_"L'orgueil m'a fait entrer...la prière m'en a fait sortir" chuchota Soeur Luc
_"Ne parlez pas" dit Soeur Marie en relevant un coin du drap pour l'enrouler autour de la ^tête nue de l'impudente, et le nouer solidement sous le menton tremblant "j'aurais probablement fait la même chose" Puis elle s'empara du téléphone pour demander que l'infirmerie envoie un brancard.
Soeur Luc éclata en sanglots; mais ce n'était pas à cause du scandale qu'elle avait causé, ni de ses meutrissures, mais pour ce surcroît de charité dont faisait preuve cette soeur pleine de dignité, qui, pour partager sa honte, se solidarisait avec l'orgueil et la désobéissance.
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La charité en action est facile à pratiquer. Elle a des témoins. Tout le monde peut la voir. Tout le monde en est touché. Même dans le siècle, un acte de charité visible attire l'attention sur son auteur et peut lui donner une sorte de célébrité. Mais la charité en pensée, cet amour silencieux, invisible, inlassable, qui fait toujours passer les autres devant soi... c'est ce qui vous a manqué aujourd'hui...
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Vous avez l'air du chat qui vient d'avaler le canari
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Ce matin, sur le quai d'Anvers, tandis qu'elle remettait à la famille E. son malade (lequel semblait beaucoup plus normal que le psychiatre dépêché au débarcadère),....
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quand dieu ordonne il donne
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La bonté est ce qui est la plus proche de Dieu et ce qui désarme le plus vite l'homme.
Je vais vous apprendre quelque chose sur vous-même, que vous ne savez probablement pas.(...) On n'a pas réussi à vous façonner, ma Sœur. On n'y arrivera jamais. Vous êtes ce que l'on peut appeler une religieuse pour le siècle... idéale pour le public, idéale pour les malades. Mais vous ne serez jamais le genre de religieuse que demande votre Ordre. C'est cela, votre maladie. (p178)
La tendance au mysticisme est toujours un problème dans un ordre mixte comme le nôtre, où travail et contemplation vont de pair. Il se pose souvent chez les nouvelles professes. C'est toujours une chose magnifique, bien sûr, que de voir une jeune religieuse communiquer directement avec Dieu, mais, quand elle est ainsi transportée, elle est perdue, corps et esprit, pour la communauté ; il faut se charger de son travail. Et on ne peut jamais savoir si c'est vraiment du mysticisme ou simplement un de ces inconscients besoins de se faire remarquer, auxquels nous succombons toutes de temps à autre.
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Elle avait préparé ce qu'elle dirait, de sorte qu'elle n'eut pas à chercher ses mots.
Le visage du docteur F, déformé par une colère qui ressemblait à de l'amour...
Rien n'était capable d'ébranler sa foi dans les navires à voiles. Rien : ni ces charbonniers du diable commandés par des gens qui avaient débuté dans la carrière sur des canots à rames et n'avaient guère fait de progrès depuis ! Rien ni personne ne détrônerait jamais les voiliers de leur royaume salé. (p.91)
Tu marches, tu parles, tu écris même comme une religieuse. Mais tu n'en es pas une, pas encore. La discipline t'en a donné l'apparence, mais, sous cette coquille trompeuse, continuent à prospérer orgueil et vanité, attachement au monde et amour-propre.
Cette idée qu'elle ne serait plus jamais seule, physiquement seule, dans son propre univers, trouvait parfois Sœur Luc plus que tout autre aspect de cette vie contre nature qu'elle avait choisie.
Pourquoi les auxiliaires de Dieu seraient-elles réduites au silence par la cloche à l'heure où l'esprit cherche à communiquer ?