Jessica Knoll

Cette façon qu'il avait de voir clair en moi : c'était comme la petite fissure qui fait craquer un pare-brise tout entier .

Une cavalerie de filles de Long Island en spartiates dont les lanières s'enroulaient le long de leurs mollets hâlés comme des plantes grimpantes sur un tronc d'arbre . Elles ont regardé Luke . Elles m'ont regardée . Elles n'ont pas tiqué . J'avais travaillé vite et dur pour devenir la rivale parfaite , la Carolyn de mon JFK junior .

" Je suis plus très sûre de vouloir faire ça". Ça y est : c'était dit . Haut et fort . Comme ce petit caillou qui se détache de la montagne , qui dévale la pente , et qu'on croit trop insignifiant pour engendrer l'avalanche destructrice qui suit .

" J'ai toujours su que tu deviendrais une femme comme ça ."[...]
J'aurais pu exulter mais je suis restée de marbre .
" Une fille facile?
- Pas du tout . "Il a fait un geste dans ma direction ." Ce genre de filles que les gens admirent dans la rue et se demandent qui elles sont , ce qu'elles font dans la vie".
Mon verre est apparu et j'en ai avalé une bonne gorgée . J'en avais besoin , de peur de ne pas mener à bien ma prochaine réplique .
" Ce que je fais dans la vie ... J'écris pas mal de conseils pour de bonnes fellations ."

Les jolies filles se doivent d'avoir un sens de l'autodérision .[..]; c'est une façon de rassurer les autres femmes ...

[...] les somnifères ne sont que des pilules de vulnérabilité .

J'ai toujours trouvé que voir quelqu'un de dos, observer sa démarche à mesure qu'il s'éloigne, met au jour une intimité déconcertante . C'est peut-être parce que, de dos, on est moins sur ses gardes que de face : les épaules courbées et les dorsaux relâchés sont l'image la plus honnête que l'on puisse obtenir de quelqu'un .

En pensant aux efforts que j'allais devoir faire pour atteindre ce poids - et il allait vite falloir s'y mettre - , j'ai eu une de ces faims . Je me sentais comme un ours détraqué qui fait des réserves avant de devenir anorexique .

Nell a penché la tête . Ses cheveux blonds ont glissé de ses épaules , luisants, comme une stalactite accrochée au bord d'un toit .

Parois, j'ai l'impression d'être une poupée mécanique, avec une clé dorée dans le dos. C'est comme si, pour arriver à sortir un bonjour, un sourire ou une réaction socialement acceptable, j'avais besoin de donner un tour de clé.

En cas de stress, certains n'ont plus faim et perdent du poids. J'avais cru que ce serait mon cas, après tout ça. Ne sachant pas ce que j'allais devenir, je ressentais une angoisse au goût acide. Mais elle s'est envolée quand j'ai découvert ce que j'étais finalement devenue : la nouvelle élève, certes mignonne, qui avait déjà perdu sa popularité sept semaines après le début des cours. La nourriture ne ma jamais fait autant de bien quà ce moment-là.

"Votre mère travaillait?
-Non. Mais elle aurait du, Whitney. Elle aurait dû oublier son fantasne de la petite mère au foyer entretenue par son mari, pour mieux contribuer à la prospérité du ménage. Je ne peux pas à dire qu'elle aurait été plus heureuse, mais en l'état, on navait pas les moyens de penser au bonheur. On n'avait pas un rond.
Maman empilait les cartes de crédit pour financer ses excursions chez Bloomingdale's, pendant que les murs en Placoplatre de notre pathétique demeure étaient attaqués par les moisissures, et qu'on n'avait pas assez d'argent pour s'en débarrasser. Mais très juste, Whitney, maman a eu la joie d'être avec moi tous les jours.

Mon téléphone de bureau clignotait : j'avais un message. J'ai rolevé mon pantalon avant de m asseoir - comme je suivais le régime Dukan depuis une semaine, mes jupes et mes pantalons commençaient à flotter à la taille : un sentiment tellement apaisant que quand je n'arrivais pas à trouver le sommeil, que i'avais un creux au ventre et que mes souvenirs tournaient en boucle, je prenais deux ou trois pantalons dans mon armoire et je me faisais un petit défilé rien que pour moi, devant le miroir de ma salle de bains, toute contente de voir que je rentrais dans une taille 34 sans défaire les boutons.

Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine, tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve.
(Page 21)

Ma mère m’a toujours dit que je devais gagner mon propre argent, pour ne pas avoir d’ordres à recevoir de la part d’un homme. (Comme si mon père avait pu la forcer à faire quoi que ce soit.) Et c’est exactement ce que je fais en cet instant, ou du moins essaie de faire ; à ce détail près que je me soumets aux ordres d’une femme qui n’hésiterait pas à me frapper plus fort que n’importe quel homme si je ne suivais pas ses consignes. Je ne suis pas indépendante. Je n’ai pas d’options désirables.

La seule façon que j'avais de penser à autre chose qu'à mon angoisse galopante, ou qu'au dégoût que cette chambre et cette maison faisaient resurgir des galeries obscures du passé, c'était de m'intéresser au triangle amoureux Jennifer Aniston - Brad Pitt - Angelina Jolie. Pour moi, le seul moyen de lutter contre des souvenirs lugubres et troubles, ce sont des niaiseries superficielles. Deux choses qui s'excluent mutuellement et avec succès.

- Je dois dire mon nom, l'âge que j'aurais le jour de la diffusion et l'âge que j'avais lors de la fusillade.

J'ai levé les yeux une nouvelle fois: mon fiancé. Ce mot ne me gênait pas autant que celui qui suivait dans l'ordre des choses. Mari.

Je suis cette lame rouillée et infectée qui fait craquer les coutures parfaites de la vie de Luke, ancienne star de baseball, et qui menace de la faire partir en lambeaux. Il aime cette menace, le risque que je représente. Mais il refuse de voir en face ce que je peux lui faire, le saccage dont je suis capable.

Préface:

" A toutes les TifAnis FaNellis du monde .
Je sais ".