Cet été encore, Rose part en vacances à Awago Beach, une petite enclave de quiétude située près d’un lac. C’est un lieu ressource pour sa famille ; un endroit apaisant où ses parents reviennent chaque année, comme un rituel. Tous trois y retrouvent des amis, toujours les mêmes, et ils reprennent les habitudes de l’année passée : barbecue chez les voisins, instants complices entre Rose et Windy – son amie d’enfance, soirées sur la plage à compter les étoiles…
Quant à Rose, cet été-là est particulier. Bientôt, elle quittera l’enfance pour entrer dans la période délicate qu’est l’adolescence. Pour l’heure, son corps change doucement, ses centres d’intérêts ne sont plus tout à fait les mêmes… des changements ténus qu’elle découvre avec une légère appréhension et une curiosité timide.
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Cet été-là parle de l’été où une enfant prend conscience qu’elle est l’objet de nouveaux désirs. Elle regarde les garçons du coin de l’œil, épie leurs mimiques, prête attention à ce qui les intéresse. Elle commence aussi à ressentir une légère envie d’indépendance mais le besoin de protection parentale est encore fort. Toute une ambiguïté qu’elle découvre à peine.
On la découvre donc au moment où elle arrive sur le lieu de ses vacances, dans la voiture familiale. On la sent lointaine, l’esprit ailleurs et peut-être réservée à l’idée de revenir dans un endroit très lié à son enfance. Pourtant, en quelques pages, on observe son arrivée, la lenteur de ses mouvements va peu à peu laisser place à une légèreté physique lorsqu’elle a déposé ses affaires dans sa chambre. Ce langage corporel va ainsi nous accompagner tout au long de la lecture et nous guider dans les nombreux passages muets que compte l’album.
La postface de Craig Thompson sur la quatrième de couverture amène inconsciemment le lecteur à penser à Blankets. Inconsciemment peut-être… mais à juste titre. On retrouve dans Cet été-là la même mélodie qui entoure cet entre-temps coincé entre deux périodes, l’une pleine de naïveté, l’autre plus complexe voire douloureuse.
Une oscillation délicate illustrée avec justesse par Jillian Tamaki illustre avec justesse. Car le lecteur est en premier lieu accueilli par l’ambiance graphique qui l’envahira progressivement. La rondeur des traits cohabite de façon harmonieuse avec la noirceur des fonds de cases, les subtils jeux de hachures biffent habilement chaque détail et viennent leur donner tour à tour de la profondeur, du relief et offre aux visages leur expressivité. Enfin, le trait épais utilisé pour dessiner les contours de cet univers donne l’impression que tous ces personnages sont accessibles ; il y a là une proximité entre le lecteur et le narrateur qui est très agréable.
Le scénario de Mariko Tamaki quant à lui s’efface régulièrement derrière les illustrations. Les propos sont concis. La voix-off du personnage principal nous accompagne tout au long de cet été particulier, nous permettant ainsi de connaître son état d’esprit en permanence. Toutefois, l’auteure reste sur la réserve et garde beaucoup de pudeur quant à l’intimité de la jeune fille.
Il n’y a pas de fausses notes dans la manière de traiter le sujet. Certains thèmes sont effleurés mais à juste titre. Ainsi, le désir ressenti par Rose à l’égard d’un garçon reste suggéré. Ce choix narratif préserve réellement le personnage puisqu’il n’est pas alourdi de préoccupations qui ne serait pas les siennes (mais celle d’une autre génération). En parallèle, l’enfant oscille dans une semi-ambiguïté à l’égard de son environnement – partagée entre l’envie d’une relation complice avec ses parents et l’envie de se détacher de ces derniers pour explorer son propre jardin secret. Il en est de même dans son rapport avec sa meilleure amie : si elles parlent encore de façon amusée du corps, sans réel tabou, Rose commence toutefois à avoir plus de retenue pour parler d’elle, de ses sentiments, ce qui n’est pas le cas de Windy (un peu plus jeune). Le léger décalage ne nous en apparaît que plus important.
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