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Citations de Jean-Pierre Cabanes (128)


Grandi rappelle cette maxime des anciens Romains : "Le plus grand malheur pour un peuple est d'être gouverné dans les moments dramatiques par un vieux prince."
_ Je l'ai déjà entendu, celle-là, remarque Lorenzo, en remplaçant un vieux prince par un enfant.
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_ Quand j'ai rouvert les yeux, j'ai aussitôt senti la douleur tout le long de ma jambe, mais surtout, je me suis aperçu que je n'étais pas seul dans ce trou. Un autre soldat, blessé lui-aussi, me regardait sans bouger...
A un moment donné, un obus est tombé juste à côté. Il a explosé et cela a produit un souffle violent, tandis que de la terre soulevée est retombée sur nous, et il y a eu un éboulement... Dans un mouvement instinctif, cet homme et moi nous nous sommes rapprochés l'un de l'autre et pris dans les bras. Pour que chacun protège l'autre... Pendant plusieurs minutes, j'ai posé mes mains sur sa tête et lui sur la mienne. Puis là-haut, enfin à l'extérieur, ça s'est calmé. Le combat se déplaçait plus loin. Alors, nous nous sommes écartés et j'ai découvert qu'il était autrichien.
_ Que s'est-il passé ? demande Julia.
_ Rien, nous étions là, face à face. Lui à genoux, moi sur le flanc à cause de ma jambe. Lui était blessé au bras et à l'épaule... Il m'a offert une cigarette et moi un morceau de biscuit...
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Je ne revis pas Agrippina le lendemain ni le surlendemain. Je me désespérais lorsque sa mère me tendit une embuscade sur le chemin de l'embarcadère. Alliant la ruse et la férocité, elle me tomba dessus avec la soudaineté violente des troupes d'Hannibal sur les légions de Flaminius au bord du lac Trasimène. Avant que j'aie le temps de me reprendre, elle m'asséna une paire de gifles, un aller-retour de la même main qui témoignait d'une longue expérience dans l'art de la beigne. J'esquissai vainement un geste de révolte mais déjà, ayant reculé d'un pas, elle tendait vers moi son poing noueux où je distinguais sur les phalanges les traces indélébiles d'années de vaisselles et de lessives au lavoir municipal. Autrefois jolie, il restait des traces de sa vénusté éteinte dans l'harmonie persistante des lignes de son visage dégradé et de sa taille toujours étroite nonobstant ses couches à répétition. De même avait-elle conservé une belle voix quand elle voulait chanter. Mais c'était tout, puisque passé quarante ans, son corps s'était courbé sous la dure loi des pauvresses du Mezzogiorno, condamnées, faute de coûteux palliatifs, à l'enlaidissement.
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J'allais donc dans cette ville, rongée par l'écoulement du temps et les désordres accumulées, l'incurie des propriétaires et la pauvreté des habitants. Cette ville autrefois noble et qui l'était peut-être encore, avec la lèpre sur ses palais, les façades branlantes ou effondrées, les belles fenêtres aux planches clouées, les portes cochères ouvrant sur des trous. Cette ville déjà noire à cette heure dans certaines rues vouées au silence, à peine coupée d'appels et de cris qui en surgissent soudain.
Mais cette ville corrompue jusqu'au pourrissement de ses murs, cette ville dont j'avais été chassé et où je revenais en fraude, sous un prétexte culturel qui ne pesait pas lourd, je persistais à la trouver belle. Cette ville prostituée, je l'aimais toujours. Je l'aimais comme ces femmes dont on s'est séparé à grands fracas, en fin d'une liaison furieuse pleine de clameurs et d'embrasements, ces femmes dont on se dit qu'elles ne valent rien, que la rupture a valeur de béatitude, ces femmes dont on s'ennuie après qu'elles sont parties.
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Le pont explose aussitôt, et les débris retombent sur la foule qui se remet à crier plus fort. Les ennemis avancent. Ce sont des Autrichiens. Mori jette son revolver vide sur le sol.
Vous êtes mon prisonnier, dit l'officier autrichien en mauvais italien.
Il ôte son casque et Mori fait de même. Les deux hommes se regardent.
Lorenzo, dit l'autrichien.
Hans, dit Mori.
L'autrichien montre une barque attachée à la rive.
Va, dit-il.
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- La liberté, les Italiens s'en fichent du moment qu'ils ont un chef et qu'il leur donne de la fierté.
- Et les pauvres ?
- Les pauvres, ils veulent bouffer. C'est tout ce qu'ils attendent de toi. Aux riches, l'orgueil d'être italiens, aux pauvres, de quoi remplir l'assiette. La liberté, c'est pour les philosophes, pour Benedetto Croce. La liberté, ce n'est qu'une idée !
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Une fidélité à un ami qui ne coûte rien n'est qu'une proclamation sonore et vide.
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Les Siciliens ont cette particularité de se considérer à l'écart du reste du monde. Le fascisme, les Allemands, les Alliés, tout cela correspond à un ailleurs auquel ils feignent de s'intéresser, par courtoisie envers les étrangers. Mais, fondamentalement, cela les laisse indifférents, sauf les Allemands qu'ils détestent par instinct.
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Comme je vous l'ai expliqué, j'ai été élevé dans un monde fasciste et pour moi la parole du Duce était sacrée. Aujourd'hui, je suis obligé de constater que cette vérité n’était peut-être pas la bonne.
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Margherita éclate de rire :
- La liberté, les Italiens s'en fichent du moment qu'ils ont un chef et qu'il leur donne la fierté.
- Et les pauvres ?
- Les pauvres, ils veulent bouffer. C'est tout ce qu'ils attendent de toi. Aux riches, l’orgueil d'être italiens, aux pauvres, de quoi remplir l'assiette. La liberté, c'est pour les philosophes, pour Benedetto Croce*. La liberté, ce n'est qu'une idée !
* Grand intellectuel italien qui avait rallié le fascisme, avant de le quitter publiquement et de devenir l'un de ses plus farouches opposants. Mussolini avait dit dans un discours qu'il n'avait jamais lu une page de lui.
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Dans une Italie où la religion catholique est le fondement de la société, être considéré comme l'écrivain du diable est un statut qu'il (Cavalcanti) est prêt à revendiquer.
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_ Et Dieu dans tout cela ?
_ Dieu m'a pris mon mari. Les soeurs, il a pris leur vie. S'il n'existe pas, elles auront fait un mauvais pari. Mais ce sont de braves femmes, des personnes honnêtes et généreuses. C'est pour cela que je leur écris et que je leur demande pardon de les avoir quittées.
_ Et le Duce ?
_ Le Duce, c'est comme Dieu dans une Italie qui ressemble à un couvent fasciste, avec cependant une différence : nous saurons à la fin de la guerre ce qu'il valait vraiment, ce qui est un avantage par rapport à Dieu.
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Après le dîner, ils vont marcher au bord de la mer, ils ont ôté leurs chaussures et foulent le sable mouillé. Parfois, elle court et lui la rattrape; ils s'éclaboussent. Ils se sont déshabillés, ils entrent dans l'eau, ils avancent lentement dans cette eau encore chaude du jour.
_ Je ne sais pas nager, dit Carmela.
_ Je t'apprendrai.
Une première fois, ils s'aiment dans l'eau, avec les petites vagues qui viennent sur eux en les caressant. Tous ces jeux de l'amour, ils ne les ont pas connus dans le passé. C'était trop risqué. Tout était tragique. Puis ils passent la nuit dans le lit de l'auberge. De cette nuit, il ne faut rien raconter.
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_ Je me suis renseigné. Salvatore n'est pas inscrit à l'école. J'en déduis que l'école, c'est toi. Donc, il doit venir plusieurs jours par semaine.
_ Il vient le mardi et reste jusqu'au vendredi, reconnaît Luciana. Je lui enseigne tout ce que je peux. C'est un très bon élève, meilleur que toi, peut-être, ajoute-t-elle perfidement.
_ M'autorises-tu à lui rendre visite, entre le mardi et le vendredi, à l'heure où les leçons sont finies ?
_ Et que veux-tu lui enseigner à ton tour ?
_ La vie ! Tout ce que tu ne lui enseignes pas.
_ Les armes, les affaires du Strozzi ?
_ Je veux lui donner des leçons de père.
_ Comment cela ? Lesquelles ?
_ Je commencerai par les cartes. Un Sicilien doit savoir jouer à la ramazza, au moins.
_ Alors, ça va, dit Luciana.
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Le déjeuner du dimanche ressemble à une offensive du général Cadorna. La signora Mori mère n'a pas lésiné sur les moyens. Les couverts flamboient comme des baïonnettes, les assiettes qui remontent au Risorgimento sont alignées comme des batteries de canons. Sous le lustre, les carafes de vin jettent des flammes, et les plats fumants, en rang dans l'office comme dans la tranchée, répandent un parfum de cuisine aussi entêtant que l'odeur de la poudre brûlée.
Les invités, un couple et ses deux enfants, se livrent à des exclamations admiratives (..)... Quant à la fille, elle se prépare à être belle, alors que, pour l'instant, elle n'est que jolie. En grande stratège, la signora Mori l'a placée en face de Lorenzo, de manière à favoriser leur rapprochement...
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Au fur et à mesure, ses souvenirs remontent, parfois déformés, souvent magnifiés.
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- Le comte Ciano, carissima, est le gendre de notre Duce, en même temps que l'époux d'Edda, sa fille préférée. Il vient de rentrer d'Ethiopie, où il a fait oeuvre d'actes héroïques dans la tradition fasciste, rapportés dans les journaux et les actualités Luce. Accessoirement il est ministre de la Propagande, mais les esprits informés le donnent comme notre futur ministre des Affaires étrangères.
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La première guerre fasciste est une guerre à l'hypérite. Canons, mitrailleuses et fusils ne sont plus que des armes d'appoint.
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Chez nous, achève la Beppina, on se venge, mais on ne dénonce jamais.
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Et la violence ? Les squadristi (membres des équipes fascistes qui se battaient contre leurs adversaires de gauche au cours de véritables expéditions) la propagent sans se gêner. Ils cassent, ils frappent, incendient.
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