Agnès Humbert : Notre
guerreDepuis le
café "Le Rostand" dans le 6ème arrondissement de Paris,
Olivier Barrot s'entretient avec
Julien BLANC, auteur de la préface de la réédition du livre d'Agnès Humbert intitulé "Notre
guerre". Il s'exprime sur le parcours de l'auteur, son
action de
résistance durant la Seconde Guerre mondiale ainsi que les conditions d'écriture de ce
recueil de souvenirs.
A propos des premiers actes de résistance.
"Je sais qu'il y en a qui disent : ils sont morts pour peu de chose...mais
tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu'à ce qu'elle étouffe. Elle n'étouffera pas sans t'avoir piqué. C'est peu de chose, dis-tu. Oui, c'est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus d'abeilles."
Jean Paulhan
Il me présenta aux miliciens et nous nous assîmes à l'écart . Ces hommes avaient capturé Goded en juillet , et depuis lors ils ne perdaient jamais l'occasion d'arroser leur victoire . Prenant part à la conversation comme si j'avais été pour eux une vieille connaissance ( j'étais l'ami de Forn donc le leur ) ... faisant chorus quand ils affirmaient que les militaires , sauf Miaja " et encore , on demande à voir ! " étaient normalement des réactionnaires , mais qu'eux , miliciens de la FAI , ne voulaient plus jamais entendre parler de généraux , d'armée de métier ni de discipline -- il me venait le regret de ne m'être que trop rarement senti au cœur d'une révolte aussi pure . Ces hommes avaient tous fait des années de prison , pas pour désertion , ni pour délit de droit commun ; ils avaient lutté au sein de leurs syndicats afin que quelque chose de beau surgît au détour non seulement de leur vie à eux , militants , mais de chaque homme . Ils avaient tué , mais ce n'était pas des assassins . Leur révolte devenait exemplaire . Ils avaient choisi des chemins difficiles , et ils ne s'étaient jamais plaints . Ces anarchistes avaient le sens de l'homme . Lorsque le froid leur mordait la peau , lorsque le désespoir leur gerçait le cœur , des instants d'innocence balayaient leur malaise , leur peine , des instants d'innocence où ils s'épaulaient , fraternisaient .
_"Mais s'in n'y avait plus de frontières ?
_C'est impossible. Chaque peuple est enfermé dans son monde de traditions, de langage et de langues ; dans sa civilisation."
"La première qualité d'un enfant, c'est la franchise..."
"[...] et je me mis à pleurer. Les larmes soulagent."
"La liberté, c'est ce qui n'est pas défendu."
"Le contrôleur ne manifestait aucun signe d'impatience. Cloclo était officier le de l'Instruction publique. Les décorations intimident toujours les simples."
Je suis contre l'injustice . Je t'ai dit que j'ai fait mes classes dans les usines , en prison et dans l'action syndicale . J'ai lu aussi des livres , j'ai voyagé . j'ai vu l'injustice partout où j'ai été .... Ne rigole pas , vieux frère , si je croyais en Dieu , je foutrai toutes les églises par terre .....
On va voir un type formidable . Cinq ans de prison sous Alphonse XIII , un an sous Primo de Rivera , évadé . Un anarchiste du tonnerre . Sa femme et sa fille sont à Tolède , peut-être mortes . Aucune nouvelle . C'est un ouvrier . Il a appris à lire tout seul . Ecoute le . C'est un grand type . C'est Xiberta . Un type comme Durruti , en moins braque .
Nous avions de la peine à songer que nous étions dans un bagne, un bagne d'autant plus odieux qu'il était privé, placé sous le couvert d'une religion désuète, qui ne m'a jamais rien apporté quand j'étais enfant, si ce n'est une terreur sans nom.
"Et quel crime avais-je commis ? Mon crime était d'être sans famille - c'était aussi d'avoir une marraine qu'elle avait juré de remplacer mes parents s'ils venaient à disparaître ; également d'avoir une bienfaitrice qui ne comprenait rien à la vie. Mon crime était aussi d'être le citoyen d'un Etat soi-disant démocratique."