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Citations de Juan Li (19)


Certes, la pièce était exiguë, mais il suffisait d’y allumer le poêle pour qu’une douce chaleur se diffuse. A la fin du printemps, il n’était pas rare que dehors le vent souffle en furie, ciel et terre s’obscurcissaient alors, et dans cette purée de pois, on devinait à peine la silhouette des arbres qui ployaient follement. Graviers et grêlons soulevés par le vent s’abattaient sur les carreaux avec un claquement sec qui n’en finissait pas… Mais chez nous, il faisait si bon et l’atmosphère était si paisible que chacun éprouvait du bonheur : de la marmite où mijotait la viande de mouton séchée s’échappait un fumet qui déposait sur les murs comme une pellicule croustillante qui finirait par s’effriter. Le fumet de mouton couvrait le parfum des petits pains qui rôtissaient sur le poêle. Sans discerner leur odeur, on voyait l’éclat de leur jaune d’or, leur léger rougeoiement qui flattait l’œil. Dans le magnétophone tournait une cassette dont nous avions mille fois entendu les chansons. Les paroles avaient perdu leur sens d’origine, seul demeurait un sentiment de douceur.
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Quand le ciel crépusculaire passe du bleu ardoise au bleu cobalt, la lune dévoile enfin son charme authentique : de blanc argenté elle vire au doré. La nuit tombe, les premières étoiles apparaissent ; l’atmosphère qui, une heure plus tôt, nous inclinait à toutes sortes de rêveries, s’est dissipée. Cette longue nuit est redevenue aussi paisible qu’à l’ordinaire.
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Beaucoup des tissus qu’on nous apporte sont anciens, avec des motifs et une texture d’un autre temps ; ils sont imprégnés de l’odeur de la femme qui nous les présente. Cette femme a des manières désuètes, son port naturel évoque des couleurs douces et fanées ; elle est paisible, posée et néanmoins profonde, si profonde… Nous prenons ses mesures – épaules, poitrine et hanches – et au contact de la chaleur de son corps, de sa poitrine qui se soulève, nous sommes comme plongées dans un sentiment d’immuable éternité.
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La rivière traverse ce bois lumineux comme une plongée dans la nuit. Sous l’épais couvert de arbres, les eaux sont obscurcies par la pénombre, mais les ombres mouvantes laissent passer des éclats de lumière. Quand la rivière traverse le bois, elle semble plus limpide que lorsqu’elle coule en plein soleil. Les rochers qui affleurent au milieu du courant, lavés par les eaux, ne portent ni poussière ni lichen.
Quand la rivière sort de ce bois de saules, je m’arrête au-delà des arbres, à quelques mètres de là ; d’en face, je la regarde qui coule en silence ; elle se rue vers une vaste clairière, passe devant moi, agitée de tourbillons, et sans un mot, elle s’éloigne. Depuis la lisière, je regarde la rivière sortir du bois, et elle me semble surgir d’une longue, longue histoire…
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Le jeune Ersha, dans son nid d’hiver, vit une existence secrète à l’instar des moutons. Les routes qui y mènent sont bloquées par une épaisse couche de neige, et on se retrouve coupé du monde extérieur tout au long de l’hiver. On dispose d’une nourriture frugale : on rêverait de légumes et de fruits. Le vent du nord souffle à longueur de jour. Aussi la nouvelle épouse d’Ersha perd-elle rapidement son air de jeune fille pour devenir une femme émaciée et robuste. Jeune campagnarde née dans une famille de paysans sédentarisés, un jour, elle a choisi la vie nomade, et cette vie lui a paru familière, comme si dans sa rude existence elle ravivait un souvenir lointain charrié par ses veines.
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L'air fraîchit au crépuscule et, peu à peu, le vent du soir se lève. Quand le ciel crépusculaire passe du bleu ardoise au bleu cobalt, la lune dévoile enfin son charme authentique : de blanc argenté elle vire au doré. La nuit tombe, les premières étoiles apparaissent ; l'atmosphère qui, une heure plus tôt, nous inclinait à toutes sortes de rêveries, s'est dissipée. Cette longue nuit est redevenue aussi paisible qu'à l'ordinaire.
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Dehors, l’herbe croît avec plus d’exubérance. Quand on l’observe longuement, on a l’impression qu’elle bouge, non sous l’effet du vent, mais parce qu’elle pousse. Elle bouge comme si elle se débattait, les feuilles veulent échapper aux autres feuilles, les fleurs veulent s’écarter des autres fleurs, les tiges veulent s’éloigner des autres tiges : c’est une volonté de libération, une tension, un élan vers un point inaccessible, et le bleu du ciel aussi s’efforce de s’extraire de ce bleu pour devenir encore plus intense, plus bleu, plus bleu… La forêt aussi, dont la luxuriance s’épanouit, rassemblant ses forces, est sur le point d’explorer à tout moment. Le torrent aussi, dont le cours est si rapide qu’il semble vouloir sortir de son lit ; et les rochers immobiles au milieu des flots, frappés par une vague après l’autre, impavides, et pourtant, j’observe que dans cette impassibilité, au milieu de ce calme même, ils s’enflent, se dilatent dans une expansion sans limite. Tel et le monde que j’ai sous les yeux ! Et seule en ce monde, je me sens impuissante, comme muette, comme morte, je ne peux rien faire, rien… Je reste un moment sous l’ardeur du soleil éblouissant, le visage brûlant, mais c’est tout ce que je peux faire…
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Je fais une grande promenade presque chaque après-midi. Je longe la rivière vers l’est dans l’espace infini de la steppe, et à sept ou huit kilomètres, j’arrive à un confluent. La rivière s’élargit, l’eau est peu profonde et le courant rapide. Au milieu du cours d’eau sont couchés plusieurs rochers d’un blanc de neige. Le courant tourbillonne d’écume dans leurs fissures. Dès que je m’approche, le grondement de l’eau me submerge, je ne m’entends plus soliloquer. Des arbres surgissent là d’une brusque dépression ; les deux rives sont bordées de buissons touffus plus ou moins hauts. L’endroit est totalement différent de l’amont, dépourvu d’arbres, où nous avons planté notre tente. C’est une vaste étendues plate couverte de gras pâturages troués de marais. Le regard découvre la forêt en altitude, de la mi-pente au sommet, moutonnant jusqu’au bout de la vallée.
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Le monde est immense – je l’ai répété maintes fois : le monde est immense ! Sans bornes et sans limites. Je ne marche pas dans le monde, je plonge en lui et j’émerge. Mes pas volent, parfois je tombe, parfois le vent m’assaille. Toutes les choses que je vois s’approchent de moi sans fin, elles passent à travers moi, puis s’éloignent à l’infini. Mais en réalité je n’ai pas bougé.
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Ce jour-là, une grande lune ronde est suspendue à la voûte. A la nuit tombante, l'astre qui flotte sur un horizon paisible a le pouvoir si luisant, si tranchant, qu'il semble que toute chose se blesserait à son contact. Alors l'univers se recroqueville et contemple, de loin, cette lune qui lui tend les bras. Il n'est pas d'autre moment où elle soit aussi proche de la Terre : d'ailleurs, elle ne rappelle plus du tout la lune, mais quelque mystérieux ovni dont la rondeur éveille en nous un peu de tristesse.
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Grand-mère met le feu à l’écorce de bouleau, la dispose avec précaution dans le foyer ; elle ajoute des brindilles par-dessus, les protège du vent avec ses deux mains, et quand les flammes sont devenues plus grandes, elle pose délicatement une grosse bûche. Elle met la marmite d’eau à chauffer, rince le riz et le met à cuire.
C’est ainsi qu’à l’aube s’élève en ce monde la première fumée parmi les monts et les forêts. Je replonge dans le sommeil et je gagne en rêve le point le plus haut atteint par cette fumée.
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Dans les pâtures d'hiver, plus loin encore que le sud du désert de Gobi, au cœur du grand désert de Dzoosotoyn Elisen, là où le terrain connaît des creux, nichent une ribambelle de "nids d'hiver" pour se protéger du vent. Nous ne pourrons jamais nous y rendre. Tout ce que je sais, c'est que les troupeaux de moutons qui en reviennent sont silencieux, patients ; certaines bêtes ont un air pénétré de science, d'autres ont comme l'air absent.
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À droite de la porte d'entrée, il y a la cuisine, et à gauche, un fouillis d'outils agricoles. Il en va ici comme pour de nombreux foyers kazakhs devenus agriculteurs : même rangée de fond en comble, la pièce resterait un épouvantable bric-à-brac.
Quand on mène une vie stable, le désordre règne à la maison. Mais dès qu'on entame une existence mobile, on vit dans l'ordre et la simplicité. C'est pour cette raison que l'intérieur des yourtes est toujours propre et parfaitement rangé. Chaque objet est là où la tradition lui a assigné sa juste place.
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Au moment où, à l'automne, les troupeaux redescendent des estives, il s'en va, avec des vivres sur le dos. Muni d'un bâton de saule, il fait plus de quarante kilomètres à pied, tout seul avec ses trois vaches, sur des sentiers inconnus, le long de la forêt. Il lui faut deux à trois jours pour redescendre avec les bêtes jusque chez lui.
On s'étonnera qu'une telle tâche soit confiée à un enfant. Mais les parents, eux, que font-ils ? Ils sont occupés au déménagement de la yourte, et c'est autrement plus fatigant que de mener des bêtes. Mais n'est-il pas rude de confier une tâche d'adulte à un enfant de huit ans ?
J'ai fini par comprendre toutes ces choses qui suscitaient mon étonnement. C'est un mode de vie très ancien qui a traversé les siècles avec aisance, qui est en accord avec l'environnement, en étroite relation avec lui, si bien qu'il est devenu aussi naturel que la nature elle-même. Les enfants qui grandissent dans ce milieu, j'observe leur résistance, leur innocence, leur douceur, leur calme ; ils sont faciles à contenter, il leur en faut peu pour être heureux ; et ça aussi, c'est en accord avec la nature.
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Parfois je joue avec un quartz enfumé très pur que je brandis face au soleil. Ce que j'y vois n'est pas si extraordinaire que çà, mais c'est vraiment splendide. A travers le quartz, la lumière vibre de faon imprévisible. En face, la forêt et la montagne ondulent gracieusement, le ciel se teinte d'un pourpre surnaturel. Je regarde la steppe à travers le quartz: j'aperçois vaguement un cavalier qui arrive de l'autre extrémité de la vallée, qui semble tout entière léchée par les flammes. L'homme a l'air de guingois sur sa monture, tantôt lointain et tantôt proche au milieu des flammes, ballotté tantôt à droite et tantôt à gauche. (...)
Je glisse le quart dans ma poche et j'attends un long moment, assise dehors sur le tas de bois. Sous l'éblouissant soleil de midi, le silence règne aux alentours ; chaque brin d'herbe, immobile, semble même avoir cessé de croître. Une coccinelle se pose au sommet d'un brin d'herbe, elle y reste longtemps sans bouger. Je tends le doigt pour lui donner une pichenette. Et voilà que le vent souffle au bout de mes doigts et ma main est vide. Je lève la tête, le cavalier s'est rapproché. Penché de côté, son fouet pointé vers le sol, il tire sur les rênes pour ralentir. A cet instant, comme le ciel me semble soudain d'un bleu stupéfiant!
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Ersha, jeune homme solitaire, est un jour entré dans un boutique sous prétexte d'acheter des pantalons. Et là, entre deux transhumances ancestrales où bergers et troupeaux vont là où l'herbe pousse et l'eau abonde, il nous a tant et tant parlé... Est-ce qu'un jour viendra où, comme lui, assoiffées du même besoin, nous entrerons chez autrui pour nous raconter, nous raconter, encore et encore ? Et quand nous aurons tout dit, nous partirons, toujours plus heureuses de l'instant présent...
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Je passe devant une cour après l'autre, devant une maison après l'autre. Moi aussi j'ai envie de pousser chaque porte pour voir s'il y a quelqu'un. Et s'il y avait quelqu'un, je resterais aussi un long moment sur le seuil à regarder, quoi que fasse la personne. Quelle solitude....
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Le monde est à portée de ma main. Dès que je me couche, le sommeil vient. J'ai de quoi me nourrir et me vêtir. Je ne vois pas ce qui pourrait me manquer. Si, je n'ai pas d'amour. Mais est-ce bien vrai ? Quand je vois celui qui vient vers moi, quel est cet élan qui jaillit soudain dans mon cœur ? Il a des dents éclatantes, des yeux brillants. A voir son air, on croirait qu'il vient vers moi depuis toujours. Je m'avance pour l'accueillir, je marche, je marche, puis je me mets à courir - comment peut-on dire que je n'ai pas d'amour ? Quand je vais marchant dans les riches pâturages et que je me mets à courir, et que soudain je me retourne, je vois que le monde lui aussi se retourne en un clin d'œil...
Il en est toujours ainsi, juste au moment où je suis sur le point de tout comprendre, quelqu'un vient à ma rencontre.
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A Barlatz, sans amour, tout serait-il aussi beau ? Quand je vais puiser de l'eau à la rivière, je ne peux pas m'empêcher de poser mon seau par terre et de poursuivre toute seule vers l'aval en longeant le cours d'eau ; je coupe à travers les champs de blé et de tournesols, je travers une grande forêt de saules blancs, des bancs de roseaux, pour finir par apercevoir le point de bois à l'entrée du village. Une fois arrivée là, je reste un long moment à regarder et j'attends... (...) Par de telles journées, même pour aller chercher de l'eau à la rivière, je persiste à m'habiller en jupe.
Comme c'est étrange ! Si l'amour n'existait pas, toute forme d'attente à Balartz serait si simple, si éphémère! L'amour ne s'éteint jamais. Il ne se résume pas au souvenir e l'endroit où il est advenu, il est aussi le temps de nos jeunes années et le souvenir d'un bonheur qui ne reviendra plus jamais sous la forme où nous l'avons connu. Ah ! Barlatz ! Tu resteras toujours gravé en moi! C'est simple : je ne peux pas te quitter.
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