Le sang des fleurs de
Johanna Sinisalo
les apiculteurs bios ne semblent pas avoir perdu d’abeilles. Ils laissent par exemple plus de miel et de pollen dans les ruches pour l’hiver, au lieu de les remplacer par du sirop de maïs, du sucre ou du soja.
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Rogner sur l’espace, maximiser le profit, mégoter sur la nourriture et sur l’hygiène, entraver autant que possible le comportement naturel de l’animal, remédier à tous les symptômes ainsi provoqués par une médication chimique toujours plus violente, tricher à la moindre occasion, fermer les yeux sur les dommages collatéraux tant que le business rapporte.
Le transport des ruches d’un bout à l’autre des États-Unis engendre un stress qui affaiblit l’état de santé général et le système immunitaire des abeilles. Les contacts entre colonies provenant des quatre coins du pays multiplient les risques d’infection. Les parasites, les champignons (tels que le nosema), les acariens et les bactéries se transmettent ainsi plus facilement d’une ruche à une autre.
La sélection des abeilles et la priorité donnée à certains caractères (moindre agressivité, etc.) ont peut-être trop réduit la diversité du patrimoine génétique et créé un goulot d’étranglement qui ne permet plus les mutations nécessaires à la préservation de l’espèce.
La valeur nutritive, les oligoéléments, les enzymes et les protéines du sirop de maïs utilisé pour nourrir les abeilles en hiver sont loin d’égaler ceux du miel et du pollen qu’elles consommeraient normalement si l’homme ne les leur volait pas.
Pour obliger les abeilles à polliniser le plus activement possible, on les trompe en permanence, systématiquement et sans scrupule.
Aux États-Unis par exemple, l’hiver, on déplace les ruches vers des régions plus chaudes pour que les abeilles, au lieu de se mettre en sommeil, continuent de travailler et de se reproduire. On leur donne aussi parfois un supplément d’aliments, car plus la ruche a de provisions, plus la reine pond et, dès que la population augmente, la colonie se prépare à la nourrir en récoltant plus de nectar – et donc en pollinisant à tout va. Certains apiculteurs ont constaté que les perturbations du cycle annuel et l’exploitation à outrance des abeilles provoquaient chez les reines un véritable burn out.
L’Association californienne des cultivateurs d’amandes a été jusqu’à financer des chercheurs afin qu’ils testent dans les ruches des phéromones de synthèse faisant croire à la colonie qu’il y a dans la ruche plus de larves qu’en réalité. On parvient ainsi sans mal à faire butiner encore plus les abeilles, et donc à polliniser les vergers plus efficacement que jamais.
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