autres yeux.
(p. 49)
Un livre est une rencontre qui se joue à deux, face-à-face d'un auteur, avec son univers de pensée, ses personnages, son décor; et d'un lecteur, avec ses états d'âme du moment, son attente.
- A Paradis, n'entrent ni les races, ni les couleurs de peau, ni les religions, ni l'argent, ni le désir de possession, ni le désir de dominer les autres, ni la violence, ni les égoïsmes, ni les rivalités, prévenait Ma, le premier jour de l'arrivée d'un éclopé de la vie.
Les termes du contrat étaient clairs et furent tenus. Du moins jusqu'au survol de Paradis par ce maudit avion.
- Mon pull ! Je suis sûr que t'as mon pull, David ! Ma mère l'a refilé au Secours Catholique parce qu'il était trop petit !
M'man, c'est vrai, elle est autant Secours Catho que Secours Pop. Je le sais maintenant. [...]
Restent les chaussures. Le plus difficile à avaler. Les autres ont des Adidas Spitfire ou des Nike Air Edge Max ou des marques encore plus top. Moi, je noue les lacets d'une paire de tennis qui ressemblent à deux tas de boue. Des pompes d'hypermarché. J'ai carbonisé la marque infamante avec le chalumeau de p'pa, mais sous le fondu du caoutchouc, les autres repèrent la vérité.
(p. 16)
- Bon, chef, si vous en terminiez ? L'essentiel à retenir de tout ce binz est que nous n'avons fait et ferons aucune enquête digne de ce nom. La gendarmeriede Sponge se fout et contrefout d'une adolescente assassinée au Val Brûlé il y a un demi-siècle et ce n'est pas glorieux.
« vous cherchez la fille en bleu ? Elle est partie. Un monsieur est venu la chercher. »