Citations de Jean-Pierre Cabanes (128)
Il a existé un fascisme roboratif, énergique et ambitieux. C’est l'idée de ce fascisme-là qui a fait la fortune du Duce. C'est sa mise en œuvre qui a produit "l'homme le plus aimé d'Italie, l'homme de la Providence", comme disait Pie XI. Tant pis pour la liberté d'expression, tant pis pour les hiérarques corrompus, et cette idée complètement folle du Duce de faire de l'Italien un homme nouveau, genre guerrier ascète à la mode spartiate. D'ailleurs, ce n'était qu'une idée. Les Italiens savaient qu'ils n'y parviendraient jamais et lui-même ne se faisait pas d'illusions. Moyennant ces arrangements et ces hypocrisies, on accommodait du régime, bien plus généreux et attentif que l'ère libérale qui avait précédé sous Giolitti, Facta et consorts.
— Et le Duce ? demande alors le Coralli.
— Le Duce, répond Virginia, c'est comme Dieu dans une Italie qui ressemble à un couvent fasciste, avec cependant une différence : nous saurons à la fin de la guerre ce qu'il valait vraiment, ce qui est un avantage par rapport à Dieu.
[...] vous savez qu'aujourd'hui on ne démissionne plus. Ce serait un crime de lèse-majesté, si ce n'est de lèse-fascisme. Avec Mussolini, les démissions ne sont acceptées que lorsque personne ne les a données !
... J’ai vu des hommes comme ça à la guerre. Au moment de la bataille, ils étaient sûrs d’y rester. Certains mouraient d’émotion, de peur de la mort. C’est étrange mais c’est ainsi.
Qu'est-ce que je fous ici ? se demande Lorenzo en arpentant le terrain d'aviation de Trévise, où la délégation italienne attend l’avion d'Hitler. (...)
Un avion enfin, il tourne autour du terrain sans se poser. Les Italiens s'agacent. À quoi correspondent ces virages inutiles dans le ciel, alors que la conférence va durer trois jours. Il est temps de commencer.
- Qu'attend votre chancelier pour atterrir ? demande Bastianini, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, à Mackensen, l'ambassadeur allemand.
- Son arrivée est prévue à neuf heures précises, il est neuf heures moins trois minutes, répond l'ambassadeur.
Enfin, l'avion se pose. Serrements de mains de part et d'autre, échanges de saluts. Le cérémonial de l'Axe est respecté.
Le Duce revient enfin, il cherche Lorenzo du regard dans le hall et lui fait signe de le suivre. Dans le bureau qu'il s'est fait aménager à l'étage en attendant mieux, le Duce referme la porte. Il se tourne vers Lorenzo.
- Mon camarade des tranchées, lui dit-il, tu es un ras, un député, ce n'est pas grand-chose. Tu es surtout celui en lequel j'ai le plus confiance. N'attends de moi ni titre, ni poste, ni argent.
Il met sa main sur l'épaule de Lorenzo.
- Tu seras mon regard, ma voix et mon bras, achève-t-il.
- Oui, dit Lorenzo, je serai ton regard, ta voix et ton bras.
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Quand Bianca paraît dans le bureau du Strozzi où attendent les hommes, elle pose la fiole vide sur la table et ils baissent la tête.
Nino passe de l'autre côté du bureau, il reste debout et ouvre un tiroir. Il en sort des enveloppes gonflées qu'il dispose sur la table. Puis il contourne le bureau et fixe les capicommandamenti devant lui. Les hommes s'avancent un par un. D'abord les plus anciens.
Quatre enveloppes restent sur la table, elles seront distribuées aux familles des quatre morts de l'autre nuit. Ce sera le rôle de Bianca. Ainsi en a décidé le Strozzi.
Quand un capocommandamentu reçoit son enveloppe, il embrasse la main de Nino et lui dit :
- Je serai ton regard, ta voix et ton bras.
– Décidément, mon fils, tu es incapable d’épouser une vierge. Moi, le jour de mon mariage, je n’avais pas connu d’homme. Le Seigneur m’avait préservée de cette abomination.
– Hélas, a marmonné Lorenzo entre ses dents.
Au retour, Cavalcanti profite de ce qu'ils sont seuls sur le chemin qui les ramène à la villa.
- Pardonnez-moi de vous reparler de cette nuit, commence-t-il. J’ai l'impression que vous ne m'aimez plus, ou peut-être que vous ne m'avez jamais aimé, alors que maintenant nous sommes mariés.
- Notre mariage est l'associadon de gens qui s'entendent bien sur divers sujets et qui dorment dans le même lit, répond Carmela. Pour l'amour, allez voir à Rome ou à Milan, ou n'importe où ailleurs.
L'Italie unie, la liberté, c’était surtout les impôts, la conscription, les préfets du Nord et leurs affiches énonçant de nouvelles contraintes, libellées dans un italien que personne ne comprenait, pour ceux qui savaient lire.
La population aime l'ancilu. C'est son héros, alors se forme le fameux mur des Siciliens, mélange de silence et de haine envers l'occupant, le tout accompagné d'amabilités hypocrites.
C’est un homme de postures, ce qui est courant, paraît-il, chez les intellectuels.
Elle glisse ses bras autour de son cou et ce parfum d'enfant provoque en lui une émotion.
C'est une senteur fraîche, tendre, qui rachète les odeurs de la guerre, poudre, mort et merde.
Quand ils venaient en permission, ce n'était pas le moment de leur refuser quelque chose. Alors, on se ramassait des gosses. En veux-tu, en voilà. Après, on apprenait que le père était mort en héros ou il revenait infirme, et il fallait se coltiner les gosses quand-même! Les gosses de guerre comme on les appelait.
Effet de l'université, à quoi servent les étudiants s'ils ne remettent pas en cause le système en place?
Il convoque ce vieil amant encore jeune, ses meilleurs souvenirs de maîtresses rétives qu’il a fini par combler. Il se sert de son intimité avec la géographie du corps féminin. Il titille, il mordille, suçote et branlote tous les lieux de Carmela susceptibles de s'échauffer. Rien n'y fait. Ce n'est pas qu'elle se refuse, c'est qu'elle ne montre aucune émotion, qu'elle ne consent aucun halètement, même pas un soupir, encore moins un gémissement ou ce râle, même faible, qui annonce le plaisir.
La guerre se raconte entre les hommes qui en reviennent, parce que dans ces moments-là, rien ne peut-être inventé ni enjolivé. Le reste, les histoires qu'on lit dans le journal, c'est pour le public. Ce ne sont pas les mêmes.
Il faut des alcools forts pour les moments forts ...
L'amour au parti, c'est la camaraderie associée à un besoin sexuel.
Le reste, c'est pour les bourgeois.
Et pourtant cet homme fait partie de ceux qui ont juré fidélité à Nino le jour de la mort du Strozzi, et ce jour-là, il était sincère. Mais avec le temps, l'instinct a repris le dessus. Un vrai traître a besoin de trahir pour se sentir en accord avec lui-même. La fidélité est une amertume secrète qui pourrit la vie. La loyauté, c'est du fiel saupoudré de sucre, le jour de sa violation, ce qu'il ressent est un bonheur qui le paie de tout le reste. La trahison c'est intime.
Sur le front de Stalingrad, la température a chuté d'un coup. Il fait moins 15 degrés le jour, moins 25 la nuit. Il faut allumer des foyers sous les tanks pour empêcher le carburant de geler.
Paulus attend pour son offensive de nouveaux renforts qui n'arrivent pas. Les containers de munitions largués par la Luftwaffe, qui ne peut atterrir sur les pistes verglacées, sont tombés côté russe. Paulus enrage.Il est au téléphone avec l'OKH. L'offensive doit être retardée. La réponse d'Hitler tarde à venir. Goering promet de renvoyer des avions dès que le temps le permettra.