Katee Robert

On ne pose pas de limites au plaisir, Lucy, c’est impossible. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire. Est-ce que tu irais critiquer quelqu’un qui déguste un de ces gâteaux bourrés de chocolat que tu adores d’une manière différente de toi ? Est-ce que tu lui dirais qu’il ne le mange pas bien ?

Gideon s’empara de ses lèvres. Il n’y avait pas d’autre mot. Il s’imposa, tendre et dominateur, d’une caresse de la langue et fit une nouvelle fois disparaître le monde dans un baiser. Ses lèvres avaient un goût de menthe fraîche, troublantes et gourmandes. Inattendues.Tout comme l’homme lui-même.

Sa bouche était aussi fraîche et fruitée que son parfum, aussi agréable qu’un jour de soleil en plein hiver.Il sut que jamais il n’en serait rassasié…

Son corps parut fondre sous ses baisers tandis qu’à chaque respiration elle pressait sa poitrine plus fort contre lui. Elle s’agrippa à ses épaules avant de glisser les doigts dans ses cheveux, timidement, comme si elle n’était pas certaine de sa réaction.

Elle avait surtout l’air de chercher à s’en convaincre, mais il préféra ne rien dire. La femme forte, froide et confiante qui l’avait reçu dans son bureau avait disparu… Mais qui était la vraie Lucy, au fond ? L’avocate professionnelle dénuée d’émotions ? Ou la jeune femme hésitante et timide qui lui faisait face en ce moment ?

S’il avait vraiment été un type bien, il aurait laissé un autre homme refermer cette blessure — un homme qui s’engagerait vraiment avec elle. Par exemple, l’hypothétique mari qu’il était censé lui trouver… Mais cette fois, il n’avait pas envie de se conduire en type bien.Il ne voulait pas qu’un autre vienne sauver Lucy à sa place.

Son métier, c’était de savoir lire dans les pensées des gens — celles des clients et celles des candidats qu’il sélectionnait pour des entretiens d’embauche. Il était très doué pour ça. Il était même l’un des meilleurs dans sa branche…

S’il avait été incapable de se réjouir pour son meilleur ami quand celui-ci sortait avec Lucy — et cela bien avant que cet idiot ne commence à la tromper —, il ne pourrait jamais accepter de la savoir avec un inconnu. C’était une chose qu’il ne contrôlait pas. Et qu’il accepte ou non de l’aider, il la savait assez obstinée pour s’en tenir à son plan délirant.

Profiter d’elle dans ce moment de faiblesse était indigne de lui… Il ne s’était jamais conduit comme un salaud, et il n’avait pas l’intention de commencer ce soir.

Gideon avait tout fait pour étouffer son désir et se réjouir pour eux. Après tout, Lucy était la fiancée de son meilleur ami et il n’avait pas le droit d’être jaloux. Hélas, il n’avait jamais réussi à mettre ses sentiments pour elle en veilleuse, et toutes les femmes avec qui il sortait ne parvenaient pas à la lui faire oublier.Quand Jeff lui avait fait remarquer que ses petites amies étaient toujours des femmes brunes, très minces, avec des pommettes saillantes parsemées de taches de rousseur, Gideon avait renoncé à l’idée de construire une relation durable et s’était contenté de plans d’un soir. Mais Lucy était toujours là, dans un coin de son esprit…

Il désirait Lucy.Il la désirait depuis le soir où il l’avait aperçue, six ans plus tôt, dans un coin de ce bar bondé du Queens. Malgré les quelques verres qu’elle avait bus, elle était si fraîche, si jolie, qu’il avait tout de suite compris à quel point elle était différente des autres femmes qu’il connaissait.Malheureusement pour lui, Jeff Larsson l’avait également remarquée, et avant même que Gideon ait le temps de dire ouf, il l’avait abordée, était sorti avec elle, et l’avait demandée en mariage.

Depuis le début, son attirance pour cette femme ne lui avait valu que des ennuis et, apparemment, il aimait ça. Sinon, pourquoi aurait-il accepté de la revoir alors qu’il aurait dû lui dire non dès le départ ? Non seulement il avait promis de l’aider, mais en plus il l’avait invitée chez lui !Pour parler.

Tu ne peux pas tout apprendre sur le sexe, comme ça, en agitant ta baguette magique.

Je n’ai pas envie qu’un autre fiancé me trompe, donc je vais devoir accepter que le sexe fasse partie de la négociation. Et comme ça fait… très longtemps que je n’ai pas fait cela, il faut que j’évalue mes capacités.Sans compter le fait que je n’ai couché qu’avec Jeff et qu’il ne s’est jamais gêné pour me dire à quel point notre vie sexuelle était ennuyeuse.Et qu’il m’a même accusée d’être responsable de ses infidélités parce que je n’arrivais pas à assouvir ses besoins.

Jamais elle n’avait vu Gideon avec la même femme pendant plus d’un mois, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait pas changé en deux ans. Et la seconde partie de son plan reposait entièrement sur l’hypothèse qu’il était bien resté le même.

Elle préféra fermer la porte à ses souvenirs : inutile de replonger dans l’échec douloureux qu’avait été son histoire avec Jeff Larsson. Ça s’était mal terminé et son amitié avec Gideon s’était achevée en même temps — dommage collatéral.

Peu importait ce qu’il pensait du plan de Lucy, il avait une dette envers elle. Il savait que ce salaud de Jeff la trompait — c’est lui qui l’avait découvert et qui avait gardé le silence pendant un mois avant de le lui dire. Ce genre de chose ne s’oubliait pas facilement. Si elle avait choisi de s’adresser à lui, c’est parce qu’elle était à court d’options. Inutile de lui dire non, cela ne la découragerait sans doute pas et elle trouverait un autre moyen d’arriver à ses fins.

La plupart des gens se marient pour des raisons bien plus absurdes : la preuve, j’ai failli me marier par amour, il y a deux ans, et on sait tous les deux comment ça a fini. Il n’y a rien de mal à traiter le mariage comme un simple contrat professionnel. C’est juste une question de culture.

Je devrais m’en réjouir, seulement certains parmi les avocats les plus anciens n’apprécient pas les femmes célibataires, expliqua-t-elle en levant les yeux au ciel — le premier geste très Lucy qu’elle avait depuis le début de leur discussion. Je sais que c’est ridicule et je ne m’en soucierais pas si Gloria n’était pas passée à côté d’une promotion l’an dernier pour la même raison. Elle a refusé de céder et c’est un homme qui a eu le poste à sa place…

Ce n’était pas pour parler du passé qu’elle l’avait fait venir. Si elle était capable de rester professionnelle quoi qu’il arrive, alors il le serait aussi. C’était bien le moins qu’il puisse faire.