Citations de Jean-Jacques Sempé (131)
- J'ai débuté à la SFAT qui a fusionné avec la SPOFI pour devenir la STOCAFIT. Là, on m'a confié la direction d'une filiale, la SUFITA, qui, prenant de l'extension, est devenue la POFITEF. Belle réussite en somme. Mais parfois je pense : PFUIT...
(Conversation entre deux cadres au pied d'un immense siège de société).
- J'ai vu un accident terrible tout à l'heure : un type qui traversait en téléphonant avec son portable s'est fait écraser par un automobiliste qui téléphonait aussi. les secours sont arrivés mais c'était trop tard. Tout le monde était figé de stupeur. Tout s'est arrêté. Puis de la poche de quelqu'un on a entendu la sonnerie d'un portable, quelques notes de Mozart ou de je ne sais qui, et la vie a repris.
(Une femme assise sur un banc public téléphone. En arrière-plan, le rue vrombissante).
-... Conjuges debent jurare fidelitatem (les conjoints doivent se jurer fidélité) aeternam (qu'on peut traduire en français d'aujourd'hui par : le risque zéro n'existe pas).
C'est clair: c'est une passion. Mais êtes-vous sûr que ce soit réellement de l'amour ?
Et puis surtout, j’en ai marre de tous ces gens, autour de moi, qui ont des problèmes.
Mon drame, c’est que j’ai adhéré trop tard au mouvement surréaliste.
Vous le désirez ce canapé. Il y a quinze jours, vous convenez avoir la possibilité de soustraire discrètement 200 francs par mois au budget familial. La semaine dernière vous pouvoir faire croire que votre tante vous en aura fait cadeau. Or un profond sentiment de culpabilité vous paralyse encore. Voulez-vous qu’on en parle calmement ?
Toujours le même rêve : Pelé feinte plusieurs adversaires, il passe le ballon à Platini qui, à son tour, me le donne dans d’excellentes conditions pour marquer le but. Je shoote de toutes mes forces. Ma femme, dans les buts, arrête le ballon d’une main, en ricanant.
L’air est doux, il te dit : courage. Les fleurs te disent : courage. Les oiseaux, les étoiles, le mouvement même de la vie, te disent : courage. Et moi, je te dis : va voir un psychiatre.
Nous en arrivâmes même à envisager le divorce. Mais un divorce entre nous ne risquait-il pas, en les mettant en face de leurs propres difficultés, d'ébranler les fondements des autres couples amis? Cette responsabilité, immense, nous fit renoncer.
J'aurais voulu rencontrer un homme riche que j'aurais aimé pour d'autres raisons que son argent.
J'ai parfois conclu des marchés faramineux. J'ai même conquis des femmes extraordinaires. J'ai conquis des parts de marché inespérées, mais rien n'a jamais été comparable au plaisir de la perspective d'une bone sieste vers trois ou quatre heures de l'après-midi.
Petit bonheur deviendra grand : la gamelle extraplate rentre parfaitement dans mon attaché-case, tout comme le réchaud à alcool. Le pigeonneau mijote doucement. Sous prétexte de dossiers urgents, on ne me dérangera pas. Acheté L'Equipe. J'écoute cette radio qui diffuse des airs anciens. J'éprouve ce sentiment délicieux de carotter des moments agréables au patron. A condition toutefois de continuer d'oublier que le patron, c'est moi.
"J’ai acheté ça dans un magasin rigolo, mais c’est uniquement pour que cette fois on n’oublie pas ma requête"
«Que vous n'existiez pas soit. Mais à ce point, c'est indécent»
(Dame dans une église la veille de Noël) page 99
- J'osais à peine entrer car j'imagine votre humeur en cette période de fêtes ! Cette débauche de foie gras, de champagne ! Ces ripailles et cette commercialisation éhontée doivent déclencher chez vous une effroyable colère cosmique, UN irrépressible désir d'envoyer ici-bas, dans un vacarme étourdissant, vos armées célestes. Dans un déluge apocalyptique de fureur, de fracas et de feu. Je reviendrai demain, quand vous serez calmé.
Il me reste encore du temps. J’improviserai au dernier moment. Ce sera une aquarelle, une photographie, un poème.
- L'enfance, c'est aussi l'envie. Est-ce que vous avez eu des envies ?
- Oh mais bien sûr, j'ai rêvé d'avoir un vélo. J'ai surtout rêvé, beaucoup, d'avoir une vie familiale calme.
- Aujourd'hui, les enfants ne savent plus ce qu'ils veulent, parce qu'ils ont trop de choses... Est-ce que vous avez le sentiment que cette société les aide à mieux vivre ?
- Ça, je ne peux pas le savoir, mais ce que je peux savoir c'est qu'on les traite de plus en plus comme des consommateurs. Et ça, oui, ça c'est terrible.
- Il n'y a plus de vrai plaisir à recevoir un cadeau ?
- Mais le plaisir, Marc, c'est le miracle ! Le plaisir, le miracle, c'est comme le coup de foudre, c'est comme, je ne sais pas comment dire moi, comme le sentiment amical ou le sentiment amoureux, c'est le miracle. Je crois qu'on ne peut vivre que parce qu'il n'y a que les miracles qui comptent... Pour le reste : il y a les sociologues, il y a tout ce que vous voulez. Philippe Muray l'a bien expliqué. Nous sommes armés pour beaucoup de choses, sauf que ce n'est pas ça l'essentiel. L'essentiel, c'est cette chose ineffable et inexprimable qu'est le miracle.
- On remplace le miracle par le festif, comme dirait Philippe Muray... (p.103)
- La certitude que j'ai, c'est cette admiration immense que j'ai pour l'être humain qui sera capable, qui est capable, de faire des choses fantastiques. L'être humain trouve toujours.
- Le même être humain est capable de choses monstrueuses aussi?
- Bien sûr !
- Alors, pourquoi est-ce l'admiration qui l'emporte chez vous ?
- Ah ! (Silence.) Parce que sans ça, je serais très triste.
- A quel moment avez-vous pris conscience que le monde était dur, insupportable, compliqué... Combien de temps a duré votre insouciance?
- Je crois n'avoir jamais été insouciant. Et j'ai toujours été d'une stupidité remarquable. J'avais l'impression que quand je changeais d'endroit, j'abandonnais la bêtise ou la cruauté et qu'ailleurs ce serait mieux. J'ai toujours eu cette impression et je me demande même si ça ne continue pas, tout en me disant que j'ai tort.
- Vous avez déménagé combien de fois ?
- Beaucoup. (p.99)
- Vous pensez que le mensonge fait partie de l'enfance?
- Oui, et je souhaite que ça continue longtemps ! Je ne suis pas du tout pour la fameuse transparence. Vous vous rendez compte : si tout le monde disait la vérité, ce serait un enfer total. Si je disais ce que je pense de vous, mon pauvre ami, mais ça serait une catastrophe ! Et vous-même disant ce que vous pensez de moi, vous me blesseriez profondément, j'en suis persuadé.
- Ne pas dire, c'est du savoir-vivre. Mais on peut aussi mentir avec la ferme volonté de tromper, de fanfaronner ou de s'amuser... [...] Dans votre enfance, vous étiez heureux quand vous inventiez votre vie ?
- Oui, quand je rêvais ma vie... Mais est-ce que nous ne sommes pas tous comme ça ? (p.58)