Citations de John Milton (77)
Autre désagrément : si les savants sont les premiers réceptacles et diffuseurs du vice et de l'erreur à partir des livres, comment se fiera-t-on aux censeurs eux-mêmes à moins qu'on ne puisse leur conférer, ou qu'ils endossent eux-mêmes en surpassant toute autre personne du pays, la grâce de l'infaillibilité et de l'incorruptibilité ?
D’un seul coup d’œil, et aussi loin que perce le regard des anges, il voit le lieu triste dévasté et désert : ce donjon horrible, arrondi de toutes parts, comme une grande fournaise flamboyait. De ces flammes point de lumière, mais des ténèbres visibles servent seulement à découvrir des vues de malheur ; régions de chagrin, obscurité plaintive, où la paix, où le repos ne peuvent jamais habiter, l’espérance jamais venir, elle qui vient à tous !
N'étant pas libres, quelle preuve sincère auraient-ils pu donner d'une vraie obéissance, de leur constante foi ou de leur amour ?
Il me semble voir dans mon esprit une nation noble et puissante se réveillant comme un homme fort après le sommeil et secouant ses cheveux invincibles : il me semble que je la vois comme un aigle miaulant sa puissante jeunesse et allumant ses yeux non éblouis au plein rayon de midi .
Là où il y a beaucoup de désir d’apprendre, il y aura nécessairement beaucoup de débats, beaucoup d’écrits, beaucoup d’opinions ; car l’opinion des hommes bons n’est qu’une connaissance en devenir.
Car les livres ne sont pas des choses absolument mortes, mais contiennent en eux une puissance de vie qui les rend aussi actifs que l'était l'âme dont ils sont la progéniture ; bien plus, ils préservent comme dans une fiole la plus pure efficacité et l'extraction de cet intellect vivant qui les a engendrés.
Cette gloire, quand tu cessas d’être bon, se sépara de toi. Tu ressemble à présent à ton péché, et à la demeure obscure et souillée de ta condamnation.
"Craignons-nous ce monde profond d'obscurité ? Combien de fois parmi les nuages noirs et épais, le souverain Seigneur du ciel, s'est-il plu à résider, sans obscurcir sa gloire, à couvrir son trône de la majesté des ténèbres d'où rugissent les profonds tonnerres en réunissant leur rage : le ciel alors ressemble l'enfer ! De même qu'Il imite notre nuit, ne pouvons-nous, quand il nous plaira, imiter sa lumière ?
Souffrir pour la cause de la vérité c’est s’élever par la force à la plus haute victoire.
La force séparée de la vérité et de la justice, indigne de louange, ne mérite que reproche et ignominie : toutefois vaine et arrogante, elle aspire à la gloire, et cherche à devenir fameuse par l’infamie.
(…) – Ye Powers
And Spirits of this nethermost Abyss,
With purpose to explore or to disturb
The secrets of your realm; but, by constraint
Wandering this darksome desert, as my way
Lies through your spacious empire up to light,
Alone and without guide, half lost, I seek,
What readiest path leads where your gloomy bounds
Confine with Heaven; (…)
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« Vous Pouvoirs et Esprits de ce profond abîme, CHAOS et antique Nuit, je ne viens point à dessein, en espion, explorer ou troubler les secrets de votre royaume, mais contraint d’errer dans ce sombre désert, mon chemin vers la lumière m’a conduit à travers votre vaste empire; seul et sans guide, à demi-perdu, je cherche le sentier le plus court qui mène à l’endroit où vos obscures frontières touchent au Ciel »
Traduction de Chateaubriand
Là volèrent à la fois et les choses vaines et ceux qui sur les choses vaines bâtissent leurs confiantes espérances de gloire, de renommée durable, ou de bonheur dans cette vie ou dans l’autre ; tous ceux qui sur la terre ont leur récompense, fruit d’une pénible superstition ou d’un zèle aveugle, ne cherchant rien que les louanges des hommes, trouvent ici une rétribution convenable, vide comme leurs actions. Tous les ouvrages imparfaits des mains de la nature, les ouvrages avortés, monstrueux, bizarrement mélangés, après s’être dissous sur la terre, fuient ici, errent ici vainement jusqu’à la dissolution finale. Ils ne vont pas dans la lune voisine, comme quelques-uns l’ont rêvé : les habitants de ces champs d’argent sont plus vraisemblablement des saints transportés ou des esprits tenant le milieu entre l’ange et l’homme.
N’étant pas libres, quelle preuve sincère auraient-ils pu donner d’une vraie obéissance, de leur constante foi ou de leur amour ? Lorsqu’ils n’auraient fait seulement que ce qu’ils auraient été contraints de faire, et non ce qu’ils auraient voulu, quelle louange en auraient-ils pu recevoir ? quel plaisir aurais-je trouvé dans une obéissance ainsi rendue, alors que la volonté et la raison (raison est aussi choix), inutiles et vaines, toutes deux dépouillées de liberté, toutes deux passives, eussent servi la nécessité, non pas moi ?
En discours plus doux encore (car l’éloquence charme l’âme, la musique, les sens), d’autres, assis à l’écart sur une montagne solitaire, s’entretiennent de pensées plus élevées, raisonnent hautement sur la Providence, la prescience, la volonté et le destin : destin fixé, volonté libre, prescience absolue ; ils ne trouvent point d’issue, perdus qu’ils sont dans ces tortueux labyrinthes. Ils argumentent beaucoup du mal et du bien, de la félicité et de la misère finale, de la passion et de l’apathie, de la gloire et de la honte : vaine sagesse ! fausse philosophie ! laquelle cependant peut, par un agréable prestige, charmer un moment leur douleur ou leur angoisse, exciter leur fallacieuse espérance, ou armer leur cœur endurci d’une patience opiniâtre comme d’un triple acier.
[Remarques, Chateaubriand]
Jamais style ne fut plus figuré que celui de Milton : ce n’est point Ève qui est douée d’une majesté virginale, c’est la majestueuse virginité qui se trouve dans Ève ; Adam n’est point inquiet, c’est l’inquiétude qui agit sur Adam ; Satan ne rencontre pas Ève par hasard, c’est le hasard de Satan qui rencontre Ève ; Adam ne veut pas empêcher Ève de s’absenter, il cherche à dissuader l’absence d’Ève. Les comparaisons, à cause même de ces tours, sont presque intraduisibles : assez rarement empruntées des images de la nature, elles sont prises des usages de la société, des travaux du laboureur et du matelot, des réminiscences de l’histoire et de la mythologie ; ce qui rappelle, pour le dire en passant, que Milton était aveugle, et qu’il tirait de ses souvenirs une partie de son génie.
A mon avis, régner est digne d'ambition, même en Enfer ; mieux vaut régner dans l'Enfer que servir dans le Ciel.
L'enfance annonce l'homme, comme le matin annonce le jour.