Citations de José Ortega y Gasset (139)
Ce qui différencie l'homme de l'animal, c'est que l'homme est un héritier et non un simple descendant.
Celui qui n’a pas senti sous sa main palpiter le péril du temps n’est pas arrivé jusqu’au cœur du destin, et, si l’on peut dire, n’a fait qu’en effleurer la joue morbide.
Être de gauche ou être de droite c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale.
Ni mentir, ni s’indigner mais comprendre disait Spinoza. Nos convictions les mieux enracinées, les plus indubitables, sont les plus suspectes. Elles construisent nos limites, nos confins, notre prison.
Lorsqu’une chose qui était un idéal devient un des éléments de la réalité, elle cesse inexorablement d’être un idéal. L’illusion, le pouvoir magique qui sont les attributs de l’idéal et lui donnent son pouvoir sur l’homme se volatilisent.
L'homme avance toujours au bord de précipices, et, qu'il le veuille ou non, son obligation la plus absolue est de garder l'équilibre.
Un peuple est capable de créer un Etat dans la mesure où il sait imaginer.
L'Europe sera l'ultra-nation.
La guerre est un effort énorme fait par les hommes pour résoudre certains conflits.
Tout le monde perçoit l'urgence d'un nouveau principe de vie, mais tous les nationalismes sont des impasses.
[La Révolution française a] surtout servi à faire vivre la France […] sous des formes politiques plus autoritaires et plus contre-révolutionnaires qu’en presque aucun autre pays.
Il est de moins en moins possible de mener une politique saine sans une large anticipation historique, sans prophétie. Les catastrophes actuelles parviendront peut-être à rouvrir les yeux des politiques sur le fait évident que certains hommes, de par les sujets auxquels ils consacrent presque tout leur temps, ou grâce à leurs âmes aussi sensibles que des sismographes ultra-perfectionnés, sont visités avant les autres par les signes du futur
Nous vivons à une époque de nivellement. Les fortunes s’équilibrent, les cultures des classes sociales différentes s’unifient, les droits des sexes s’égalisent.
Les masses ne doivent ni ne peuvent se gouverner elles-mêmes, et encore moins régenter la société, ce fait implique que l’Europe traverse actuellement la crise la plus grave dont puissent souffrir les peuples, nations et cultures. Cette sorte de crise, […] c’est la révolte des masses.
Le prodige que représente la science naturelle au niveau de la connaissance des choses contraste brutalement avec l'échec de cette science naturelle face à ce qu'il y a de proprement humain.
Etre surpris, s'étonner, c'est déjà commencer à comprendre.
Nous n'avons qu'une histoire et elle n'est pas à nous.
Sous le masque d’un généreux futurisme, l’amateur de progrès ne se préoccupe pas du futur; convaincu de ce qu’il n’offrira ni surprises, ni secrets, nulle péripétie, aucune innovation essentielle; assuré que le monde ira tout droit, sans dévier ni rétrograder, il détourne son inquiétude du futur et s’installe dans un présent définitif. On ne s’étonnera pas de ce que le monde paraisse aujourd’hui vide de projets, d’anticipations et d’idéals. Personne n’est préoccupé de les préparer. La désertion des minorités dirigeantes se trouve toujours au revers de la révolte des masses.
L'être humain ne peut, sans qu'on sache bien pourquoi, s'approcher d'un autre être humain.
Le second trait qui nous atterre dans le latin vulgaire, c’est justement son homogénéité. Les linguistes qui, après les aviateurs, sont les moins pusillanimes des hommes, ne semblent pas s’être particulièrement émus du fait que l’on ait parlé la même langue dans des pays aussi différents que Carthage et la Gaule, Tingis et la Dalmatie, Hispalis et la Roumanie. Mais moi qui suis peureux et tremble quand je vois le vent violenter quelques roseaux, je ne puis, devant ce fait, réprimer un tressaillement de tout le corps. Il me paraît tout simplement atroce.
[…] Et c’est ainsi que le latin vulgaire conservé dans nos archives témoigne, en une pétrification effrayante, que jadis l’histoire agonisa sous l’empire homogène de la vulgarité parce que la féconde « variété des situations » avait cessé d’être.