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Citations de Jean-Luc Wauthier (77)


Jean-Luc Wauthier
Et toi, tu cours à
travers le temps
et tu disperses tes oripeaux
sur le grand manteau de la nuit
la poussière d'une étoile
les pas d'une biche
enfin venue boire
un instant
à la source de toi-même

(" Manteau de silence")
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MIROIR


Prendre un fragment de silence
Le déposer sur les marches du temple
Repartir
Se dissoudre
Effacer toute trace

     Renaître enfin
Nu sous les braises du poème.

p.29
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Ce soir, je parle avec ma mort
comme avec une ancienne associée
un instant perdue de vue
Il fait bon sur la terrasse
où nous nous tenons,
à distance chaste et respectueuse
— moi, assis, face au grand mur blanc
elle, de dos, accoudée au balcon
et regardant passer l'ombre
interdite des oiseaux migrateurs.
J'ai envie de l'appeler par son prénom
— que je ne connais pas
mais voudrais simple
Et pourtant, elle debout
moi assis
nous tournant le dos
nous continuons à nous vouvoyer,
tandis qu'elle lance dans le vide
un vague bouquet d'immortelles
qui pourrira demain
au soleil d'un trottoir
déserté.

p.71
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L'INSTANT D'AIMER
Pour ma femme


Est-ce le vent
que tu entends
à l'angle de ces rues
où le rire des marins
a gout de saumure et de songe
Est-ce le temps
que tu retiens
au bord de ces rires
où le corps des amants
fait ravage sous la toile du ciel
Est-ce toi
Est-ce moi
cette foule étrange
cette fête lointaine
cet ailleurs
cette extrême tension
de la mer et du blé
de la nuit et du jour.
À toute heure
cette absence
cette présence

Où sommes-nous
Quel jour reste à naître ?

p.23
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Assez
Assez
Ce n'est pas un arbre
ni un jardin
mais le nom de l'arbre
celui du jardin
Passé cette tempête de sable,
les mots glissent sous les doigts,
lâchent pour toujours les mailles
Assez
Assez
Tourbillons de chair
où de grands pans d'habits morts
ne peuvent nous faire oublier
La nudité du feu.

p.59
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Jean-Luc Wauthier
Un jour sur le quai
encerclé des grands oiseaux de la mélancolie
la vérité, passagère imprévue
m'a frôlé.
Je n'ai pas reconnu son visage
caché par le soleil et l'ombre.
Aujourd'hui sous la pluie
je regrette le voyage inaccompli
et ne puis plus
me retourner.

(" Manteau de silence")
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Elle [la mort] entre
le regarde au fond des yeux
mutile à gestes griffus
un lent miroir de sable

Elle s'approche
jauge la peur
la vitesse du souffle
interroge sans relâche
le cœur

Elle s'assied à son chevet
a l'air d'une veuve
ne dort jamais

Parfois, lorsqu'il délire
Elle avance dans les hautes herbes
le couteau entre les dents

Elle se détourne quand
dans les yeux du malade
repassent la clarté du ciel
le cri des oiseaux

S'il guérit
rageuse
Elle jure de revenir bientôt
et repart vers le Fleuve
où la béance
fait son nid.

p.72
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Ce feu ancien était simple comme un visage
tu criais et tu suppliais, pris en otage.
Au ciel, très haut, l'épervier de feu planait
Tu espérais tout bas que Dieu lui ressemblait
Qu'il foncerait vers toi jusqu'au cœur des fougères
Pour te conduire au creux du ciel de naguère
Mais nul ne t'attendait sur l'autre bord du pont
Pas une âme pas une femme sans passion
Ni même un regard pour te donner le frisson
Seul ton sourire éteint pour unique prison
Et, sur toi, la neige de la mort à foison.

p.66
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Chaque nuit à présent répète à l'envi
       les images de l'enfance.
Les convives discrets du repas de minuit
       devenus sans défense
Sont un à un partis au fond de la nuit
       mais vous, saisons d'hiver
Où l'enfant triste, les yeux derrière la vitre
       rêvait sans fin de l'enfer,
Vous en savez long encore sur ce long chapitre
       Que je parle ici des songes
       ou de métamorphoses,
C'est au passé mal tué que toujours je songe
       à la page à demi morte
Qu'un homme nu, à chaque rêve, quand il l'ose
       retrouve intacte sous sa porte.

p.9
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Les goélands
lèvent les marées
font l'amour avec le temps
usent nos gestes de boîteux
        nos mots de papier
si peu faits
pour les falaises
et pour le vent

p.47
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CLAIR-OBSCUR


     Non, morte, ma morte,
tu n'es pas mangée sous la terre.
Tu m'appartiens, à peine plus pesante
qu'un souffle d'oiseau sur la neige

Ton souvenir me frôle — je n'y vois rien
et pourtant te voici
toi qui habites ma nuit
et tu respires un air plus vaste que la terre
tes yeux ont repris leur couleur de lilas tranquilles
ta marche redevient dansante
le ciel s'aventure à redresser les traits de ton sourire

Non,
ceci n'est qu'une bulle et fausse mort
une mort très vivante
qui ne nous quittera plus.

p.16
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L'INSTANT D'AIMER


Le bonheur,
mince comme l'est ton visage
ne craint pas de laisser
tomber les pierres sur la fontaine
emplie d'oiseaux.
Le veilleur garde les yeux ouverts
Les héros traversent la nuit écroulée de sable
L'éclaireur protège ce cœur
où l'homme vivant
s'échappe et rit.

Regard, cœur, visage,
Je signe ici votre inventaire
et me détourne de la nuit.

p.20
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Paroles perdues,
ces mille paroles
             jetées au vent
             miséricordieusement
portées à travers la foule
offertes à tout venant
(les portes
  béantes battent sur la peur
  et l'oiseau mort
  strie la nuit absente)

Paroles qui vont et virevoltent
farouches
glacées
laissées pour mortes
quand la neige en feu
porte son poids d'évidence
et de villes mortes

p.18
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Ah que je repose à jamais dans l'enfance
Qui jamais ne cesse de dicter le poème
d'ouvrir notre corps malade
aux allées de lumière
à l'ordre des ténèbres épongées par la nuit
Ah qu'enfin je
te retrouve,poésie, petite fille aux allumettes
aux doigts gelés .

Et que flambe enfin toute la maison.
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Allons, la poésie marque un point
(dit-il en franchissant les portes basses)
Autant de gagné
Mais la mort, elle, n'a pas encore joué
(dans la taverne du Vivre, les buveurs
 se taisent
 noyés de vins et d'ombres).
« Mort, à toi de jouer »
L'arbitre est neutre, à peine fatigué
puisqu'il hésite
à croiser
les deux royaumes.
Enfin
la mort joue
« Un à un »
dit l'arbitre

Mais les dés sont pipés
il n'aurait pas fallu
que les buveurs
se taisent.

p.63
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Une vie opaque, obscure, secrète, mais sauvée de l'absurde car portée chaque jour par la paix terrible de l'amour, plus près de la lumière. Plus près de la lumière....
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L'INSTANT D'AIMER


Les chevaux indécis qui traversent les songes
ont pour toi ces yeux surpris d'hommes fiévreux
et les guerres et la paix et les pires mensonges
sont le miel de l'enfer si je garde tes yeux

Si je garde tes yeux au fond de leur contrée,
c'est le feu qui mourra de t'avoir trop aimée
c'est le temps qui verra ses miroirs dérobés
Si je garde tes yeux au fond de leur contrée,
nul besoin d'inventaire ni de gestes tronqués
C'est le jour en otage quand la nuit devient bleue
C'est l'amour en orage quand tu ouvres les yeux.

p.22
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CLAIR-OBSCUR


Oser dire ce grand vent de fables
avouer la couleur du ciel
nouer le rivage aux oiseaux
saisir le vertige de la vague
aux échos lassés du sable.

Plus loin, narguant la mort
naîtra ce désert redoutable.

p.15
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Au paradoxe de la solitude,
 j'habite une maison
 cachée sur le dur cristal de vivre

p.7
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Un long tunnel obscur, soudain troué par cette lumière déchirante et cruelle, ces hurlements angoissés que rien, sauf la chaleur maternelle, ne peut apaiser. Hélas, la lumière avait la couleur et le goût de la mort. Au lieu de la douceur d’une mère, je dus me contenter de la rudesse d’une nourrice, puis, passé le premier âge, de celle de servantes effacées. Et tout de suite, face à cette vacuité, l’ombre immense du Père, protectrice, dévorante, implacable. Une ombre qui allait m’écraser, m’étouffer jusqu’à ce jour funeste. La vie et la mort. La mort et la vie. Ce va-et-vient qui, peu à peu, deviendra mon quotidien, mais que jamais je ne pourrai apprivoiser. Pour l’heure, Oreste, ce père haï, détesté, fascinant à sa manière, s’amuse à brouiller les pistes. Veuf le jour de ma naissance, il ne se remariera pas et ne goûtera plus qu’à deux plaisirs : l’un, passager et superficiel à mon avis (mais je suis mauvais juge) et le retenant juste ce qu’il faut : le corps des femmes. L’autre, profond, insistant, dévorant et qui, je le sens bien aujourd’hui, sous-tendra toute sa vie d’homme : le Pouvoir, ce besoin de dominer, qu’il exercera sur tous et, donc, sur moi. Ai-je dit qu’il m’a toujours semblé, non pas vieux, mais âgé, alors qu’à ma naissance il n’a guère plus de quarante ans ? Ma mère était sa seconde épouse. Il avait, pour des raisons obscures, répudié sa première femme, Julia. Certains domestiques m’ont prétendu, avec des chuchotements entendus et des mines apeurées, que j’avais une demi-soeur aînée, mais tellement folle qu’elle restait cachée aux yeux de tous. J’ai longtemps cherché sa trace. J’ignore même la réalité de son existence.
Julia répudiée, mon père s’était violemment épris de Médée, ma mère, dont paraît-il la beauté était extraordinaire, et qui venait d’avoir dix-huit ans. Il l’épouse, l’engrosse, la voit mourir. En un saisissant raccourci, tel sera mon destin : noces avec l’histoire, accouchement, puis effacement ; un af­frontement constant entre le clair et l’obscur.
Nul sans doute ne saura jamais à quel point toute mon existence, à tout moment, fut écriture et songe, hors, bien sûr l’amour fou qui réchauffa ma vie. Songe parce que, du plus loin que je me souvienne, toujours j’ai eu l’impression de – comment écrire ? – ne pas vivre ou plutôt de vivre, aux yeux du monde, la vie d’un autre auquel on a toujours omis de me présenter.
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