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Citations de Jean-Michel Leboulanger (114)


Les mots demeuraient malgré tout, infligeant des blessures à ceux qui en étaient la cible. Froissez une feuille de papier et essayez de la défroisser ensuite pour lui redonner sa forme originale, elle en gardera toujours des marques à sa surface.
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Je ne suis pas à gauche, Hadija. Ni à droite, non plus. Je suis ailleurs, là où la Justice n’a pas de couleur politique.
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Nous sommes la pire génération de l’humanité : celle de l’inconscience.
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L’honneur, c’est comme les dieux : des mots creux au nom desquels on se permet de commettre les pires atrocités.
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Les plus vertigineux gratte-ciel n’étaient jamais que des repères d’usuriers et de receleurs.
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Hadija et Francis travaillaient en silence devant leur ordinateur respectif. Ils s’étaient réparti les tâches, Hadija essayant de trouver une concordance avec les empreintes de la victime sur le FAED, le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales. L’analyse ADN n’avait pas encore confirmé l’appartenance du bras au reste du corps, mais tenant compte de l’avis préliminaire du légiste, Hadija était partie du principe qu’il s’agissait du même individu. Dans le cas contraire, cela signifierait que deux personnes avaient été découpées en morceaux. Pas suffisant pour parler de tueur en série.
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Tu sais, il ne faut pas regretter le passé. Il est ce qu'il est et on n'y peut rien changer. Quant au futur, il n'est jamais ce que pense qu'il sera. Le présent est la seule chose que nous connaissons. Alors vivons le présent et laissons-nous porter par lui.
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-Un médecin, le docteur Lacouille, gynécologue.
Alan et Daniel éclatèrent de rire.
-Non, pardon, docteur Lamouille, désolé, se reprit Francis.
-C’est pas mieux, glissa Hadija en regardant les deux crétins tordus de rire en face d’elle, tandis que Francis se demandait s’il avait raté un épisode.
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– Vous avez quel âge ? continua-t-il. Vous êtes étudiants ?
Nizar était surpris par le ton calme, voire bienveillant de l’officier. Une raison de plus pour s’en méfier.
– J’ai vingt et un ans, et mon frère dix-sept. Il est encore au lycée. Moi, je suis étudiant en architecture.
– Tu es en archi ? s’enthousiasma l’homme en treillis. Comme moi. Je suis architecte dans le civil. Allah m’a appelé pour construire sa maison, et je dois bâtir son plus beau palais. J’ai besoin de garçons comme vous pour m’aider. Tu vois le groupe près du feu, là-bas ? Tu vas y aller avec ton frère. Je crois qu’ils ont encore du mouton. Avec un peu de chance, vous mangerez à votre faim ce soir. Ensuite, vous vous reposerez. Demain matin, une longue journée commencera pour vous.
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Chaque nouvelle journée de conquête attirait des centaines d’hommes qui venaient grossir les rangs de cette armée pour le grand projet : l’État Islamique. Un khalifat qui unirait indistinctement ces pays factices nés de rien, tels l’Irak et la Syrie, découpés au cordeau à l’aide d’une règle et d’un crayon à l’issue de la première guerre mondiale. Désormais ne gouverneraient que les lois d’Allah dans son acceptation la plus stricte : la charia.
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– Vingt ans… Ce garçon n’a pas eu une vie facile ces dernières années. Il a dû vivre tragédie sur tragédie. J’en ai vu des cadavres, des drames, des corps en lambeaux. Mais il y a des fois où j’ai honte d’appartenir à l’espèce humaine quand je vois comment certains maltraitent leurs congénères. Je ne sais pas qui c’est, ce gars, mais j’espère vraiment que vous pourrez lui redonner une identité et lui rendre un peu de justice. Je pense qu’on lui doit bien ça…
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Notre ami présente aussi des signes de dénutrition et chose curieuse, ses poumons sont légèrement silicosés. Pas des poussières de charbon, comme chez les mineurs, mais plutôt une sorte de sable fin. Je vais le faire analyser. Pour compléter le tableau, je pense qu’il a également subi des violences sexuelles. Son anus est abîmé et il porte là encore des déchirures récentes.
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Terminé, fit le légiste en ôtant ses gants dans un claquement sec. J’ai fait les prélèvements pour l’analyse ADN et j’ai pris les empreintes de la main. Apparemment, le bras droit correspond au reste du corps. Sinon, il n’est pas resté plus de vingt-quatre heures dans l’eau. Par contre, son dernier repas remonte à plusieurs jours. Il n’avait ni bu ni mangé les dernières heures avant sa mort. Le bol alimentaire est quasiment inexistant.
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Tous les instituts médico-légaux se ressemblaient ; froids, administratifs, peu engageants avec leurs carreaux de faïences blancs éclairés par les néons blafards. Dès l’entrée, les vivants adoptaient les teintes livides de cadavres en état de décomposition plus ou moins avancée. Bien qu’enfermés dans des frigos, les corps exhalaient une odeur de mort à laquelle se mêlait celle du désinfectant. Cette note constante flottait dans l’air, toujours la même, mélange aigre et sucré de pourriture, de formol et de citron synthétique. Un parfumeur de Grasse y aurait perdu son nez à jamais.
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– Quel âge à ton avis ? Il me paraît jeune…
– Très jeune. Je dirais la petite vingtaine. Dix-neuf, vingt ans, guère plus. Pas bien nourri ces derniers temps, mais avec une musculature fine et sportive. La peau bronzée, mate. Un beau brun.
– Pourquoi tu dis un beau brun ? Pas de tête.
– Une impression…
– Daniel, je ne te demande pas des impressions, mais des faits. Quoi d’autre ?
Daniel se dit qu’il ne fallait pas dépasser les limites de la blague.
– Donc, il est très brun et il est circoncis. Ce n’est pas une pratique courante par chez nous. Et je ne vois pas de pathologie qui expliquerait une circoncision chez lui. Donc plutôt une pratique rituelle, comme chez les Juifs ou les Musulmans.
– On ne dit pas rituelle, mais religieuse, rectifia Hadija, mal à l’aise avec ses derniers commentaires, Neuville tenant le sexe de l’homme entre deux doigts gantés. C’est tout ?
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– Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Hadija. Neuville fit une moue dubitative.
– C’est un mec, pas d’erreur. Pour le reste, il faudra attendre l’autopsie. En tout cas, il n’a pas séjourné longtemps dans l’eau. On peut continuer à manger du crabe sans crainte d’anthropophagie, rigola-t-il brièvement, voyant qu’Hadija n’accrochait pas à sa blague. Tu vois ici où on a les découpes ? Un séjour prolongé dans l’eau altère la peau et les chairs sur les bords, les faisant ressembler à des peaux molles et livides. Ce n’est pas le cas ici. De plus, il n’est pas gonflé du tout. Ton gars n’a pas séjourné plus de vingt-quatre heures dans l’eau. À mon avis, on a certainement essayé de le lester avec des pierres ou des parpaings, mais ça n’a pas fonctionné. Tu vois les lésions en croix sur son torse ? Ce sont des traces de cordages. Sauf que le mouvement des vagues, ainsi que le poids du lest, ont fait que les liens se sont distendus et qu’il s’est détaché. D’habitude, un corps ne remonte que plusieurs jours, voire plusieurs semaines après. Il faut que les chairs se remplissent des gaz de décomposition pour qu’il apparaisse à la surface. Ce qui n’est pas le cas pour celui-ci. Il a dû être balancé tout près des côtes pour que la mer le ramène aussi vite. Soit depuis un bateau, ou d’une falaise, ou bien même de la jetée. Seulement, le courant l’a tout de suite ramené sur le sable. À moins qu’on l’ait déposé directement sur la plage. Je dis ça, mais j’y crois pas.
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À ses côtés, en train de prendre les photos du corps, Francis Holmes, son adjoint. Un jeune OPJ fraîchement nommé, que Daniel formait et qui prenait très à cœur tout ce qu’on lui disait. Un garçon brun, lui aussi, passe-partout. C’était probablement un critère de recrutement dans la police scientifique. Demeurer une ombre blanche parmi les ombres blanches. Sans doute qu’une personnalité trop marquée aurait pu dénaturer une scène de crime…
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Désormais, Hadija se retrouvait seule sur la plage devant un torse humain, sans bras, sans jambes, sans tête, mais dont on pouvait encore constater que c’était un homme.
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Prudemment, Hadija fit quelques pas vers la chose. L’espace de quelques secondes, elle se tint devant elle sans comprendre, incrédule, avant qu’un haut-le-cœur la saisisse. La réalité l’avait rattrapée, ainsi que son métier de flic. Elle se tourna vers le couple en état de choc.
– Je suis officier de police, dit-elle en sortant sa plaque de sa veste de sport. Mes collègues vont intervenir. Pas la peine de rester devant cette horreur. Donnez-moi vos coordonnées et je vous recontacterai pour l’enquête. Si vous avez besoin de l’aide d’une cellule psychologique, n’hésitez pas…
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Tout à coup, ses aboiements changèrent. Ils devinrent furieux, puis geignards. Les mains sur les hanches, Hadija observait la scène. Elle entendit l’homme appeler : Bahia, Bahia ! Mais le chien n’obéissait pas. Malgré les appels, il s’obstinait à aller et venir nerveusement entre une sorte de masse échouée sur le sable et le couple qui marchait tranquillement. À quelques mètres de la forme sombre, ils se figèrent en même temps. L’homme avança prudemment, gardant sa femme à distance d’un geste du bras. Elle avança néanmoins, jusqu’au moment où elle poussa un cri d’horreur.
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