Nous avons reçu l'auteur Jean Vigne qui nous a parlé de son actualité avec ses romans Holomorphose aux éditions du Chat Noir et Givre aux éditions du Petit Caveau mais aussi de ses (nombreux) projets à venir !
La vengeance est une garce qui n'aime guère patienter.
Une forme diffuse s’épand par l’ouverture, drap noirâtre d’où rien n’émerge sinon le chaos. Elle file par vagues successives, brise le néant pour fondre sur moi. Elle m’enveloppe de sa froideur. J’aimerais crier, protester, rien ne vient sinon le silence absolu. Perte d’énergie, perte de repère, le vide, infâme trou noir d’où je puise mon seul réconfort.
- La haine ne peut être canalisée. Elle va s'exprimer par la violence et l'exaction. Une fois la fureur retombée, à nouveau ils seront en mesure d'entendre.
(Astinjal à Jeïs)
Je sais qui est Dieu, enfin, je crois. Maman est croyante, papa, pas du tout. Elle m’a expliqué un jour : Dieu est un homme qui vit dans les nuages, enfin, quelque part au-dessus de nous. On ne sait pas très bien où se trouve sa maison en fait. J’ai demandé si c’était un sans-abri, elle a froncé les sourcils en répondant : arrête de dire des bêtises. Maman aime beaucoup Dieu, il ne faut pas l’insulter, surtout pas. (…) Toujours est-il qu’un jour, Dieu envoya sur Terre son fils, histoire, comme dit Maman de recadrer les hommes. Son fils s’appelait Jésus Crie ou Crise, quelque chose comme ça. Jésus parlait beaucoup tout le temps, à un tas de gens, et comme il parlait beaucoup trop, il a fini cloué sur un bout de bois. Ça, c’est papa qui l’a rajouté. Moi, je me serais contentée de le bâillonner, mais bon, les adultes sont parfois compliqués. (P. 50)
Où que tu sois, je te vois,
Où que tu ailles, je te chercherai,
Où que tu t'échappes, je te trouverai,
Le temps qu'il faudra, cela me prendra,
Mais jamais, tu ne m'échapperas,
Car ton destin est lié au mien.
Trahison, n'est-ce pas l'essence même des humains ?
Trahir son prochain, le faire souffrir, sans le vouloir parfois, le souhaitant ardemment le plus souvent.
Soudain, elle s'immobilise. Lentement, elle attrape l'étrange médaillon en forme d'oeil et se retourne vers Fernist agonisant. La faible lumière de la pleine lune suffit à éclairer le visage de la tueuse, un bref instant, mais suffisant pour qu'avant de mourir, Fernist soit pris d'un dernier, mais terrible effroi...
- C'est un vërvyeth, ajoute-t-elle. (Astinjal)
- Un quoi ? (Jeïs)
- Un monstre digne de vos pires cauchemars. J'ai connu bien des combattants hantés par le souvenir d'une telle rencontre. Non, en fait, j'en ai connu peu, la plupart sont morts.
Une aspiration plus tard – mon Dieu, les pires choses en ce bas monde restent les meilleures – j’expulse ma fumée en un rond parfait. Sa bouche ravissante s’ouvre, sans doute pour lâcher une quelconque réprimande, aussitôt coupée par ma tonalité neutre :
- Vous voulez savoir ce que vous pouvez faire pour moi, docteur ? En fait, c’est assez simple. Vous allez devoir me tuer…
Là, pour le coup, elle ne rigole plus du tout.
Je vois que les humains n’ont guère changé. Vous vous glorifiez de tout connaître, d’être les interprètes de l’évolution moderne de ce monde, et vous ne supportez pas d’observer la vérité nue, la plus dépouillée, la plus naturelle.