Julie Bradfer

Je me suis toujours promis de ne jamais partager mes faiblesses, de ne jamais autoriser quelqu'un à s'approcher suffisamment de mes failles pour pouvoir s'en servir contre moi. Je ne peux pas laisser Rose échapper à la règle. Peu importe l'effet qu'elle a déjà sur moi.

J'ai un trou noir dans la poitrine. Parfois, quand j'essaie de mettre des mots sur la douleur, de l'expliquer, c'est la seule métaphore qui me vient. Celle su trou noir. Parce qu'elle décrit parfaitement la sensation que j'éprouve dans ces moments-là. Le néant. L'impression d'air qui entre dans mes poumons sans aucune intention d'en sortir.

J'ai eu tort de croire que les choses s'étaient enfin calmées, que j'étais plus forte, que le pire était passé. Je désirais tellement aller mieux que j'ai baissé ma garde à la première occasion. Et le retour de flammes a été presqu'aussi violent que le retour sur terre.

J'ai l'impression d'avoir avalé du verre pilé. Du moins, c'est la sensation qui lacère ma gorge à chaque fois que je déglutis. Du verre pilé et des lames de rasoir. C'est ce qu'on récolte à trop pleurer.

J'ai envie d'hurler. De leur hurler à tous que je ne veux pas de leurs conseils et avis faussement compatissants. De leur hurler de me laisser tranquille, moi et ma peine, parce que je suis la seule à savoir ce que j'ai perdu, à savoir ce qui me manque à présent.

Je ne peux plus respirer. J'essaie pourtant. J'essaie même avec tant de force que j'en tremble, que mes poumons brûlent, que ma gorge saigne. Mais c'est comme si une centaine de mains invisibles étaient plaquées sur ma poitrine, mon cou, ma bouche.

Pendant quelques minutes, mon cœur se contente de battre trop vite et je me dis que, pour une fois, la fatigue va m'engloutir avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit d'autre. Puis je sens une larme rouler sur ma joue, je sens la fissure se rouvrir dans ma poitrine et les souvenirs reviennent par vagues incessantes derrière mes rétines, indélébiles.

Tu te rappelles quand on parlait d'amour et qu'on n'y croyait pas ? Eh bien, je pense que j'y crois à présent. Je pense que je comprends. Et j'aurais tellement voulu que tu sois là. Parce que j'aurais pu te le dire, j'aurais pu t'expliquer. Ce dont on avait peur à l'époque, ce n'était pas d'aimer. C'était d'être aimées.

Lorsque Rose danse, c'est comme si la Terre cessait de tourner. [...] Lorsqu'elle danse, elle invente un nouvel univers, elle écrit une autre réalité. La sienne, celle d'une jeune femme différente et trop altruiste qui après des années passés à s'oublier a enfin décidé de s'affirmer. La mienne, celle d'un adolescent abandonné qui n'a finalement plus peur de prendre des risques et d'aimer. Et surtout la nôtre, imparfaite, cabossée, mais qui est et sera toujours assez.

[...] Je crois que j'ai envie de les vivre à nouveau. Ces autres formes d'amour. Celles qui peuvent faire autant de mal que de bien. Celles qui demandent qu'on prenne des risques. Celles qui peuvent tout prendre ou au contraire, bouleverser notre destin.

Il y a des cicatrices que les mots ne suffisent pas à soigner [...]. Mais mêlés aux gestes, mêlés à mes bras autour de lui, à mon coeur contre le sien, à mes larmes dans ses cheveux et à mes lèvres sur son front, peut-être que je peux commencer à colmater la brèche. Brique par brique. Pas après pas. Un jour à la fois.

Parce que sa présence dans ma vie est exactement comme son sourire au milieu de l'averse. Un rayon de soleil sur une mer agitée. Un peu de lumière dans mon obscurité.

J’avais presque oublié à quel point il était facile d'être honnête avec lui. Qu'il n'attend pas que j'embellisse la taliré. Que la seule chose qui lui importe vraiment est la vérité, Ma vérité.

- Je suis toujours fâchée contre toi.

Elle n'a aucune raison de l'être. Je n'ai aucune raison de me sentir coupable. Et pourtant, c'est ce que nous ressentons tous les deux. Même si n'a pas de sens.

- Je sais.

Peut-être que si j’avais tenu mes promesses, je ne serais confronté à ce regard aujourd’hui.
Peut-être qu’il y aurait encore de la lumière là où je ne lis maintenant que du vide.

Asher est comme un pansement posé sur toutes les blessures de mon âme. Être dans ses bras, c'est ne jamais avoir souffert. C'est ne jamais avoir pleuré. C'est ne jamais avoir perdu. Je donnerai n'importe quoi pour que tous ces moments ne s'arrêtent pas.

Une seconde pour tomber amoureuse. Une seconde pour ne pas avoir peur de l'aimer. Une seconde dans laquelle je voudrais vivre pour l'éternité.

Je ne suis sincèrement pas en colère contre lui et pourtant, je sens un poids se délier dans ma poitrine en entendant Alex s’excuser. Parce que s’il cherche mon pardon, c’est qu’il a peur de m’avoir blessée. Et s’il a peur de me blesser, c’est que notre amitié compte vraiment pour lui. Et c’est une chose à laquelle je n’ai jamais été habituée, c’est une sensation que j’ai toujours trop peu ressentie dans ma vie. Celle de compter, d’avoir de la valeur. Les seules personnes à m’avoir vraiment aimée sont Aaron et Sasha. À cette exception près, jamais je n’ai eu l’impression d’être importante aux yeux de quelqu’un.

Je ne peux pas y croire. Elle m’aimait. Elle m’aimait comme je l’aimais, comme je l’aime encore, comme je l’aimerai toujours. Et on n’abandonne pas les gens qu’on aime.

Elle est partie. Partie. Juste comme ça, aussi simplement. Tess est partie et c’est comme si la Terre avait cessé de tourner. Du moins la mienne, celle de l’univers dans lequel je vis. Parce que cette information ne semble affecter personne d’autre que moi. Parfois je me demande comment ils font pour ne pas le sentir. Pour ne pas réaliser à quel point la vie a perdu de ses couleurs et de son éclat. Parce que moi, je ne ressens que ça. Du vide. Un putain de trou noir.