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Citations de Jean-Marc Souvira (111)


Mais y a toujours des sorciers ou des guérisseurs chez les Africains!Chez nous,c'est eux qui nous soignent,qui nous enlèvent le mauvais œil ou qui jettent un sort à nos ennemis.
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Un sorcier qui garde une partie de toi dans un sac,et si t'obéis pas,il t'envoie du malheur à distance!
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Tout simplement excellent
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Arrivés à un certain niveau, les emmerdements ne s'additionnent plus, ils se multiplient.
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- Et quand j'ai appris qu'elle avait été assassinée, en reprenant mon travail le lundi, j'ai mis un temps fou à comprendre et admettre cette évidence. Je n'arrivais pas à y croire. Quand j'ai vu les photos de la scène de crime, c'était terrible. Mais plus les heures passaient, et plus le courage de tout raconter s'éloignait. Je me suis enfermé dans une logique idiote, en pensant que ça ne se saurait pas....
Mistral se rassit à son bureau, tritura un stylo-plume, réfléchit et parla d'une voix calme et apaisée.
- Dalmate, d'où sortez-vous ? De quelle planète venez-vous ?
- Je ne comprends pas la question.
- Dalmate, c'est simple. Il y a des flics qui se lèvent, qui vont bosser et qui se couchent, des putes qui tapinent, des dealers qui dealent, des tox qui meurent. C'est la vie ! Ouvrez les yeux sur notre monde, Dalmate, et laissez de côté vos sentiments ! Votre ancien chef de service aux RG m'a dit que vous étiez un type bien. Je le crois sans peine. Remettez-vous dans l'axe du flic de PJ... Maintenant, allez bosser.
Quand Mistral et Calderone se retrouvèrent seuls, ils parlèrent longtemps de l'âme humaine, de la hauteur des sentiments et des comportements irrationnels parfois induits.
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Mistral rentra chez lui en luttant contre le sommeil qui semblait brusquement vouloir le terrasser. N'étant plus dans l'action, la fatigue reprenait le dessus. Il monta le son de l'autoradio, mais ce fut sans effet. Il s'endormit à un feu rouge de l'avenue Charles-de-Gaulle à Neuilly.Les klaxons des voitures le réveillèrent et, le cœur cognant fort, il démarra en se demandant où il se trouvait. Pour se maintenir éveillé, il téléphonait à toutes les personnes qui lui traversaient l'esprit. Certaines diront plus tard qu'elles croyaient qu'il était ivre, tellement ses propos n'avaient aucun sens.

Ludovic poursuivit ses efforts pour rester lucide avec Clara qui ne lui parlait plus de week-end prolongé. Elle comprenait que son mari était fébrile, exaspéré et, pour lui changer les idées, racontait les vacances des enfants. Mistral avait du mal à suivre la conversation. Dans sa tête se bousculaient les conclusions d'Elisabeth Maréchal, l'enregistrement de la voix du tueur, les inquiétudes de la directrice de FIP, Paul Dalmate, et quantité d'autres bribes de son enquête. Quand il s'assit sur le lit, il s'endormit avant que sa tête ne touchât l'oreiller.
Mistral tourbillonna dans la spirale des rêves décousus. Des mélanges de fragments de vie, de son enquête actuelle et d'un homme le poursuivant avec un couteau dansèrent une sarabande dans son esprit. Cette dernière séquence était récurrente, comme si inconscient voulait attirer son attention. Mistral rêvait de moins en moins, parce que son sommeil était complètement perturbé, mais quand il laissait la porte de ses rêves s'entrouvrir, l'homme au couteau apparaissait chaque fois. Parfois, Mistral se heurtait à un homme qui transportait un énorme miroir, il ne voyait pas l'homme, uniquement des mains gantées qui maintenaient le miroir à la verticale. Mistral voyait son propre reflet, celui d'un homme épuisé, amaigri, transformé par la fatigue.
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- Ludovic, pourquoi vous levez-vous le matin ?
Mistral leva les sourcils, étonné de cette question, et aussi par le fait que, pour la première fois, Thévenot l'appelait par son prénom, rendant l'échange plus intime. Il répondit avec une remarque grinçante.
- Vous connaissez la réponse, je crois. Parce que je ne dors pas. Et ce n'est pas au médecin que je m'adresse.
- c'est bien sur le terrain amical que je place la discussion. Mais ce n'est pas cette réponse que j'attendais, je parlais du pourquoi de votre travail....
- J'aime ce métier, je me sens utile, je croyais que vous l'aviez compris.....
- Une belle réponse bateau, si vous me permettez cette expression ! qu'Est-ce qui vous motive ?
- Les enquêtes, les relations avec les autres policiers, le ciment entre les hommes comme vous l'avez fort justement dit, partager les mêmes tensions, toutes ces choses-là.... bref, rien de nouveau sous le soleil des flics ! ....

- Dans le métier de flic, il faut savoir chasser. On a parfois en face de nous des types qui ont des comportements d'animaux, violents, pour qui la vie des autres ne représente rien, et qui veulent assouvir leurs besoins. Ces types pourrissent la vie des policiers parce qu'ils les obsèdent. Les rechercher, c'est mener une traque, et la traque c'est la chasse, même si ça se passe dans une ville, l'autre territoire du règne animal !
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Ce fut ensuite Mistral qui parla des échecs, des affaires non élucidées.
Le médecin avait amorcé la pompe et laissait Mistral s'exprimer. Il lui posa enfin une question simple.
- Tout à l'heure, avant de descendre, vous m'avez dit que vous étiez sur une série de dossiers sensibles, c'est du lourd ?
- Trois meurtres de jeunes femmes, à leur domicile. Rouées de coups, étranglées, violées, le visage planté de morceaux de miroir brisés et un linge par-dessus tout ça. Voilà. Alors oui, c'est du lourd !
- En effet. Des pistes ?
- Strictement rien.
- Comment vous sentez-vous pour affronter de telles affaires ?
- Pas au mieux. Je n'ai repris mon travail, réellement, que début août. Et le démarrage se fait tambour battant, c'est le moins qu'on puisse dire ! Pas le temps de se remettre dans le bain progressivement !
- Je crois me souvenir que vous avez de bonnes équipes, c'est plutôt rassurant de porter la charge de l'enquête à plusieurs !
- Oui bien sûr ! Le flic solitaire ça n'existe pas. En fait, ce qu'il faut savoir, lorsqu'on attaque une série d'affaires difficiles, surtout après une enquête où j'ai failli y rester, il m'est difficile de redémarrer en claquant des doigts, comme si rien n'avait eu lieu. Je suis sans cesse tiré en arrière par ce qui s'est produit quelques mois plus tôt. Je pense que nos concitoyens sont persuadés que nous enchaînons les enquêtes, les unes plus raides que les autres, parfois sans souffler, presque en sifflotant, comme dans les séries télé. Eh bien non, ce n'est pas comme cela la réalité !
- Vous ne pouvez pas évacuer le stress accumulé, dans ces conditions.
- Non. Les affaires criminelles s'empilent comme des millefeuilles. On ne devient pas amnésique en sautant de l'une à l'autre. Fatalement, sur les très gros trucs, les personnes qui y étaient vont en reparler souvent, parfois avec de simples allusions ou un regard échangé qu'eux seuls comprendront, mais ça restera présent dans nos têtes pendant des années.
- Il faut bien que, d'une manière ou d'une autre, vous passiez à autre chose, sinon cela devient vite invisible !
- Ce n'est pas toujours aussi évident. Quelques années plus tard, cette affaire reviendra sur le tapis, parce que vous allez être convoqué aux assises et tout revivre, en expliquant aux jurés, à proximité du meurtrier assis dans le box et qui vous guette, comment ça s'est passé. Et puis ses avocats interviendront pour dire que vous n'avez pas respecté telle ou telle obligation, ou que les aveux ont été extorqués au bout de trente-six heures d'interrogatoire. Bref, en deux mots, mais c'est leur job, pour remettre en cause votre compétence professionnelle. Voilà pourquoi rien ne s'efface tout de suite.
- Effectivement, je comprends mieux ces strates qui s'empilent. Mais cela fait partie aussi de l'histoire du service et du ciment entre les hommes.
- Oui... on peut dire ça comme ça.
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En regagnant son bureau, Mistral croisa Calderone, lui résuma en deux mots ce qui s’était dit au rapport et lui demanda de faire venir Paul Dalmate.
Mistral était plongé, sans passion, dans la lecture d’une circulaire sur le budget quand la secrétaire annonça Calderone et le capitaine de police. Mistral regarda entrer un grand type très mince, cheveux ras, visage anguleux, marqué, pantalon noir, chemise blanche et cravate noire. Il ne se souvenait plus très bien à quoi ressemblait le policier issu des RG.
- La cravate n’est pas indispensable au mois d’août, et surtout avec cette canicule, commença Mistral en souriant pour le mettre à l’aise, d’ailleurs la mienne est dans la penderie.
- Ca ne me gêne pas, j’ai l’habitude.
- Comme vous voulez, mais on en reparlera. Avez-vous eu le temps de lire quelques procédures rédigées par le service ? C’est le meilleur moyen de comprendre comment marche la crim, la répartition des rôles, etc.
- Oui, j’en ai lu quelques-unes et j’ai discuté avec les gens du groupe.
- Tout se passe bien ? C’est ce que vous attendiez ?
- C’est ce à quoi je m’attendais, je ne suis pas déçu.
Mistral fut à la fois surpris et légèrement agacé par la brièveté des réponses et le ton neutre employé par Dalmate. Aussi conclut-il rapidement :
- Bon, en cas de difficulté quelconque, n’hésitez pas à en parler à Vincent. Je pense que le mois d’août, généralement tranquille, vous permettra de vous familiariser avec le service.
Dalmate sorti, Mistral ne put s’empêcher de souligner le peu d’enthousiasme que lui inspirait le capitaine.
- Ne vous arrêtez pas à cette impression. C’est vrai, il est très réservé et son manque de communication est parfois plombant. Mais je dois dire qu’il a réellement mis les bouchées doubles en juillet et qu’il sera très rapidement opérationnel.
- J’espère ! Je pense aussi que l’ambiance PJ va le décoincer, d’autant que dans son groupe, il y a de joyeux drilles qui vont s’en charger.
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Au fait, le capitaine des RG qui est arrivé fin juin, après avoir permuté avec un de nos gars, comment est-il ?
- Paul Dalmate ?
- Oui, celui qui a l’air triste en permanence.
- Bonne présentation, rigoureux, notation excellente dans son ancien service. Pas très expansif et assez silencieux. C’est vrai, il n’est pas gai.
- Ca va le changer, l’ambiance PJ ! Nous c’est plutôt le village gaulois que les phrases feutrées ! Qu’est-ce qu’il faisait aux RG ?
- Il était à la section sociale et passait ses journées à rédiger des notes.
- Mais il ne connaît rien à la procédure, c’est ça ?
- Non pas vraiment. Il a débuté en commissariat de quartier, où il est resté deux ans. Pour ça, il a été à bonne école. Vous savez comment c’est. Le matin, vous prenez votre service, les cellules de garde à vue sont pleines, et le soir quand vous partez, vous avez tout traité. Et le lendemain, ça recommence !
- Je connais, j’ai démarré ma carrière au commissariat Saint-Georges, rue Ballu, dans le IXè. Bon, alors, qu’est-ce qui cloche avec Dalmate ?
- Rien de particulier. Il a tenu à être muté à la crim pour enquêter sur des assassins. Savoir ce qu’ils ont dans le crâne, prendre leurs auditions, etc. C’est un pote des RG qui me l’a dit.
- Il ne va pas être déçu. Il est en vacances ?
- Non, d’ailleurs c’est lui qui dirige son groupe en août, le chef est en vacances.
- Bon, je vais aller au rapport, et en sortant, je le verrai.
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Le policier se jeta à l'eau, conscient du ridicule dans lequel il se trouvait, discutant avec une vieille prostituée qui avait transformé le bureau d'un service de police en fumoir et s'apprêtant à lui parler de surnaturel. Dalmate s'exprima davantage pour lui que pour la femme.
- C'est là que ça devient compliqué... On rentre dans le domaine des sorciers et de la magie. Je sais, c'est fou ce que je vous raconte en ce moment, mais c'est la tournure que prend l'enquête.
- Ah bon ? Comme pour les petites Nigérianes ?
- Qu'Est-ce que vous dites ? s'exclama-t-il, étonné.
- Tiens donc, monsieur le flic balafré qui réagit enfin ! Stella m'a vaguement raconté que toutes les prostituées africaines sont tenues par un serment prononcé devant un sorcier dans leur pays, le "djudju", une sorte de cérémonie vaudoue, quoi ! Si elles parlent, elles deviennent folles, des malheurs s'abattent sur leur famille. Un tas de conneries, mais elles y croient dur comme fer ! C'est pour ça qu'elles causent jamais aux flics. Une prison mentale, si tu veux !.....
Bon, aller, et essaye de tirer d'la ma sirène noire.
- Sirène noire ?
- Ben ouais, j'les appelle comme ça, les p'tites Africaines qui tapinent, parce qu'y en a plein au fond d'la Méditerranée, quand les barcasses qui les transportent coulent à pic. Elle n'ont pas eu d'chance, enfin si on peut parler de chance quand on finit sa vie sur le trottoir !
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A une quinzaine de mètres, à proximité d'une station de taxis, il observa par ennui la prostituée blanche. La seule du coin, pensa-t-il. La femme, qui tutoyait la soixantaine avachie, épuisée par quarante ans de trottoir, avait échoué dans un boulevard glauque. Son parcours l'avait conduite des quartiers les plus huppés de la capitale, avec strass et paillettes, à cet endroit qui lui rappelait tous les jours sa déchéance. Chaque dizaine d'années écoulée, elle s'éloignait peu à peu de la lumière et de la fête, reléguée sur un bout de trottoir, loin du centre, où elle passait ses nuits de travail. Fataliste, elle savait qu'après ce boulevard il n'y aurait plus rien pour elle....
..... Stella arriva enfin. Elle s'approcha de la prostituée usée. Les deux femmes n'étaient pas étrangères l'une à l'autre. Les embrassades et quelques mots échangés ponctués de sourires traduisaient l'affection de l'ancienne envers la jeune fille. Le contraste était saisissant entre la jeune Africaine ondoyante et la femme à bout de souffle.....
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La fille se trouve à l'hosto en observation, rien de grave apparemment. Je me disais qu'on pourrait discuter avec elle, elle bosse à Château-Rouge, c'est une prostituée africaine et....
Mistral ne laissa pas Dalmate terminer sa phrase.
- La sorcellerie, les albinos, la magie africaine, oui je sais. Paul, je commence en avoir assez de ces pistes complètement démentes qui ne nous mènent à rien. Je n'ignore plus que ça existe. Et pour aller jusqu'au bout de ma pensée, je suis convaincu que c'est le puissant moteur d'une communauté. Mais nous sommes étrangers à cette culture. Ce n'est pas en explorant ce que nous ne connaissons pas qu'on y arrivera. Il nous faudrait beaucoup trop de temps pour s'imprégner et comprendre tous ces rituels. Laissez tomber, à mon avis vous perdez votre temps. Concentrons-nous sur notre approche pragmatique des crimes, nous n'avons pas trop le choix. Essayons de faire coïncider les deux.
Dalmate constata le sursaut cartésien de son collègue, teinté de ce léger accent de combat d'arrière-garde. Mistral progressait dans l'irréel, voulait bien l'admettre sans le côtoyer de trop près pour autant, se réfugiant dans la procédure judiciaire.
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- Pourquoi le sorcier ne serait-il pas content ?
Forest ferma les yeux de stupéfaction à l'évocation du sorcier. Madjid Doucouré esquiva la question.
-J'le connais pas ce sorcier et j'veux pas croiser son chemin, j'suis pas de taille. Il est très puissant pour avoir des types qui.... découpent des gens pour lui. Il a beaucoup de pouvoirs et des clients riches qui achètent ses potions, c'est sûr.
- Il est nouveau ?
- Peut-être. Mais il y a toujours des sorciers ou des guérisseurs chez les Africains ! Chez nous, c'est eux qui nous soignent, qui nous enlèvent le mauvais œil ou qui jettent un sort à nos ennemis. C'est normal, c'est comme ça.... C'est comme le docteur chez toi.
Mistral approuva d'un signe de tête. Forest resta de marbre.
- Où je peux rencontrer un sorcier qui me raconte toutes.... ces pratiques ?
- J'sais pas. Mais c'est pas pour vous. Aucun sorcier vous parlera. J'aime pas qu'on m'pose des questions sur les sorciers. Vous n'y comprenez rien.
Sans le savoir, Doucouré renvoyait Mistral à son échange avec Le Carme, quelques heures plus tôt. Mistral sentit que l'Africain se refermait comme une huître. Il laissa le silence s'installer de nouveau. Forest, témoin privilégié de ces questions-réponses, se garda bien de dire quoi que ce soit. Mistral tenta une dernière question. Jamais, lui non plus, il n'aurait imaginé avoir une telle discussion dans le cadre d'une enquête criminelle. Après tout, pourquoi pas ? se dit-il.
- Qui travaille pour le sorcier ?....
....
Forest raconterait bien plus tard que jamais, en vingt ans de carrière, il n'avait assisté à un dialogue aussi étrange entre un policier et un informateur. Il regretterait de n'avoir pu l'enregistrer pour faire taire les incrédules. Mais ce qui le surprit le plus, c'est que ces questions, aussi dingues soient-elles, n'étonnèrent ni l'Africain ni surtout le chef de la brigade criminelle. Mistral et Ducouré, en phase, s'étaient compris. Forest émettait l'hypothèse que la bascule intellectuelle de Mistral était intervenue à ce moment-là. Les mots : "sorciers", "magie", "massacres des albinos", apparurent progressivement dans le vocabulaire de Mistral. "Même s'il s'en défendait", ajouterait Forest en souriant.
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- Tu as lu la presse ?
L'ancien professeur tenait sa tasse à deux mains, comme agrippé à une bouée. Il opina.
- Si tu as lu, tu sais presque tout. Sauf une chose. Lors de l'autopsie, j'ai appris que les corps étaient particuliers. C'étaient ceux de deux....
.... albinos.
- Tu t'en doutais ?
- Non, jusqu'à ce que j'apprenne par la radio qu'il s'agissait d'un couple d'Africains découpés en morceaux. Alors là, je me suis dit...
Le Carme reprenait progressivement vie. La passion de l'Afrique ne l'avait jamais quitté.
- A ma connaissance, il n'y a jamais eu de telles pratiques en France. En Afrique ce processus est très connu, surtout en Tanzanie et au Burundi où les albinos sont plus ou moins massacrés, surtout à l'approche d'élection.
- Hervé, tu mesures ce que tu racontes ?
- Ludovic, tu ne comprendras jamais rien au monde qui t'entoure ! Il faut que tu mesures bien que, dans certains pays d'Afrique, lorsqu'un être blanc naît de deux parents noirs, c'est forcément surnaturel ! Et là, la magie s'en mêle, elle est très puissante, et rien ne l'arrête. Les organes des albinos, utilisés pour des rituels de sorcellerie ou dans la confection de philtres, sont vendus aux sorciers ou aux guérisseurs.
Ludovic hocha la tête et interrompit le professeur.
- Le médecin légiste qui a pratiqué les autopsies m'en a parlé. Albinisme et meurtres rituels, je découvre la chose sans y croire.
Le Carme poursuivait le développement de ses réflexions sans répondre directement à l'interruption de Mistral.
- Ces pauvres albinos sont victimes de superstitions ancestrales qui malheureusement attribuent des vertus magiques à leur corps...

...Silence entre les deux hommes. Le professeur perdu dans la fantasmagorie africaine, Mistral accroché au rationalisme pur et dur d'un Occidental du XXIème siècle. Le Carme se gratta la gorge, avala un peu d'eau et poursuivit.
Même les candidats aux élections, comme je te le disais, désirent s'attirer la victoire avec la magie, quelle qu'elle soit, et le sang des albinos en fait partie. C'est ainsi. Mais tout le monde se rassure en racontant qu'on peut tuer ces pauvres gens parce qu'ils ne meurent jamais. Une sorte d'absolution des meurtres. Le massacre des albinos est devenu un business.
Mistral regardait son ami qui parlait d'une voix claire et grave. Il ne put s'empêcher de l'interrompre.
- Ne me dis pas que toi, esprit éclairé, tu crois à ces pratiques !
- La question n'est pas de croire ou pas. Ca existe !....
.... Mais pour répondre plus précisément à ta question, je pense qu'un sorcier s'est installé depuis quelque temps et qu'il a des commandes venant de très loin. Le type doit avoir une grande réputation pour être en mesure de commanditer des meurtres d'albinos, ici en France ! Il a plusieurs longueurs d'avance sur toi. Sais-tu pourquoi ?
Mistral fit non de la tête.
- C'est très simple, Ludovic. Tu cherches dans ce que tu connais, dans tes références standardisées, comme tout bon flic qui se respecte. Mais tu es incapable de prendre un chemin de traverse, parce que l'irrationnel est au-dessus de ton entendement. C'est pour ça que le sorcier est tranquille...
Tu ne sais pas chercher en dehors de ton système de pensée, ce qui confirme mon analyse te concernant.
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Dès l'instant où tu leur dis qu'ils vont être inondés de billets de banque, tout se passe bien ! Ils n'écoutent même plus la suite. Et pour que mon business continue de marcher, j'expédie de temps en temps un billet de cent dollars aux mères. Snoop, sans elles, rien n'est possible !
-Cent dollars ? Mais c'est rien, vu c'quelles te rapportent !
- C'est les mères qui m'proposent leurs enfants et qui m'les vendent ! Elles disent entre elles : "ma fille est en Europe, elle m'envoie des sous. Celle qui est à l'école Est-ce qu'elle peut faire la même chose ? Non, et en plus elle coûte de l'argent !"
- Tu l'as payée cher, la gamine ?
- Cinq cents dollars. J'ai fait une affaire. La mère voulait m'en vendre d'autres, mais j'aime pas acheter dans les mêmes familles. J'lui enverrai du cash dans un mois, c'est bien de les faire attendre. Elle remboursera au village la cérémonie du sorcier et aura l'impression d'être riche avec les trois cents restants.
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Margaret commençait à ne plus se sentir très bien. Elle aurait voulu être ailleurs, renoncer à tout ce qui l'attendait : la richesse, les bijoux, la maison, un mari, des enfants, un travail intéressant chez les Blancs. Elle hésitait à fuir, se demandant si ses jambes pouvaient encore courir. Elle sentait les mains de la femme qui la serraient avec affection, certainement une trop grande affection, parce que Margaret ne pouvait s'extraire de cette poigne si forte. En réalité elle n'y songeait même plus. Sa mère s'était endettée auprès de la plus grande partie du village pour payer les deux cents dollars de la cérémonie. Si elle s'enfuyait, elle serait bannie et la honte retomberait sur sa famille pendant des générations. Margaret devenait prisonnière de la parole et de la dette de sa mère.
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Mistral reposa sa note d'ambiance sur le volumineux dossier qu'il referma. Instinctivement, il ressentit la nécessité d'une rupture nette avec ce qu'il venait de voir, de lire, et le moment où il devait tenter de dormir. Il avait besoin, en quelque sorte, de laver son esprit des visions des scènes de crime, et choisit un livre de photos qu'il affectionnait tout particulièrement, dans lequel étaient rassemblés de très beaux portraits en noir et blanc de Chet Baker.
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C'est samedi. Premier week-end de liberté. Il se demande ce qu'il va bien pouvoir faire.
Pendant deux jours, il va marcher dans Paris, déambulant sans but, rentrant chez lui pour dormir. Il marche sans cesse, poings serrés dans les poches du blouson et lunettes de soleil vissées sur le nez du matin au soir. Quand il a faim, il mange un sandwich, quand il a soif, il boit un café. Il passe dans des rues qui le ramènent bien des années en arrière. Dans son cerveau se télescopent des images de violence, de cris, de fuites. Les grandes avenues éclairées, la circulation automobile, les bruits l'effraient un peu. Il pensait que tout le monde allait le regarder, lire dans ses pensées de monstre encore en léthargie. Mais non, il est tellement banal que les passants ne le voient même pas. Ca tape dans ses tempes, ça cogne fort. Il s'adosse à un mur pour reprendre son souffle et tente de faire cesser les images de violence qui seront encore floues dans son esprit, mais qui bientôt seront beaucoup plus nettes. Les cris, les sons qui accompagnent ces images lui parviennent indistinctement, déformés. Il devine que ce sont des voix d'enfants. En prison, il ne les entendait pas, mais de nouveau en liberté elles reviennent.
Il est en sueur malgré le froid vif de janvier et a parfois du mal à se repérer. La nuit le surprend sur l'avenue des Champs-Elysées. Lécuyer a l'impression d'être dans un tunnel de lumière et de bruit qui l'étourdit. Il trouve une entrée de métro et finit par rentrer chez lui, littéralement épuisé. Il sait que ses vieux démons sont de retour. Ils sont là, tapis en silence, planqués dans les recoins de son cerveau. Dans l'attente. Mais qui le pousseront comme avant. Il les a déjà entendus chuchoter, il sait que bientôt ils lui parleront plus fort. Quand il est occupé, il ne les entend pas trop et arrive à les faire taire. Assis sur son lit, il prend sa boîte de magie et pendant une partie de la nuit va s'amuser ou s'entraîner, il ne sait pas trop. Il se couche tout habillé.....

Dans sa tête, c'est devenu un véritable carnage. Les démons s'y sont définitivement installés et poussent Lécuyer à agir. Ils parlent haut et fort. Il ne les a plus repoussés et n'en a plus peur. Il sait que l'inéluctable est de nouveau en marche, ce n'est qu'une question de jours ou de semaines et d'opportunité.
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Contrairement aux prisons américaines, il n'y a pas de réfectoire dans les prisons françaises. Pas de scène d'émeute, pas de chahut, pas d'objet que l'on frappe sur les tables. La surpopulation et la promiscuité sont bien suffisantes pour alimenter les tensions. Les taulards prennent leurs repas en cellule. Seule une dizaine de détenus sont aux fourneaux, et d'autres transportent les plateaux-repas par chariot vers les cellules sous la surveillance d'un gardien. Rituel immuable où les hommes attendent en gueulant qu'il y en a marre de bouffer de la merde. Ca fait partie de l'ambiance.
La prison est le lieu clos où s'exerce une violence quotidienne inimaginable, ponctuée d'intimidation, de bagarres, de vols, de viols, de meurtres sur fond de drogue. Sexe, drogue, sans rock'n roll. Avoir un couteau ou tout autre objet remplissant les mêmes fonctions peut valoir à son détenteur le mitard, mais aussi une assurance-vie. Donc, entre le mitard et l'assurance-vie, les taulards ont vite choisi. Promenade. Le petit homme est dans la cour accroupi contre un mur. Impassible. Les autres détenus passent à côté de lui comme s'il n'existait pas. Ils jouent au foot, courent, hurlent, échafaudent des plans, s'échangent des puces de téléphones portables. Perdu dans son monde de violence et dans son chaos cérébral, il ne laisse rien paraître de son agitation intérieure. Tout ce qu'il souhaite, c'est être invisible, gris comme les murs d'enceinte, et silencieux. De ce point de vue, il a gagné.
Le dîner est fini, les cuisines sont nettoyées. Réintégration des cellules. Enfin seul. Il est tranquille dans ces neuf mètres carrés, quand la règle, due à la surpopulation carcérale, est six pour à peu près la même surface. C'est un des rares détenus de la centrale à être seul dans une cellule. Il sait pourquoi, et c'est ce souvenir qui le fait agir. Normalement, cette histoire sera bientôt terminée. Allongé sur son lit, il attend que les surveillants fassent leur ronde, regardent au travers des judas et éteignent les lumières. Dans toutes les cellules il y a des télévisions, sauf dans la sienne. Il n'est pas puni, il n'en veut pas. Les types laissent parfois fonctionner leur télé toute la nuit, avec une prédilection pour les programmes faisant la part belle aux femmes dénudées. Ca rend encore plus dingues les détenus, et oblige certains autres à subir et vivre le restant de la nuit comme un calvaire.
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