Katee Robert

Si jamais elle lui avait donné la moindre preuve d’amour quand elle l’avait appelé pour qu’il l’aide, il aurait eu le droit de demander plus. Mais elle n’avait toujours ressenti qu’une amitié profonde pour lui. La veille, elle avait même pris le temps de lui expliquer qu’elle ne voulait pas le perdre — en tant qu’ami — et il s’était servi de cette peur pour la pousser à accepter de sortir avec lui.

On n’arrive pas si loin dans notre métier sans écraser quelques personnes au passage. J’ai fini par accepter ça et je croyais que tu l’avais accepté aussi. Seulement, quand il s’agit de Lucy, tu as toujours eu le complexe du chevalier servant ! Lucy est quelqu’un de bien. Vraiment. Elle mérite beaucoup mieux que ce qu’elle a eu jusqu’à maintenant et ça veut dire qu’on se doit de le lui donner.

Il faudrait être aveugle pour ne pas avoir remarqué la manière dont tu la regardes depuis qu’on l’a rencontrée. Tu as eu un faible pour elle dès le premier jour.

Il s’allongea au-dessus d’elle et l’embrassa. Elle lui rendit son baiser avec fièvre, ajustant déjà sa position pour qu’il soit plus à l’aise, ses jambes enroulées autour de ses hanches et ses mains qui descendaient le long de son dos pour se refermer sur ses fesses. Comme s’ils avaient déjà fait cela mille fois — comme s’ils allaient le faire mille fois encore…— Préservatif, souffla Gideon.— Je suis en bonne santé, répondit-elle entre deux baisers. Et… Et je prends la pilule.

En un éclair, l’orgasme de Lucy explosa. Elle se cambra, les yeux fermés, et faillit lâcher le vibromasseur, mais Gideon, ses doigts toujours en elle, le replaça, envoyant un nouveau raz-de-marée la secouer.

Si elle se décidait à épouser un homme qu’elle connaissait à peine et que celui-ci finisse par devenir distant ou cruel, elle saurait réagir. Cet homme ne serait pas assez précieux à ses yeux pour la blesser réellement. Mais Gideon ? Gideon aurait le pouvoir de la détruire.

Bien sûr, le portrait qu’il avait dressé de leur vie à deux était séduisant. Plus que séduisant, même. Lucy désirait cette vie plus que tout au monde, à cause du lien précieux qui l’unissait à Gideon. Mais elle avait déjà vu ce qui arrivait quand elle baissait sa garde devant un homme en qui elle ne pouvait pas avoir confiance. La différence était que Gideon ne la tromperait jamais, elle en était certaine. Mais il existait tant d’autres moyens de blesser quelqu’un qu’on aime. Et, la plupart du temps, on faisait du mal à l’autre sans le vouloir…

Admettons que tu me choisisses. Nous nous marions et nous trouvons un endroit où vivre. Aucune catastrophe n’arrive. En fait, notre vie devient de plus en plus agréable. Nous nous obligeons à prendre quelques semaines de vacances par an pour voyager. Nous commençons à explorer cette liste de fantasmes que tu gardes dans un coin de ta tête. Nous nous faisons un petit nid, peut-être même qu’on finira par avoir des enfants. Et, chaque nuit sera à nous. Juste à nous. Toi et moi…

Je n’ai jamais été avec une femme plus d’un mois ou deux pour une simple raison : je me suis concentré sur ma carrière. Et, avant ça, j’étais à la fac.

Ces hommes seront incapables de te rendre heureuse ; moi, je peux le faire, et tu le sais. Je te connais mieux que personne. Nous nous accordons bien au lit et en dehors. Choisis-moi.Je t’aime. Je t’ai toujours aimée.

Il avait toujours apprécié sa franchise. Même quand elle était mal à l’aise sur un sujet, le sexe par exemple, elle faisait toujours l’effort de ne pas tourner autour du pot et de rester aussi honnête que possible.

Cette pensée avait une étrange saveur douce-amère. Lucy tenait à lui. Elle voulait le voir heureux… Mais l’idée de le voir un jour avec une autre femme la mettait hors d’elle.Arrête !Il est à toi le temps que tu trouves un mari.Ça devrait te suffire.Et si, au final, ça ne lui suffisait pas ?

Elle s’était battue pour ne plus être cette femme timide que Jeff avait façonnée. Elle avait presque réussi — à part sur le plan sentimental. Mais elle craignait toujours que son tempérament de perdante reprenne le dessus tôt ou tard, ce tempérament qui l’avait poussée à laisser Jeff lui dire des choses horribles. Pire encore : qui l’avait poussée à y croire… — J’aurais dû le savoir, chuchota Gideon dans l’intimité de leur petite alcôve isolée. Je te l’ai déjà dit : je savais que Jeff était une ordure, mais j’ignorais à quel point. J’aurais dû m’interposer plus tôt. Lucy sentit son cœur s’emballer et sa gorge se nouer en même temps. — S’il y a bien quelqu’un qui aurait dû faire quelque chose, c’est moi, répondit-elle. Je l’ai laissé me contrôler et j’ai failli l’épouser parce que j’étais trop têtue et trop naïve pour le voir tel qu’il était vraiment. Ne commençons pas à faire la liste de nos erreurs, on ne s’en sortirait pas ! Elle posa doucement sa main sur celle de Gideon. — Écoute, je ne veux plus parler de Jeff. Il nous a déjà volé trop d’années et je refuse de lui accorder une seconde de plus. — Je suis bien d’accord. Gideon s’approcha encore plus et elle se retrouva presque assise sur ses genoux. — Je suis assis dans un restaurant sombre avec la plus jolie femme de New York.

Elle avait eu tellement mal, elle avait été tellement en colère, tellement mortifiée quand elle avait appris la vérité qu’elle n’avait plus eu envie de voir personne pendant des mois. La seule qui était restée auprès d’elle en dépit de ses protestations avait été Becka — et c’est elle qui avait fait le premier pas. Si Gideon avait essayé de l’approcher, à cette époque, elle lui aurait claqué la porte au nez…

Elle préféra ne pas mentionner son projet de mariage ou ce qui arriverait à leur amitié une fois qu’elle aurait choisi un homme avec qui vivre sa vie. Son mariage serait peut-être consommé, mais cela resterait un mariage sans amour. Garder Gideon auprès d’elle, même sans coucher avec lui, lui permettrait sans doute de tenir le coup — et elle n’avait aucune intention de le laisser disparaître de son univers !

Rien de ce qu’elle pourrait dire n’aurait le pouvoir de changer la vérité. Le poids de la peur menaçait à chaque instant de la faire partir en courant pour s’enfermer chez elle avec Garfunkel et s’enfouir dans la pile de dossiers qu’elle devait encore étudier avant la fin du week-end.

Qu’importaient ses sentiments ! Elle avait placé des limites claires à leur relation quand elle avait appelé Gideon et il avait accepté de s’y soumettre, rien de plus. Changer les règles sans le prévenir risquait de le faire fuir. Cette fois, elle risquait vraiment de le perdre… Et elle n’avait pas fait tout cela pour échouer si près du but. Durant les deux dernières années, il lui avait terriblement manqué. Si jamais elle devait de nouveau vivre sans lui, elle serait privée de quelque chose d’essentiel à sa vie et personne d’autre ne pourrait combler ce vide dans son cœur.

Une certaine attirance les avait toujours rapprochés tous les deux, même quand elle était avec Jeff. À l’époque, elle avait fait de son mieux pour ne pas le montrer. Parce qu’elle était en couple.Parce que Gideon était son ami et qu’elle tenait à lui. Parce qu’elle avait peur de le perdre, si quoi que ce soit se passait entre eux.

Quel tableau ils formaient, tous les deux ! Lui, tout habillé à l’exception de son sexe qui disparaissait et réapparaissait entre les cuisses de Lucy. Elle, presque nue, à cheval sur lui, sa peau laiteuse rosie par le désir. Elle ne parvenait pas à détacher ses regards de sa grande main posée sur sa hanche tandis que l’autre maintenait toujours son menton en l’air, ou de son visage si beau, si hypnotique. Elle se lécha les lèvres avec gourmandise.

La seule chose qui importait encore, c’était la langue de son amant qui caressait tendrement son clitoris déjà sensible. Il prenait son temps comme s’ils avaient la journée devant eux. Comme s’ils n’étaient pas dans un lieu public.Un lieu où chaque gémissement, chaque soupir risquait d’être entendu par quelqu’un, de l’autre côté de la porte de la cabine.