Citations de Jenni Fagan (122)
Quand les adultes entendent grincer une petite porte sombre dans leur cœur, ils montent le son de la télé.
Elle se rappelle avoir lu un livre à propos d'une femme qui avait de l'amour à donner au monde entier, assez pour tout le monde, des tas et des tas d'amour enveloppé dans du papier kraft avec de la ficelle autour, assez pour les esprits malveillants, les gens tristes et cruels. Tout cet amour.
Elles avaient dit qu'elle devait trouver Jésus. Elle avait demandé si c'était comme trouver Charlie. Seule une des bonnes sœurs avait compris ce qu'elle voulait dire.
-Vous regardez le soleil en face? s'étonne Stella.
-Je regarde juste en dessous.
-Vous allez devenir aveugle.
-Non. J'ai appris à le faire avec les buveurs de lumières, ils viennent des îles qui se trouvent plus au nord. On peut absorber la lumière jusque dans ses chromosomes puis, au plus sombre de l'hiver, quand il n'y en a plus du tout, on se met à rayonner, rayonner, rayonner. C'est ce que je fais, dit-elle.
-Vous rayonnez?
-Comme un putain d'ange.
Les mensonges viennent si facilement, comme si sa langue était faite pour ça.
Tous ces petits mensonges, dont on ne parle pas, dans les familles ; toutes les choses qui deviennent ensuite impossibles à dire.
Ces morts égoïstes qui se tirent comme ça en nous laissant avec des demi-vérités, des questions, des relations aléatoires, des faillites et des dettes, des cœurs fragiles, des gènes douteux, des habitudes idiotes et des codes ADN prédisposant à certaines maladies, sans jamais mentionner toutes les choses qui vont arriver - à la manière d’une bagarre à un mariage, ça finit toujours par refaire surface.
Il devrait aller fermer la caravane de sa voisine. Simplement aller là-bas et pousser doucement la porte pour qu’elle ne gèle pas pendant ses crises de somnambulisme. C’est exactement ce qu’il s’apprête à faire quand elle ressort sur sa terrasse, un chiffon à la main - Elle lève un bras pâle vers le ciel et se met à cirer la lune.
Elle se concentre, tentant d’absorber l’énergie des soleils au plus profond de ses cellules et ainsi, lorsqu’ils s’enfonceront dans l’hiver le plus sombre depuis deux cents ans, aux minutes les plus calmes, quand le monde entier connaîtra une absence totale de lumière - elle se mettra à briller, briller, briller.
Ces morts égoïstes qui se tirent comme ça en nous laissant avec des semi-vérités, des questions, des relations aléatoires, des faillites et des dettes, des coeurs fragiles, des gènes douteux, des habitudes idiotes et des codes ADN prédisposant à certaines maladies, sans jamais mentionner toutes les choses qui vont arriver - à la manière d'une bagarre à un mariage, ça finit toujours par refaire surface. P. 239
Dylan pose délicatement le crapaud sur l’accotement sous la voiture et poursuit son chemin, pressant désormais le pas car il a les oreilles engourdies et se sent encore plus grand à côté des caravanes, comme s'il était un géant venu tard dans la nuit pour espionner à travers leurs fenêtres les gens endormis et changer leurs rêves - leur en souffler de nouveaux à l'oreille à l'aide d'un tube de verre.
...et si l'hiver était une maîtresse ce serait une garce froide et brutale.
S'il voulait bien l'embrasser à nouveau, ça lui suffirait pour être heureuse jusqu'à la fin de ses jours. Sauf que ce n'est pas vrai. Les baisers doivent être comme les cigarettes. Si ça vous plaît, vous en voulez toujours plus.
P. 72
Quand les adultes entendent grincer une petite porte sombre dans leur coeur, ils montent le son de la télé. Ils s'enfilent un verre de vin. Ils disent au chat que c'était juste une porte qui grinçait. Le chat sait. Il saute du canapé et sort de la pièce. Quand cette petite porte sombre dans un coeur se met à faire clic-clac clic-clac clic-clac si fort et si violemment qu'on voit littéralement battre leur poitrine - eh bien là ils disent qu'ils ont du cholestérol et ils essaient d'arrêter le beurre, ils se mettent à aller marcher.
Le soleil descend en spirale à travers la cime des arbres, révélant des sédiments de poussière argentée et ambrée. Un étang gelé. Des boucles de glace forment une fleur de givre sur une branche tombée. Chaque pétale glacé est parfaitement recourbé et transparent. L'hiver les a sculpté pendant la nuit. Les a placé là.
Le désespoir face à l'imminence de la mort pousse à l'évidence les gens à agir avec gentillesse.
-L'amour est ce qui donne un sens aux choses les plus étranges.
Ils sortent et elle se blotit contre lui tandis qu'il lui allume une cigarette, elle le regarde avec ses cheveux blanc et ses yeux gris bordés d'orange qui désormais lui rappellerait la parphélie. Elle lui tend la main et ils restent là sans qu'aucun d'eux n'éprouvent la moindre envie de parler.
Elle inspire, sent le soleil sur son visage même s'il n'a jamais fait aussi froid à Clachan Fells. Pendant une infime fraction de seconde le parhélie envoie de la lumière jusqu'au tréfonds d'elle -- où même les choses les plus folles refusent d'aller.
Tout au fond, dans les cellules les plus sombres. De minuscules points de lumière !
Comme des petites lanternes à l'intérieur de ses veines.
Ou des vers luisants recroquevillés pour dormir. Dans la partie d'elle la plus secrète -- un endroit où elle ira siroter du thé un jour -- et pour s'y rendre elle devra traverser les parties les plus sombres d'elle-même -- entre les aortes qui palpitent en charriant leur rivière de sang -- jusqu'à son cœur où se trouve une petite porte minuscule s'ouvrant sur l'éternité. p 146-147
L'absence a quelque chose d'impenetrable.
Il sait à présent quelque chose qu'il ignorait avant: le silence a quelque chose d'absolu.