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Citations de Joydeep Roy-Bhattacharya (43)


Je tourne la tête et je regarde les montagnes comme je regarderais un amoureux. Les pentes sont d'un bleu clair et paisible, comme sculptées dans le ciel même. Les crêtes les plus élevées prennent des reflets tour à tour argentés et dorés à la lumière du soleil. Pareille beauté n'existe qu'au paradis. Le temps commence à battre en pulsations rapides, fiévreuses. L'air matinal n'est ni chaud ni froid, mais d'une consistance qui est la perfection même, et dont moi aussi je suis faite.
J'incline la tête et je dis le nom de mon père, le nom de ma mère. Je dis le nom de mon petit frère Youssouf. Lorsque je lève la tête, je vois les soldats s'avancer vers moi, le capitaine à leur tête. Le géant noir est avec eux, ainsi que Massoud, l'interprète, ce qui est regrettable. Je récite le chahada dans ma tête :
Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu et Mahomet est Son prophète...
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J’aimerais pouvoir te dire quel genre de guerre je mène, Papa, mais je ne sais pas, je ne sais vraiment pas, et te mentir dans ce journal serait comme me mentir à moi-même – et que nous resterait-il alors ? Nous utilisons des drones sans pilote pour combattre une bande de paysans illettrés armés de fusils à verrou, et cela laisse un certain goût dans la bouche qui est bien loin de la gloire des campagnes d’Alexandre, si tu vois ce que je veux dire. Ou même de Napoléon, d’ailleurs.
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" Nous avons apprécié votre luth hier soir, c'était reposant. Je ne réponds pas. Ils disent : c'est bien que vous puissiez à nouveau jouer de la musique dans ce pays. Sous les talibans, c'était interdit, mais nous avons changé cela. C'est ça la liberté. Je dis : sous les talibans, ma famille était en vie. Aujourd'hui, ils sont tous morts. Qu'est-ce qui est mieux, la liberté ou la vie ? "
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Il dit : C'est impossible de parler comme ça, en criant tout le temps.
Je dis : Je suis d'accord. Pourquoi vous ne vous approchez pas, ou vous ne me laissez pas approcher ?
Leur réponse me déconcerte : Parce que nous craignons pour notre sécurité.
J'ai envie d'éclater de rire. Je suis une femme seule, sans arme, je leur dis, et vous êtes une garnison armée jusqu'aux dents. Comment pouvez-vous craindre pour votre sécurité ?
L'Amrikâyi devient tout rouge quand ma réponse lui est traduite. Il parle d'un ton brusque au Tadjik, qui à son tour me parle d'un ton brusque. Comment pouvons-nous être sûrs que tu n'es pas une veuve noire ? Il dit. Comment pouvons-nous être sûrs que tu ne transportes pas de bombe ?
Comment pourrais-je être veuve alors que je ne suis même pas mariée ? Quant au fait que je puisse transporter une bombe, je suis là pour enterrer...
Oui, oui, on sait, il crie en me coupant la parole. Mais on dit vérifier que tu n'as pas d'explosifs sur toi. Ça s'est déjà vu. Tu as peut-être des intentions cachées.
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Sa voix et son attitude sont expressives. Non, en fait, je ne suppose pas qu’elle est innocente, il dit. Mais je sais au moins ça : s’il s’avère qu’elle est là en mission-suicide, ce ne sera pas parce qu’elle hait notre religion. Je veux dire, on n’a même pas de putain de religion. Ce sera parce qu’on a buté son frère et qu’on est dans leur putain de pays. C’est pourtant pas difficile à comprendre ? Quand vous tuez des gens et exterminez leur famille, que vous mitraillez leur maison et brûlez leur village, que vous pilonnez leurs champs de bombes à fragmentation et abattez leurs troupeaux, vous avez perdu la putain de bataille pour le cœur et l’esprit. Putain, on essaie de mentir à qui ? À nous-mêmes ? On est vraiment étonnés qu’ils ripostent ? On n’est pas en train de gagner la guerre, on est en train de se créer des ennemis à vie. Il est temps d’admettre que nos supérieurs nous tiennent prisonniers de leurs mensonges.
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Je sais mon frère, je sais. Je sais que ce n'est rien. Ce n'est rien d'autre que le silence - un silence cruel, sans fin, qui me murmure à l'oreille. Mais qu'est-ce qui me reste d'autre pour me tenir compagnie - pour me consoler, maintenant que toi aussi tu es parti, seul vestige de ma chair et de mon sang à présent disparu. Mon premier, mon meilleur ami depuis l'enfance. Mon dernier, mon ultime compagnon.
Comme mon cœur saigne.
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Petit à petit, tout à mesure qu'une pâle lumière rose filtre à travers les nuages, les flancs de montagnes redeviennent visibles au loin. À leur pied, un étroit sentier s'élève en biais avant de faire un angle aigu puis de continuer son ascension escarpée en zigzaguant entre les arêtes et les pins, jusqu'à disparaître derrière un rideau de rochers éboulés. Il se prolonge, invisible, à travers une vallée haute qui s'étend au coeur de la chaîne de montagne. C'est dans cette région faite de brusques passages de la lumière à l'obscurité que le lieutenant Hendricks et le sergent Castro ont trouvé la mort, il y a quelques semaines, au cours d'une patrouille de reconnaissance. Depuis, nous nous sommes abstenus de nous aventurer dans les montagnes, même s'il y a eu des rumeurs d'attaques de drones Predator et de missions des forces spéciales en représailles.
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On peut le ranger ailleurs, ce connard ? il dit d’un ton rageur. C’est de la folie pure de devoir respirer cette puanteur, merde !
Et où par exemple, caporal-chef ?
Par exemple près du parc à véhicules, là où il y avait les baraques des ANA avant. Personne n’y va jamais. Bon Dieu, si ça continue, il va me falloir une combinaison de protection chimique pour survivre à cette infection.
Ça va pas s’arranger, je réponds. On le garde jusqu’à ce que les hélicos rappliquent, et ils ne savent pas quand ça sera.
Ah, mec, je peux pas y croire, putain !
Je vais demander à l’adjudant si on peut le déplacer, même si à mon avis ça va être non.
Pourquoi ?
Parce que ce gars, c’est une priorité absolue, voilà pourquoi, et on est censés le surveiller de très près jusqu’à ce que les hélicos viennent le chercher.
Il est mort, fait remarquer Svitek. Il va aller nulle part.
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Je rougis et réponds : ''Oui, mon capitaine.''Juste devant nous, un scorpion émerge de l'interstice entre deux sacs de sable et détale la queue en l'air. Connoly soulève sa ranger et l'abat d'un grand coup. Je déteste ces bestioles, il dit. Il relève sa ranger et le scorpion file dans une craquelure du sol, apparemment indemne.
Bon sang ! s'exclame Connolly. Ils sont costauds, mon capitaine, lance Wonk Gaines. Comme tout dans ce putain de pays, dit Connolly. L'adjudant Whalen arrive. Bonjour, mon capitaine. Lieutenant Ellison.
Je lui serre la main. Bonjour, m'nadjudant. Whalen a les yeux injectés de sang. La mort de Nick Frobenius lui a fait un sacré choc. Il regarde le champ en plissant les yeux. C'est donc ça, notre arme de destruction massive ? il dit. Qu'est-ce que c'est ce truc, nom de Dieu ? Je dis : À première vue, une femme en charrette qui fait sa promenade du matin.
Connolly dit : Vous en pensez quoi, m'nadjudant ? Homme ou femme sous la burqua ?
Whalen hésite. Pas la moindre idée, mon capitaine. Connolly me jette un regard. Et vous, vous en dites quoi, mon lieutenant ?
Je crois que c'est sans importance, mon capitaine. Ce qui est important, c'est que ça ajoute à notre situation un élément de danger et d'incertitude supplémentaire. S'il y a des insurgés sur les flancs de montagnes, ils peuvent très bien l'utiliser comme diversion - ou l'envoyer en reconnaissance. On sait que les talibans se servent des restrictions imposées par nos règles d'engagement pour envoyer des femmes et des enfants faire diversion - ou faire office des boucliers humains.
Connolly dit : Bon, dans un cas, comme dans un autre, on va le savoir bientôt.

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Tu vois, je ne suis plus capable de jouer le jeu d’une conversation convenue, ni de me satisfaire d’un pur débat intellectuel.
Pas après avoir touché du doigt les conséquences d’une barbarie inimaginable.
Je ne suis peut-être pas libre, mais je me bats pour la liberté, la liberté de prendre ses responsabilités pour garantir qu’une société détruite soit réparée. C’est pour ça que je peux utiliser des mots comme « intégrité » et « honneur » sans cynisme. Si nous laissons ce pays retomber dans l’obscurité, nous serons tous complices du génocide qui suivra notre départ aussi certainement que la nuit suit le jour.
Tu comprends ?
Toi qui dois ton ignorance béate à nos sacrifices.
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J'écrivais mes pensées, je vivais sur la pages. C'est chez moi à présent. Et cet appartement à St Louis c'est de la fiction. C'est un film, une autre vie dans laquelle existait un autre homme avec qui j'ai partagé quelque temps un nom et un corps. Cet homme n'est plus. Cela fait longtemps qu'il n'est plus
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J’ai demandé à Massoud et il m’a dit que c’était un instrument à douze cordes, comme un luth. On pince les cordes et ça fait le son qu’on a entendu ce soir… comme des gouttes de pluie sur la surface d’un lac.
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Dehors, il fait nuit, une obscurité brumeuse, maculée de poussière. Le vent zèbre la terre à grands coups de fouet, le désert se cache dans les ombres, il y a de la poussière, de la poussière partout.
Des nuages de poussière, une lune de poussière, une conscience de poussière.
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J’ai demandé à Massoud et il m’a dit que c’était un instrument à douze cordes, comme un luth. On pince les cordes et ça fait le son qu’on a entendu ce soir… comme des gouttes de pluie sur la surface d’un lac.
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Conolly fait une grimace et sombre dans un silence méditatif. Au bout d'un moment, il soupire et il dit : Cet engin a cinquante-cinq ans. Quel pays.
Il me jette un coup d'oeil. Alexandre le Grand est venu jusqu'ici, vous savez.
Je le dévisage, en essayant de suivre le fil de ses pensées.
Il continue à regarder le fusil. Il paraît que Kandahar est un dérivé d'Iskander, qui est le nom qu'on lui donnait par ici; même s'il est plus probable que cela vienne du nom d'une ancienne région indienne.
Indienne, mon capitaine ?
Gandhara.
Je vois.
Il sourit faiblement. C'est le lieutenant Frobenius qui me l'a appris. Vous savez comment il était fou. Fou d'histoire et de géographie et tout ça.
Je ne dis rien.
Il me jette un nouveau coup d'oeil et je vois qu'il a les yeux pleins de larmes.
C'est rien que des foutaises tout ça, il dit d'une voix rauque, en essayant de cacher sa détresse par un rire. Vous saviez que les tirs d'armes légères étaient tellement denses autour de lui que les hommes sont allés le chercher ne voyaient que du sable et de la poussière qui le giclaient ?
Je me retiens de lui dire, que j'y étais, le premier à atteindre Frobenius.
Il s'essuie les yeux à la hâte, du revers de la main.
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Nous ne sommes pas entièrement nous mêmes tant que nous ne nous ne confrontons pas à la longueur de la nuit, à la réalité de sa finitude, à ses nuances protéennes et distinctes, à son inévitable fin.
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Je voudrais dire à tous les Américains – et je commence par toi – qu’il faut que vous restiez ici jusqu’à ce que la paix règne dans nos provinces. Ne nous abandonnez pas trop tôt. Vous avez la responsabilité d’un peuple entier entre vos mains. Vous représentez la démocratie, la liberté et le règne de la loi ; votre tâche est véritablement noble et la seule erreur que vous ayez commise jusqu’ici, c’est de soutenir notre gouvernement actuel, qui est complètement corrompu et ne sert que ses propres intérêts.
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Quels que soient mes sentiments, je n’ai pas le choix : ma colère et mon désespoir doivent céder à la patience, à la détermination.
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On ne peut pas voler son âme à un mort.
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Ce n’est pas la guerre, c’est un massacre d’innocents. La guerre, je sais ce que c’est. Nous sommes un pays de tribus guerrières, de conflits entre familles qui se perpétuent sur des générations. Mais aucun homme ici ne s’abaisserait à tuer délibérément des femmes et des enfants. Il serait expulsé de la société et voué à un mépris éternel.
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