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Critiques de Jules Renard (247)
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L'Ecornifleur

L’Écornifleur / Jules Renard (1864-1910)

Écrit en 1890 et publié en 1892, ce roman raconte l’histoire d’un écornifleur, c’est à dire une personne qui parvient à se procurer à bon compte, par ruse et en parasitant, ce qui est nécessaire à son existence. Ainsi Henri, le narrateur, un jeune homme qui se dit poète, parvient à se rendre indispensable à une famille de bourgeois un peu crédules, naïfs et incultes, les Vernet en vacances à Barfleur au bord de la Manche, qui de fait se flattent de côtoyer un écrivain poète. Lequel leur dit des vers après le dîner, les éblouit, les flatte, les choque et les émeut. Il s’incruste habilement dans la vie du couple Vernet, profitant de la table et du logis, avec en ligne de mire le corps de Madame Vernet ! Pourquoi pas un adultère en passant ! L’arrivée de Marguerite, la nièce des Vernet, va modifier les plans de notre pique-assiette qui de poète va s’improviser moniteur de natation pour la jeune et bien en chair Marguerite, se faisant admirer et finalement peut-être aimer.

Dès le départ, Blanche Vernet est convaincue de la vocation poétique d’Henri ; quant à Henri, voici ce qu’il pense de cette vocation : « Faut-il dire que je n’en ai pas ? que je compose des vers aux heures perdues, parce que papa me sert provisoirement une petite rente et que j’entretiens habilement ses illusions ? Il veut faire de moi quelqu’un, et se saigne jusqu’à ce qu’il découvre en son fils un paresseux vulgaire… » Les Vernet son persuadés qu’ Henri est un fin connaisseur de femmes et M. Vernet constatant l’admiration qu’Henri porte à Blanche, sa femme, y voit un hommage au goût du mari qu’il est !

S’apercevant que Blanche n’est pas insensible à la cour qu’il lui fait, Henri est convaincu qu’il n’y a aucun motif pour qu’il lui prête des aspirations plus pures que les siennes, et cette pensée de derrière les reins doit leur être commune : si l’occasion s’offrait, ils coucheraient ensemble. Plus tard il dira avec cynisme, quand la jeune Marguerite entre dans ses objectifs : « Il faut l’avouer, je n’avais jamais cru sérieusement que l’adultère de Mme Vernet se réaliserait. J’y pensais, j’en caressais complaisamment les images ; mais il n’offrait que la séduction d’une beauté littéraire. »

En vérité, Henri est un être dont la tête est pleine de fantômes : il voit le monde à travers la littérature ; il a lu, beaucoup lu mais mal digéré ses lectures. Il voit les ouvriers à travers Zola, la société à travers Daudet, les paysans à travers Balzac et Maupassant, S’il aime, il se rappelle les amours littéraires.

Avec un humour de tous les instants, Jules Renard nous offre une belle palette de son talent pour décrire le cynisme de l’écornifleur et la fatuité des Vernet. Un roman léger qui se laisse lire avec le sourire au coin des lèvres.

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Poil de Carotte

Recueil de 50 courtes histoires de l'enfant Poil de carotte. Livre très connu et populaire.

J'ai passé beaucoup de temps à lire ce petit ouvrage. La lecture m'endormait.

L'échange de lettres entre Poil de carotte et son père m'intéressa mais uniquement ce passage.
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L'Ecornifleur

Égrenant un chapelet de courts chapitres torchés en coquecigrues et autres balivernes, Jules Renard nous entraîne dans une histoire scabreuse, iconoclaste par rapport aux idées reçues.

Avec humour et dérision, mais aussi avec âcreté et cruauté, entre jeux des corps et de l'esprit, l'auteur prend plaisir à mettre en question les supposés acquis inaltérables de notre édifice social comme le mariage ou la fidélité.

Dans un style "blanc", entre simplicité linéaire et naturel confondant, d'une chiquenaude, Jules Renard bat en brèche tous les poncifs établis à coups de crosse poétique ou de phrases curieuses.

On entre dans une église comme dans l'eau froide.

Si la femme porte la culotte, sous sa robe on ne voit rien.

Avec le mariage la caresse devient une chose grave.

Les perles se suivent...

L'addition de toutes ces incongruités nous laisse pantois devant tant d'inanité et d'ennui.

Critique acerbe de nos modes de fonctionnement, Jules Renard nous décille les yeux pour nous faire voir l'autre côté des choses vues.

Si les oeuvres flirtent toujours avec l'étroitesse, elles n'en sont pas moins porteuses d'une longue vue.

À l'heure des grands succès de Cyrano (Edmond Rostand), le triomphe des pièces ramassées en un ou deux actes comme Poil de Carotte (adaptée du roman), le Pain de ménage (à haute teneur biographique) ou Monsieur Vernet (tirée précisément de cet Écornifleur que nous (re)lisons) est tout à fait mérité.

Il reste une saveur douce-amère en bouche avec un sourire en coin qui en dit long.

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Poil de Carotte (le récit) - Poil de Carotte ..

Bon, je voulais lire ce livre depuis un bon moment, mais je ne m'attendais pas à cela. J'ai trouvé très triste cette lecture, le style très étrange et j'ai du mal à comprendre qu'il ait pu autant faire parler.

Bref un classique à côté duquel je suis complètement passée !
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Le Pain de ménage

Titre qui trainait dans ma PAL depuis de longs mois , je me suis décidé à le lire hier avant de me rendre ce soir à la représentation du "pain de ménage" de Jules Renard au théâtre du Nord-Ouest à Paris.

Dialogue entre deux personnages, mariés chacun de leur côté qui profitent d'un séjour à la campagne pour se dire tout le bien qu'ils pensent de leurs conjoints respectifs mais aussi pour marivauder et minauder pendant une soirée.

une pièce qui a le mérite de nous faire redécouvrir un classique et des expressions qu'on n'entend plus beaucoup.

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Poil de Carotte

Nous connaissons tous ce petit garçon roux que tout le monde rejette. Je ne connaissais, par contre, pas le ton ironique et dur de Jules RENARD à son égard : je garderai en mémoire toute l’injustice vécue par ce gamin et tout le ridicule des comportements qui l’entoure.

Cette longue nouvelle ou ce petit roman est, par bien des égards, interpellant et chamboulant jusqu’à la dernière ligne.



Tantôt, sa mère, nommée avec distance madame LEPIC (le choix du patronyme est-il un hasard ?), est méchante et odieuse avec la chair de sa chair.

Tantôt ce sont ses frère et sœur qui se jouent du rejet de ce rejeton mal aimé.

Quant au père, il est un spectateur sans pouvoir dans cette famille qu’il ne dompte pas.



Poil de Carotte est un petit garçon plein d’esprit, lucide, intelligent quand il s’agit de trouver des stratégies pour faire diversion contre les mauvais traitements qu’il subit mais il est aussi terriblement influencé et influençable dans ses actes. Certains chapitres m’ont fait de la peine tant la bêtise est présente et odieuse. La scène des deux poules étranglées m’a troublée, celle du chat sacrifié pour pêcher les écrevisses… et pas dans le bon sens : elles sont terribles et fort dérangeantes (pour moi).



Jules RENARD nous dessine le portrait d’un pauvre enfant, pauvre dans le sens où il n’a pas de chance : son milieu est néfaste et négatif pour lui. Pourtant, le garçon tire partie de cette vie difficile pour acquérir une forme d’intelligence pratique de camouflage et de résistance, de rébellion aussi.



J’ai tenu à lire chaque péripétie (chaque chapitre) pour connaître le final et la morale de tous ces tableaux.

La morale m’échappe finalement.



Ce roman se veut réaliste, drôle (pour ma part, je n’ai pas ri) et ironique. Dans la plume de Jules RENARD, je retrouve un peu cette volonté de dépeindre une vie telle qu’elle est, sans fioriture, juste telle qu’elle se déroule et tant pis si nous sommes heurtés par si peu d’amour et si peu d’humanité. Emile Zola et Victor Hugo ont, à leur manière, essayé d’être au plus proche de la réalité sociale du siècle… Une volonté écrivaine.



La plume de Jules RENARD m’a séduite : il maîtrise bien les mots, les effets et c’est peut-être là, le point le plus positif du roman, de mon point de vue.



Ce récit me questionne beaucoup, bien qu’il soit éloigné de nous depuis presque un siècle et demi, sur l’éducation et les comportements parentaux à l’égard de leurs enfants.

Un classique qui reste d’actualité… donc.
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Journal (1887-1910)

Jules Renard est très célèbre par son "Poil de Carotte". Mais il ne fait pas partie des poids lourds de la littérature française. Pourtant son "Journal" écrit entre 1887 et 1910 et paru après sa mort (après avoir été expurgé) a été classé parmi les « cent livres du XXème siècle ». Il faut dire que l'auteur était caractérisé par sa lucidité hors du commun. de plus, il connaissait bien le Tout Paris littéraire de son époque. Au fil des jours, il a écrit ainsi de très nombreuses notes, parfois courtes, parfois plus développées.

J'ai tenté de me plonger dans ce long, très long Journal. Mais j'ai été incapable d'en faire une lecture intégrale. J'ai lu quelques dizaines de pages par ci par là, pour voir si les sujets abordés à diverses périodes de la vie de Jules Renard pouvaient m'intéresser. En fait, il se réfère très souvent à des personnages dont j'ignorais tout ou presque tout - et cela m'a démotivé. J'ai abandonné assez vite. Mais je comprends que ce livre puisse être une source précieuse pour les historiens de la littérature et plus généralement pour les spécialistes des années autour de 1900.
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Poil de Carotte

Replongée par hasard dans ce petit livre plein de sensibilité et de tendresse. Une des ces madeleines de Proust toujours savoureuses.



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Le vigneron dans sa vigne

Pénétrons dans ce petit village bourguignon et mettons nos pas dans ceux de Jules Renard...Peu à peu , touche après touche, s'esquissent des hommes , des femmes, certains plus vieux que d'autres mais tous très humbles. De Philippe à Honorine, du vigneron à la vieille du village , les jours s'égrainent, le temps passe au rythme des saisons. Jules Renard aime sa terre natale , cela se sent , cela se vit, cela se lit. Tout à la fois tendre, ému, critique, un brin caricatural parfois, il nous offre des instantanés de ceux qu'il côtoie depuis toujours. le regard est pétillant , l'humour sous-jacent et le respect sincère.

Une bien jolie découverte qui nous plonge dans la vie fort modeste de villageois bourguignons à la fin du XIXè.

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Histoires naturelles

Jules Renard a quelque chose d’un entomologiste : il étudie la vie des petites bêtes, à la loupe, avec une méticulosité et un sens du détail infinis. De la même façon que dans ses romans et ses pièces de théâtre (sans parler de son « Journal ») il disséquait l’âme humaine en mettant à jour ses plus intimes contradictions, il se penche sur la vie animale avec des « sourires pincés » (titre d’un autre de ses ouvrages), pleins de malice et de fantaisie.

« Histoires naturelles » (1894) constitue un bestiaire insolite, constitué d’une réunion de portraits poétiques, cocasses ou facétieux, très réalistes, et comme on dit « frappés au coin du bon sens » : cet anthropomorphisme (qui n’est pas sans rappeler La Fontaine) donne à ces portraits une dimension qui dépasse la simple description :

L’ÉCUREUIL



I

Du panache ! du panache ! oui, sans doute ; mais, mon petit ami, ce n’est pas là que ça se met.



II

Leste allumeur de l’automne, il passe et repasse sous les feuilles la petite torche de sa queue.



LE CORBEAU



I

L’accent grave sur le sillon.



II

— Quoi ? Quoi ? Quoi ?

— Rien.



LE VER LUISANT



I

Que se passe-t-il ? Neuf heures du soir et il y a encore de la lumière chez lui.



II

Cette goutte de lune dans l’herbe !



Ces petites vignettes, poétiques, malicieuses, et tellement criantes de vérité, pourraient servir de légendes à ces imagiers de notre enfance (ou celle de nos enfants, ou celle de nos-petits-enfants, au-delà c’est plus aléatoire car les animaux évoqués n’existeront peut-être plus).

Jules Renard : il ne faut pas le réduire à « Poil de carotte » et au « Journal », il est véritablement un très grand écrivain (et son théâtre, drôle et cruel, est à redécouvrir) !







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Journal (1887-1910)

Jules Renard, c’est bien sûr « Poil de carotte » et les « Histoires naturelles », mais pour ceux et celles qui s’intéressent à la littérature de plus près, le « Journal » qu’il composa de 1887 à 1910 a une importance inestimable : De par ses qualités intrinsèques d’écriture d’une part, où on retrouve l’esprit piquant et acéré de ses ouvrages, ainsi que la clarté lumineuse et l’humour caustique et bon enfant à la fois qui le caractérise, mais aussi par le tableau extrêmement vivant qu’il donne de la société (en particulier de la société culturelle) de son époque.

Et son époque, précisément c’est « La Belle époque ». Une époque d’une richesse inouïe en beaux esprits, en personnalités de premier ordre, inscrite dans un progrès technique et social qui renverse des siècles d’avancées de tortues, un monde où l’écrivain fait un double témoignage : sur lui-même et sur le monde qui l’entoure.

Sur lui-même, bien sûr. Parce qu’un journal, qu’il soit intime (sans autre destinataire que soi-même) ou destiné un jour à la publication, est avant tout une œuvre personnelle, qui vient de soi et va à soi. C’est d’abord une confidence intime, avec peut-être (ce n’est pas toujours le cas) le souci de « laisser une trace », sur soi et sur les autres, en tous cas sur la perception qu’on en a eue.

Sur les autres également, le « diariste » (anglicisme : il n’existe pas en français un terme précis pour désigner le rédacteur d’un journal intime) fait aussi office de témoin (rarement objectif puisque étant à la fois juge et partie) d’un monde qui lui apporte tour à tour joies et tristesses, amours et haines, la vie, quoi.

Jules Renard nous apprend beaucoup de choses sur lui-même. Ses œuvres précédentes, où l’autobiographie parfois devenait évidente, nous révélaient par leur style caractéristique les qualités et peut-être les défauts de l’homme. Jules Renard est un timide qui s’exprime mieux à l’écrit qu’à l’oral (j’en connais un autre). Il a des idées bien arrêtées sur tous les sujets : en politique, il est dreyfusard. Dans l’intimité, c’est un misogyne acharné. En littérature il a ses amis et ses têtes de turc.

Et comme nous tous, il est pétri de contradictions : anticlérical convaincu et militant, il confesse : « J’ai l’esprit clérical et un cœur de moine ». Sur les femmes, il déclare : « Je les aime toutes, je fais des folies pour elles » Sacha Guitry dira un peu comme lui (à peine un peu plus tard) : « Je suis contre les femmes. Tout contre. »

Enfin le « Journal » de Jules Renard est un objet littéraire : parce qu’il parle de littérature, bien sûr en invoquant les grands noms de l’époque (ils y passent à peu près tous, dans l’Edition Bouquins, un index judicieux vous permet de voir ce que l’ami Jules pensait d’eux, ça va du mordant au touchant) ; et sur le travail de l’écriture, où avec modestie et constance et grand effort de volonté il exprime sa façon de voir, en particulier la qualité première de son humour : l’ironie plus ou moins appuyée : « les ironistes, ces poètes scrupuleux, inquiets jusqu’à se déguiser » : tout Jules Renard est là : l’ironie, le scrupule (question d’honnêteté envers le lecteur) et cette inquiétude quasi métaphysique qui tient au ventre la plupart des (vrais) écrivains.

Il faut avoir lu le « Journal » de Jules Renard : il est très facile à lire, le style est celui qu’on connait, caustique, ironique et tout ce que vous voulez, mais familier et proche de vous, et puis c’est le ton de la confidence, vous n’êtes pas avec l’auteur Jules Renard, vous êtes avec l’ami Jules qui fait la causette avec vous, en buvant un pastis (ou une absinthe pour faire plus vrai).

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Poil de Carotte

Souvent évoqué comme de la littérature jeunesse, je trouve ce récit en partie autobiographique d'une grande violence psychologique. Sujet tabou que le rejet d'un enfant par sa mère, ce petit héros va devoir s endurcir pour affronter le milieu dans lequel il est né. Du même acabit que "Vipère au poing", ma préférence va à Bazin et sa folcoche.
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Poil de Carotte

"Poil de carotte" a été écrit en 1894 par un Jules Renard âgé de trente ans. C'est un livre facile à lire, basé sur les souvenirs d'enfance de l'auteur. Il y parle de la difficulté de grandir quand on a la malchance d'avoir une mère autoritaire, qui multiplie les injonctions contradictoires, les procès d'intention, la violence psychologique et physique, bref, une mère mal aimante, mais qui n'était pas exceptionnelle dans la deuxième moitié du XIXe siècle.



Constitué de très courts chapitres qui n'ont pas de liens entre eux, hormis les personnages et la chronologie, "Poil de carotte" est à mi-chemin entre un conte et un témoignage. L'écriture est fluide, élégante, et l'auteur parvient toujours à faire passer l'émotion ressentie. Sans être aussi excellent que "Vipère au poing" de Hervé Bazin, je ne regrette pas de m'être lancé dans la lecture de ce classique.
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Poil de Carotte

J’ai bien du mal à comprendre pourquoi l’on érige ce livre en classique…

Jules Renard dresse une énumération de petites anecdotes peu intéressantes, dans une langue assez primaire. L’on y suit diverses historiettes concernant la famille de Poil de carotte, les animaux de la maison, les activités du garçon, l’école etc.

Je n’ai pas été particulièrement par les sévices que sa mère lui fait subir, sans doute parce que l’auteur énonce des faits sans y incorporer d’empathie particulière. L’utilisation quasi exclusive du présent de l’indicatif renforce le caractère très simpliste de la langue.

Peut-être un classique de jeunesse, mais pas plus...
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Ragotte

Ragotte, c'est une servante vieillissante, qui n'a jamais pu apprendre à écrire car elle devait aider sa mère plutôt qu'aller à l'école, mais que ça n'a pas empêché d'avoir un grand cœur, un mari et trois enfants, qui a vrai dire la payent franchement peu de retour de ses bons soins.

L'écriture impeccable de Jules Renard, son style inimitable derrière lequel il avance à pas de loup avant de paf, nous surprendre de la cruauté du monde, et bien cette écriture dessine un portrait en finesse et en tendresse d'une belle âme.

Je ne sais si Ragotte a vraiment existé mais j'aurais bien aimé la connaître.
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Histoires naturelles

Jules Renard, dans son journal, se montre souvent d'une férocité implacable envers les humains, y compris contre ses collègues écrivains.

Le 14 novembre 1907, il accueille Victor Ségalen qui avec "Les Immémoriaux "publié sous le nom de Max Anély espère être goncourable. Voici ce que Renard écrit:

"Reçu la visite de Max Anély, auteur des "Immémoriaux". Pas trente ans, je crois, Médecin de marine. A fait son tour du monde. L'air jeune, souffreteux, pâle, rongé, trop frisé, la bouche pleine de l'or qu'il aurait rapporté de là-bas avec la tuberculose. Situation médiocre et suffisante.

Voudrait le prix Goncourt, non pour de l'argent, mais pour écrire un autre livre."

Toute l'attention, toute l'empathie de Jules Renard se reportent sur les animaux, la nature qui l'entoure.

Dans sa préface intitulée "Le chasseur d'images" il révèle son extrême sensibilité:

"Il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu'il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.

Bientôt, vibrant jusqu'au malaise, il perçoit trop, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village. "

Le titre "Le chasseur d'images"m'a fait penser au recueil qui me tient le plus à cœur , dans la poésie contemporaine:"Les Chasseurs", d'André Hardellet.

Ce dernier, proche des surréalistes, présente ainsi son ouvrage:

"Depuis mon jardin d'enfance, à Vincennes, je n'ai jamais interrompu ma chasse. Ce que les mots laissent parfois échapper malgré eux, les scènes qui se jouent pour un public inconnu derrière le complot des apparences--voilà mon gibier.

J'ai choisi quelques exemples où ils se rejoignent;. H pour Hardellet . R pour Renard:

Les Fourmis

H: Sable noir d'un sablier horizontal



R: Chacune d'elle ressemble au chiffre 3. Et il y en a !

Il y en a 333333333333...jusqu'à l'infini.



La Libellule

H: Suspendue à un fil invisible, vibre la libellule électrique qui surveille et inquiète les roseaux. A peine la croyez-vous partie qu'elle se reforme, insistante, à la même place - ou peu s'en faut.



R: [la Demoiselle] Elle soigne son ophtalmie.

D'un bord à l'autre de la rivière, elle ne fait que tremper dans l'eau fraîche ses yeux gonflés.

Et elle grésille comme si elle volait à l'électricité.



Le Loriot

H: Le Loriot et "Le temps des cerises", s'entendaient au fond de l'été - parfaitement d'accord.



R: Je lui dis:

-Rends-moi cette cerise, tout de suite.

- Bien, répond le loriot.

Il rend la cerise et, avec la cerise, les trois cent mille larves d'insectes nuisibles qu'il avale chaque année.
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Poil de Carotte

L'enfance malheureuse et maltraitée n'est malheureusement pas qu'un sujet littéraire. C'est une terrible réalité qui traverse les époques et les pays. Aujourd'hui encore, des milliers d'enfants dans le monde subissent les coups et les humiliations, souvent de la part de proches, d'ailleurs, et n'ont ni les moyens, ni la force, ni peut-être même la volonté de résister, tant ils sont sous l'emprise, physique et morale, de leurs bourreaux...

La littérature s'est emparée très tôt de ce sujet : au XIXème siècle déjà, la comtesse de Ségur ne l'élude pas (voir Torchonnet dans "L'Auberge de l'Ange Gardien") Jules Vallès fait de Jacques Vingtras, dans "L'Enfant" le portrait-type de l'enfant-martyr. Et puis il y a eu "Poil de carotte".

Quand j'ai lu "Poil de carotte", un Noël des années 60 où tatie Jeanne avait remplacé au pied levé le Père Noël, j'ai été estomaqué de ce que pouvait endurer ce pauvre garçon, par comparaison à ce que je vivais moi, entouré d'affection et d'amour, à des années-lumière de la famille Lepic.

Paru en 1894, "Poil de carotte" est une longue nouvelle, plus tard transformée en pièce de théâtre, qui se compose d'une suite de saynètes mettant en scène François Lepic, dit "Poil de Carotte" à cause de ses cheveux roux, sa sœur Ernestine et son frère Félix, aussi bêtes que méchants, son père Monsieur Lepic, brave homme au fond, mais qui n'a jamais su s'intéresser à ses enfants, et surtout sous l'emprise de sa femme. Celle-ci la terrible Madame Lepic (qui préfigure la Folcoche d'Hervé Bazin - et encore Folcoche apparaît parfois plus humaine, ou en tous cas moins inhumaine que Madame Lepic). Poil de carotte que sa mère a pris en grippe ne peut lui opposer que des ruses dérisoires, d'autant qu'il ne peut compter sur aucune aide extérieure : son père, malgré une allure bonhomme, reste complètement indifférent, son frère et sa sœur s'attachent plutôt à lui pourrir la vie, essentiellement pour faire plaisir à leur mère...

Sa vie est donc toute faites d'humiliations, voire de coups, mais Poil de carotte va son chemin, avec une sorte d'intelligence et de lucidité qui lui fait dire, avec quelque amertume : "Tout le monde ne peut pas être orphelin".

En grande partie autobiographique, "Poil de carotte" séduit par son ton aigre-doux, par sa cruauté diluée dans un océan d'hypocrisie, dans ses portraits au vitriol, mais aussi par l'intense pitié que l'auteur porte à son personnage - et qu'il nous fait partager.

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Poil de Carotte









Poil de carotte de Jules Renard aux Editions LGF (collection Livre de Poche 5992), 2021 - ISBN : 2-253-03560-2







Ce livre est d'un genre inclassable : un peu de théâtre et beaucoup de scènes de vie quotidiennes, une autobiographie aussi. L'auteur Jules Renart, était, tout comme Poil de carotte, un troisième enfant mal aimé par sa mère. L'écriture de ce livre lui a peut-être permis d'exorciser la douleur du rejet maternel.







Ce qui m'étonne, c'est que ce livre soit particulièrement destiné aux enfants et aux adolescents, je pense qu'il est plus apte à être apprécié par les adultes. De ma lecture adolescente de cette œuvre, je me souviens uniquement les premières scènes des poules et des perdrix, sans doute avais-je arrêté ma lecture aux premières pages...







Tout le monde connaît Poil de Carotte, ce jeune garçon cadet d'une famille de trois enfants. Dans les familles, même ceux qui se désintéressent de la lecture, le connaisse. Un peu comme avec le personnage de Tom Sawyer. Tom Sawyer, l'enfant épris de liberté et d'école buissonnière, Poil de carotte, l'enfant roux souffre douleur.







Dans l'œuvre de Jules Renart, seuls Poil de carotte et sa mère Mme Lepic ont une réelle présence. Les autres membres de la famille sont effacés et lâches : grand frère Félix, sœur Ernestine et son père qui ne s'intéresse qu'à la chasse.







Devant la violence psychologique et physique de sa mère, l'enfant roux, au visage ingrat, ne fuit pas. Il attend patiemment d'être frappé et il boit sans sourciller, la potion concoctée avec désamour par sa mère. Chaque soir, Mme Lepic ôte le pot de chambre de Poil de carotte et l'enferme à clé dans sa chambre afin qu'il se soulage au lit ou dans un coin de la pièce ; Le lendemain, Mme Lepic nettoie tout et élabore sa fameuse potion à base d'excréments de son fils qu'elle le force à boire tous les matins...







Affronter silencieusement sans fuir, c'est peut-être sa manière de se révolter, plus tard il arrivera à dire qu'il n'aime pas sa mère - ni sa mère, ni son père d'ailleurs, lui qui assiste sans rien dire aux scènes familiales.







Poil de carotte défoule sa haine envers sa mère sur les animaux. Il a appris à les tuer car ses parents l'obligent à achever à mains nues le gibier blessé à la chasse par son père. Dehors, il tue une taupe, un chat, une bécasse... Et quand leur chien aboie, c'est toute la famille qui frappe l'animal.







Quand Poil de carotte a des poux, sa mère l'oblige à attendre dans la rue avec sa bassine pleine de poux, afin que tous les passants sachent qu'il est un pouilleux. Quand Poil de carotte dit qu'il n'a pas soif, sa mère lui ôte définitivement sa timbale, plus jamais il ne boira à table. Quand Poil de carotte prend son repas, il doit manger que ce que sa mère aime et quand elle n'a pas faim, Poil de carotte ne mange pas. Comme Poil de carotte a peur de sortir la nuit, sa mère le force à aller fermer le poulailler tous les soirs à la nuit...







Mme Lepic ne crache pas sa haine qu'envers son fils, même si elle lui réserve la plus large part. Elle est aussi horrible avec son père "l'aveugle" et sa servante Honorine. A l'instar du personnage de Folcoche dans Vipère au poing, on sent que Mme Lepic est profondément malheureuse. Poil de carotte se venge sur les animaux, elle se venge sur son fils.



Un plaidoyer contre la maltraitance infantile.



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Poil de Carotte

Une lecture obligatoire pour l’école. Je n’ai pas vraiment aimé mais je n’ai pas détesté. Le style est un peu vieux et pas facile à suivre mais les chapitres sont très courts. J’ai trouvé certains passages très violent lorsque Poil de carotte tue des animaux. C’est une histoire qui fait se poser des questions et qu’on garde assez longtemps en tête même si on est pas fan.
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Histoires naturelles

Un petit recueil avec toutes sortes de textes consacrés aux animaux, qu'ils soient familiers, domestiques, sauvages ou même exotiques, ainsi qu’aux petites bêtes. Il fait la part belle aux oiseaux en tout genre (du pinson à la perdrix en passant par la poule et le perroquet). Les textes sont disparates, allant d’une phrase à plusieurs pages. Le lecteur y rencontre de jolies trouvailles, de petits tableaux succincts, souvent poétiques, une série de portraits façon bestiaire, parfois en une ligne ou deux, presque des haïkus (Le papillon : « Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur. » ), parfois un court texte, presque une fable. D’autres fois on n’est vraiment pas très loin de poésie en prose, ailleurs c’est plutôt une nouvelle. La proximité de l’auteur avec la nature est toujours remarquablement perceptible, il a un sens aigu de l’observation qui lui permet de saisir le détail juste, de croquer la posture d’un animal en une métaphore parlante (en parlant des canards : « Devant la porte fermée, ils dorment tous les deux, joints et posés à plat, comme la paire de sabots d’une voisine chez un malade. »). Mais c’est un peu disparate et ce livre ne se lit pas d’une seule traite, d’ailleurs rien n’oblige à le lire dans l’ordre des textes, une fois passé le premier texte, « Le chasseur d’images », qui sert de présentation à l’ensemble. L’avant-dernier texte, « Une famille d’arbres », est d’une grande modernité (il m’a fait penser à L’arbre-monde). Par contre, j’ai eu beaucoup plus de mal avec les textes plus longs, en particulier ceux liés à la chasse même si la plume est belle (sans jeu de mots bien que les textes en question portent surtout sur des oiseaux) et si cela fleure bon la France rurale d’antan (avant la première guerre mondiale). Je ne suis pas sûre que l’étiquette « littérature jeunesse » soit très bien adaptée. A découvrir et à lire un peu comme on lit un recueil de poèmes.
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Quel est le titre du célèbre roman autobiographique de Jules Renard ?

Fleur de cactus
Cœur d’artichaut
Peau de banane
Poil de carotte

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47 lecteurs ont répondu
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