Citations de Julien Bobroff (20)
Aucune loi n’est venue remplacer les anciennes. Tout bien considéré, nous manipulons la même équation de Schrödinger qu’il y a cent ans !
La nouveauté se joue plutôt du côté des savoir-faire. Les méthodes d’observation et de contrôle forgées ces dernières années constituent la véritable percée. Les chercheurs ont appris à manipuler les particules individuelles, c’est le changement majeur. Finalement, nous assistons à une révolution plus technologique que scientifique. Cette « seconde révolution » au statut particulier a cependant quelque chose d’unique, en ce qu’elle procède du « tout ou rien ». Nous ne savons pas si une machine utile fonctionnera un jour, tant les difficultés à surmonter sont considérables. Il n’y a pas vraiment d’étape intermédiaire pour se rassurer. Parier sur l’ordinateur quantique, c’est miser toute sa fortune sur le rouge à la roulette : un quitte ou double très risqué.
La physique quantique nous enseigne que toute particule se comporte comme une sorte d’onde : c’est la dualité onde-particule. Il s’agit plutôt d’une onde de probabilité.
La communauté scientifique française occupe une bonne place dans la compétition internationale, mobilisée et soutenue par des budgets conséquents.
Il reste pourtant deux points noirs, deux défauts très français et très handicapants. D’abord, malgré les annonces de financements, l’extrême centralisation de notre système bloque la machine. L’amour de nos institutions pour les appels à projet ouverts et équitables ralentit violemment l’attribution des budgets. Plus d’un an après l’annonce du plan quantique par Emmanuel Macron, l’argent n’est toujours pas sur la table, ou, plutôt, il n’est pas encore redescendu dans les équipes.
En outre, les nombreux comités nécessaires à la distribution de l’argent mobilisent les chercheurs de façon déraisonnable.
Devoret reconnaît cependant à la France une vraie force : ses nombreux postes de chercheurs permanents qui permettent un vrai travail sur le long terme, notamment pour des développements techniques de fond. C’est ce même statut de fonctionnaire, parfois moqué par les plus libéraux, qui a permis à Alain Aspect de dédier une décennie à démontrer l’intrication, ou encore au groupe d’Esteve et Devoret de concevoir les premiers qubits supraconducteurs, là aussi en une bonne dizaine d’années. C’est la force du temps long.
Il faut l’apprécier pour ce qu’elle est vraiment, une autre vision du monde, tout à la fois scientifique et poétique. Chacune de ses lois défie notre intuition. Elle permet de toucher du bout des doigts un univers étrange et invisible
Les réformes actuelles poussent vers des postes au statut toujours plus précaire
Le système de recherche américain ne sert pas juste à former des universitaires, mais aussi des ingénieurs pour les entreprises de technologie américaines. Dans mon équipe, la moitié des doctorants vont dans l’industrie. En France, le système a peur de faire des chômeurs. Les thésards ne sont pas toujours bien accueillis dans l’industrie
La mode toute récente du quantique fournit des moyens sans précédent aux chercheurs qui s’y adonnent. Mais elle crée aussi une ambiance plus rugueuse, qui pourrait faire fuir les plus altruistes.
La quantique ne résoudra pas tout.
La quantique ne résoudra pas les problèmes d’énergie.
La quantique ne résoudra pas les problèmes de surpopulation.
La quantique ne résoudra pas les problèmes de pauvreté.
La quantique ne résoudra pas la crise de la biodiversité.
La quantique ne résoudra pas la crise climatique
Il faut prendre garde cependant à ne pas extrapoler trop vite et faire dire nimporte quoi à ce phénomène. De nombreux courants de mysticisme quantique et autres pseudosciences aiment détourner l'intrication du champ des sciences. Certains avancent que la mécanique quantique relierait notre conscience à l'Univers par intrication. Même si la métaphore est séduisante, le phénomène n'a aucun fondement scientifique. Pire, tout ce que nous savons de l'intrication suggère l'inverse.
Car ces gourous d'un genre nouveau oublient que l'intrication est fragile. Déjà, maintenir l'intrication d'une simple paire de photons quelques millièmes de seconde est une gageure. La moindre perturbation sur le chemin détruit le phénomène. Les chinois et leur satellite Mincus en savent quelque chose : ils ont dû envoyer un million de paires avant que l'une d'elles ne parvienne « en vie » aux détecteurs sur Terre. Alors imaginez, dans un cerveau humain à 37 °C, où chaque molécule est en mouvement et en interaction permanente avec ses voisines : comment un quelconque composé chimique pourrait-il s'intriquer aux molécules de l'air environnant, puis de proche en proche avec I'Univers tout entier ?
il faut à chaque fois dix à vingt ans de travail entre l’éclosion d’une idée et sa réalisation industrielle
Question no 1 : est-ce vraiment une révolution ?
Non.
Les ordinateurs quantiques pourraient casser les cryptographies actuelles et menacer les communications cryptées. Mais ce n’est pas pour tout de suite, loin de là. De plus, de nouvelles solutions de chiffrage post-quantiques sont déjà au point et prêtes à être déployées. La menace est donc très relative, et l’Internet quantique n’est pas si vital qu’on veut bien nous le faire croire.
Quand bien même on parviendrait à améliorer la fixation du carbone ou la production des engrais, cela ne résoudra pas la crise climatique. Comme l’ont démontré les rapports du GIEC, le réchauffement de notre planète est déjà largement enclenché et va se poursuivre de façon dramatique, ne serait-ce qu’à cause de l’inertie des processus en jeu. Ainsi, les solutions évoquées dans ce chapitre ne suffiront absolument pas à résoudre cette crise, elles pourront peut-être juste aider à en amoindrir les effets. Pour le reste, c’est notre société tout entière qui doit, dès à présent, repenser en profondeur son mode de vie et ses priorités, ordinateur quantique ou pas.
Il y a une différence entre fixer des objectifs ambitieux et susciter des attentes exagérées.
Aujourd’hui, espérons qu’un grand nombre accepte qu’un humain n’est ni moins ni plus évolué qu’une oie, et réciproquement. Car ce n’est pas une question d’évolution mais de degré, dans le sens où notre présence sur la Terre, à un instant t, fait que nous sommes tous également évolués, mais avec des caractéristiques propres à chaque espèce.
L’aspect hype existe à un niveau qui devient délirant, ne serait-ce que les intérêts financiers ou les sommes investies… Je crois aux applications. Je pense qu’on va arriver à faire des trucs sérieux. Mais ce qui me gêne, c’est la croyance que la technologie est déjà là. On se plante sur les échelles de temps.
(Le sujet de la quantique) Il est inspirant scientifiquement. Il est prometteur technologiquement. Il est radicalement nouveau dans sa façon d'entremêler recherches fondamentales et appliquées. J'encourage tout le monde, à commencer par les étudiants en science, à découvrir ce nouveau champ, ne serait-ce qu'en simple curieux. Cependant, je ne veux pas leur vendre une vision idéale.
La quantique ne résoudra pas tout.
La quantique ne résoudra pas les problèmes d'énergie.
La quantique ne résoudra pas les problèmes de surpopulation.
La quantique ne résoudra pas les problèmes de pauvreté.
La quantique ne résoudra pas la crise de la biodiversité.
La quantique ne résoudra pas la crise climatique.
Il faut l'apprécier pour ce qu'elle est vraiment, une autre vision du monde, tout à la fois scientifique et poétique. Chacune de ses lois défie notre intuition. Elle permet de toucher du bout des doigts un univers étrange et invisible.
Très vite, pour concevoir des ordinateurs quantiques, les chercheurs voulurent intriquer d'autres particules que les photons. Pour chaque type de qubit, il fallait donc inventer une méthode d'intrication : excitation micro-ondes pour les uns, impulsion laser pour d'autres. Depuis quelques années, il est ainsi devenu possible d'intriquer sur demande des ions, des atomes neutres, des spins, et même des circuits supraconducteurs !
Certains ont vu plus gros encore. Serait-il possible, se demandèrent ces audacieux, d'augmenter à loisir la taille des objets intriqués ? Pourrait-on finalement intriquer un chat avec un autre chat ? Impossible, nous l'avons déjà souligné, un objet vivant est trop chaud et volumineux, la décohérence sera trop rapide. Mais pourrait-on au moins faire plus gros qu'un atome ? Une première étape est franchie en 2001 au Danemark, lorsqu'une équipe réussit à intriquer deux boules de gaz, chacune contenant mille milliards d'atomes de césium. C'est le spin collectif de ces amas de particules qui est cette fois intriqué.
À commencer par Otto Stern lui-même, qui proclame avec son collègue Max von Laue : « Si ce modèle absurde de Bohr doit être finalement démontré, nous abandonnerons la physique ! » Mais Stern, en bon scientifique, n'accorde aucune valeur aux croyances, pas même aux siennes. Seule l'épreuve du réel et de la mesure diront si le modèle de Bohr est vrai ou faux.