Modestie et chirurgie se conjuguent mal et les gens qui doutent n’ont guère leur place dans les salles d’opération.
C’est l’un des rares privilèges qu’on gagne, se dit Dunbar, quand on vous annonce que vous souffrez d’une maladie fatale. Ça donne le temps de mettre de l’ordre dans vos affaires et de songer aux préparatifs, ce que la plupart des gens remettent toujours au lendemain, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Une conversation de deux minutes avec n’importe qui révèle souvent plus de choses, se dit-il, que la lecture d’un curriculum vitae de cinquante pages.
Dans un sens, les hôpitaux sont les endroits les plus redoutables au monde. De vrais concentrés d’infection, qu’on nous présente comme des havres d’hygiène...
Les belles choses sont éphémères et ne durent qu’un instant dans le grand ordre des choses, pensa-t-il ; elles s’atrophient et disparaissent aussitôt.
Dunbar ressentait ce qu’on éprouve généralement lorsqu’on se convainc soi-même d’avoir emprunté la bonne route et qu’on relève ici et là de petits signes indiquant qu’on s’est trompé. Au début, on ne leur accorde aucune importance parce qu’on veut croire que tout ira pour le mieux. On parvient même à se persuader qu’on distingue de loin les points de repère habituels mais, dans le fond, on déforme les choses de manière délibérée pour que nos attentes correspondent à la réalité. Et, quand l’évidence prouve qu’on a tort, on persiste à espérer que tout rentrera dans l’ordre, sinon il faudrait admettre qu’on est tout bonnement perdu...
C’est une chose de redouter ce contre quoi on lutte, se dit-il, mais il en est une autre, bien plus angoissante, c’est d’ignorer l’identité de son adversaire.
Larry eut l’impression d’entendre un mécanicien lui parler des problèmes de sa voiture, plutôt qu’un médecin diagnostiquant l’état de santé de sa fille. Pourquoi ces gens-là devenaient-ils médecins ? Ce n’était pas la première fois qu’il se posait la question. Il avait souvent rencontré des gens exerçant une profession médicale ne manifestant jamais la compassion élémentaire que les malades inspirent, en général, aux autres. Ces gens-là ne soignaient pas des êtres humains, ils traitaient des cas, ils considéraient la maladie comme un problème à résoudre, une sorte de défi intellectuel, voire une joute à perdre ou à gagner, et déterminante pour l’avancement de leur carrière.