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Citations de Jean-Marc Rouillan (49)


Monsieur le Procureur, vous vouliez sans doute que nous comprenions que la société actuelle ne peut tolérer la violence. Même pour une « juste cause ».
Inutile de revenir sur la critique de votre système fondé sur le seul rapport de force, sur la violence du travail salarié et de la marchandisation, sur les guerres et l’oppression néocoloniale, sur les messages de l’ordre diffusés en boucle. Inutile, car dans notre violence ce que vous n’acceptez pas comme crime de lèse majesté, c’est justement la remise en cause du monopole de la violence, que vous et vos pairs avez institutionnalisée. La loi fonde la violence institutionnalisée, la loi de la majorité ou de ceux qui usurpent ce concept dans le monopole. Ainsi l’infime minorité des « bons Blancs » inflige à 90% de l’humanité une bestialité infinie. Mais il est vrai que pour voir cette violence telle qu’elle est réellement, il vous faut avoir un décodeur. Il faut aller au-delà de la description informative et de la charité.
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Il me faut un organe capable de palpiter à la poursuite de torrents qui savent se faire furieux, impérieux. A la hauteur de la certitude que la seule grande action à notre époque ne peut être que le refus du système lui-même. Le refus du mensonge spectaculaire, de cette comédie tyrannique et du babillage assourdissant qui gangrène chaque cervelle, pour n’en laisser qu’une vague éponge nonchalante au flux et au reflux des marées, tels des sens uniques.
Tout ce qui fait l’uniforme, l’intégré, le correct, le « je me reconnais dans l’autre souffrant comme moi ». Ce respect des chaînes, des limites, des frontières, de l’absurde servitude, tout ça, tout! Je le refuse. Je le refuserai pour l’espoir d’atteindre le sentiment d’une existence plus réellement humaine.
Je refuserai la logique de la marchandise, ce perpétuel échange entre acheteur et acheté, vendeur et vendu. Dans la métropole, je te donne ma vie, tu me donnes un peu de fric, juste assez pour ne pas crever, et oublier jusqu’à la dernière goutte de ma vie d’homme. Oublier mes désirs véritables et non ceux prescrits par les machines à consommer. A consumer de l’illusion.
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Dans nos pays grassouillets, depuis la fin des dernières guérillas, la prison est l’ultime lieu où l’engagement pour une transformation radicale implique directement sa propre existence. Si on refuse, on peut mourir et on le sait. Ailleurs on refuse puis on rentre chez soi à l’heure pour laper la soupe en poudre. Combien de militants, se rendant à une manifestation ou à une action, pensent sérieusement prendre un risque. Aucun! Pas besoin donc de se demander s’ils se sont déjà posé la question de savoir si ça vaut le coup ou non de mourir pour leur cause! Aucun là encore! « Tant mieux! » hurlent déjà les démocrates de bazar. La mort n’est plus qu’une fatalité dans cette petite époque. On meurt en toute « innocence » pour la cause de vies sans vie, sur les chantiers la semaine et sur la route le week-end. Et dans les prisons, ils voudraient nous faire crever avec la même désinvolture de l’absence d’être.
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Les nouvelles frontières ne sont pas géographiques, ni naturelles. Elles sont économiques, politiques et culturelles. Elles isolent ceux qui œuvrent au bon fonctionnement du système et ceux qui sont conscients de la nécessité de sa transformation radicale. Si cette conscience se transforme en actes de sécession, mêmes modestes, alors d’autres frontières sont activées. C’est le bannissement, la disparition dans la solitude, le désœuvrement, la faim, le froid, la maladie, une forme ou une autre de mort sociale, qui est l’existence des surnuméraires de la société de consommation – peu importe, du moment que la non-vie, comme la mort, est discrète.
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Ce matin la marionnette « indépendante » de la TVE a avisé que désormais les terroristes ne sortiraient plus de prison sans s’être repentis. Ah! Comme vous l’aimez le repentir. Du moins, celui de vos pires ennemis. Car pour votre part, vous en avez fait votre fond de commerce. Vous qui avez embrassé le cul poudré de la jeune monarchie, drapée du deuil de son père dictateur. Vous saluez la bandera des vainqueurs.
(…)
La honte n’empourpre plus vos masques lorsque vous récitez les oraisons de l’ordre. Dans l’incolore, vous oubliez vos passions incarnates passées, pour enfin accéder aux corridors de l’aristocratie transparente. Finalement, le diaphane et l’insipide sont bien les armoiries de ce nouveau franquisme. Celui qui tait son nom et fait patte blanche devant les mairies les soirs de chasse à l’homme.
Je ne me repentirai jamais, jamais, jamais…
Je n’embrasserai pas cette croix tendue à mes lèvres. Je grillerai peut être sur les bûchers contemporains, mais je n’abjurerai jamais. D’ailleurs, vous dressez les fagots comme l’Inquisition, pensant que leur fumée trace les routes vers le ciel rédempteur.
La croix, vous l’avez déjà clouée à ma porte, pour la Saint Barthélémy des rebelles. Et pour ce massacre postmoderne des incompatibles, non point le sang lavant vos caniveaux, mais une rumeur chancelante derrière les Hauts Murs, la mort lente.
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Dehors, l’ordre règne par le renoncement. Des milliers de petits renoncements à être vraiment libre.
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Aux feux rouges, les rangées de piétons équipés de lunettes noires paraissaient contempler une éclipse. L’accès au silence serait-il un luxe de solitaire ? Rejoint par le volontarisme désespéré des rêveurs ?
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Nous avions raison, il n'y avait pas de futur.
Non.
Rien que ce faux présent, sorte de passé antérieur qui se conjuguait en un empire de mille ans.

Si on grattait le maquillage de postmodernisme
- mec à la page et nana cool, bobo et Barbies libérés -,
on aurait découvert les traits de ces momies aristocratiques du XVIIIe siècle,
courtisans et gourgandines à perruques choucroutées ;
ou les mêmes traits de ces nouveaux riches du XIXe siècle,
drapés de songes en coupons boursiers,
avec leurs piètres cachoteries de boutiquiers et de commères
se délectant de cancaneries putassières que décrivent Balzac ou Flaubert.

Cruel, le présent des propriétaires porte les stigmates
de cette comédie inhumaine sans cesse recommencée, comme un disque rayé.
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Il avait plu. Une pluie d'ici, brutale et sans ambition de combler la terre. Un bras à la taille de Maryam, je racontais les pluies de mon enfance, lourdes des courants atlantiques; et aussi le crachin machinal qui assombrit quotidiennement les toits de zinc de Paris.
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Quand le temps le permettait, je m'arrêtais aux terrasses des cafés
et décortiquais les marées de passants.

Je scrutais la posture de la domesticité intime et ses simagrées fédératives.

La ruche bourdonnante de ces gens sur les trottoirs m'enivrait
de ses sarabandes fiévreuses,
me saoulait d'absurde.

Étaient-ils obligés de jouer une comédie aussi frénétique,
avec ces airs convenus du dressage dramatique ?
Jusqu'à une mimesis de mise en scène,
enfilant un masque de réalité fabriquée, répétitive, productive,
et par-dessus tout insensée.

Qu'ils soient riches, pauvres, demi-sels,
cools, absents, chics, dépenaillés,
autochtones, venus de loin, branchés, insipides, discrets,
indéfinissables, convertis, défroqués,
outrageusement passants...
Ils passaient.
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Bien qu'au quatrième étage, j'aurais pu me croire en sous-sol.
Le couloir était banal.
La lèpre bubonique écaillait l'acrylique.
Des auréoles tachetaient le ciel de plâtre.
Les néons grésillaient une comptine d'insectes moribonds.
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Consolatrice ou guerrière,
la liberté nourrit d'espoir la viande prisonnière sans rancune qui,
le soir venu,
au coin de sa cage de béton,
implore idoles et chimères :
sainte Envolée, que votre escampette soit bénie,
apportez-nous les morphines de nos jours et de nos nuits.
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Les chrysalides qui ont survécu ont donné des papillons aux ailes brûlées.
Perdus non pas corps et âme - quelle âme ? -
mais corps et biens...

Comme les grands mérous qui tournent, mornes,
dans les aquariums des zoothèques,
orphelins des hautes mers.
Ils ont usé leurs nageoires à la ligne de masse et tournent dans le sens du courant.
Toujours dans le sens du courant,
derrière les vitres étroites,
ils nagent tous en rond,
en prêtant attention à suivre l'autre devant eux
comme dans les couloirs d'un Métro dont on les persuade qu'il est dans le vent,
dans le sens de l'Histoire.

Ils frayent avec les autres, soumis, économes,
parcimonieux de tout,
anxieux du moindre risque.

La pisse de celui qui précède tiédit leur eau.
Si, dans quelque accès de rage contenue, ils tentent quelque chose,
ce n'est pas contre les limites étriquées de leur bassin,
mais contre l'autre, devant,
qu'ils enfoncent sans façon.
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Le remords est une invention des maîtres.

D'ailleurs, eux n'en éprouvent jamais officiellement.
Ou alors rituellement, pour les agiotages de l'histoire,
les comptes s'étalant à livre ouvert pour la célébration,
avec des clameurs d'enfants de chœur :
"Nous avons changé, nous sommes meilleurs... et plus démocratiques que jamais."
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Les songes abîmés de ces jours et de ces nuits filaient le désespoir à la petite semaine.

Toujours le même rêve lénifiant de mercurochrome,
celui de Montecristo.
La belle, le coffre débordant de bijoux sur une île déserte et,
dans les épisodes suivants, le changement de peau et, par-dessus tout,
la vengeance contre l'injustice, contre les salauds,
les balances et les autres zigotos qu'il fallait retrouver.
Le flic pourri ou le juge vicieux.

Avec le plan, nous changerions de peau, de vie.
Sempiternelle histoire.

Comme un chapelet,
l'illusoire du plan immaculé s’égrenait dans le ravaudage de notre existence indigente.
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Quelque part, un dé roulait sur le tapis vert de la comédie judiciaire.
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Mort à celui qui demeure lui-même et personne d'autre,
à celui qui a du singulier.

L'être différent est traqué.
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Si à l'appel, on s'abstient de répondre : "Présent !",
les alarmes retentissent et les chiens sont lâchés.

L'hallali sonne au corps intime comme un sémaphore,
une tutelle.

Et la peur patiente perfore cœur et âme.
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On tue de milliers de façons différentes,
mais seules quelques-unes sont punissables par les codes.
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En prison, les insomnies et la longueur des heures nous enchaînaient devant la télé,
une maille à l'envers, une maille à l'endroit.
Comme une sorte de double peine.
Et à chaque tour de cadran,
s'égrenaient des discours identiques, de faux débats et de fausses élections.
Sans alternative.

Le clergé médiatique et univoque
tisse un fil d'Ariane de l'inutile, du vide, des vertiges, des désespérances,
des bassesses insipides qui nous gouvernent.

Ils nous obligent à ramper jusqu'à l'autodestruction de l'être,
jusqu'à ce rien cathodique dérisoire.
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