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Critiques de Leo Perutz (192)
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La neige de saint Pierre

Avec "La neige de saint Pierre" Perutz nous emmène une fois de plus dans un monde ou rêve et réalité se mèlent, se confondent et nous laissent déroutés jusqu'aux dernières pages (qui elles-mêmes ne lèvent pas forcément tout doute).

Dans l'entre-deux guerres des années 30, c'est un jeu dangereux d'amour, de science, de foi, de pouvoir qui emporte les personnages.

Malgré ses qualités, Perutz n'est pas l'auteur qui me parle le plus.
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La neige de saint Pierre

Je me dois ici de faire une confession : longtemps j'ai dit que je n'aimais pas Leo Perutz, car je n'avais pas réussi à lire Le cavalier suédois. Eh bien me voilà bien puni -et quelle agréable punition- parce que La neige de saint Pierre est un roman captivant que je n'ai pas pu lâcher avant sa toute fin. Écrit en 1933, il distille une ambiance toute particulière qui joue sur le suspense, l'angoisse, la peur et l'opposition réalité/rêve, car on ne sait jamais trop si le héros est dans la réalité ou dans un rêve. Lui-même ne le sait pas.



Le récit est vif et possède le charme de l'écriture du début du vingtième siècle qui donne une sorte d'intemporalité. On ne retrouve que très peu dans l'écriture contemporaine ce style particulier et ce type de roman pourtant si agréable à lire. Beaucoup de références aux romanciers fantastiques du siècle précédant Leo Perutz : Jules Verne, Edgar Allan Poe entre autres (bon, je dis entre autres, parce que je n'en connais pas beaucoup, mais j'ai eu tout au long de ma lecture cette sensation de lire un roman des deux auteurs précités. Peut-être me trompé-je, mais je m'en fiche, c'est moi et moi seul qui ai eu cette sensation et moi et moi seul qui écrit sur ce blog, donc, je dis ce que je veux. Non mais...).



Bon, revenons à cet excellent roman de Leo Perutz, qui fut interdit en Allemagne, en pleine montée du nazisme. Le rater serait vraiment dommage, et Zulma a la bienheureuse idée de le rééditer en poche. J'avais envie de dire pas mal de trucs en plus sur la théorie développée à l'intérieur, mais je vais m'abstenir pour laisser à chacun d'entre vous le plaisir de la découverte (à ce propos, faites-moi confiance et ne lisez pas la quatrième de couverture).



Leo Perutz, en 1938, après l'annexion de l'Autriche s'exila à Tel-Aviv et cessera d'écrire jusqu'en 1953. Il meurt en 1957.



Promis, je ne dirai plus je n'aime pas Leo Perutz !
Lien : http://www.lyvres.fr
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La neige de saint Pierre

J'ai emprunté ce livre après avoir lu une critique intéressante dans la revue "Lire", livre interdit en 1933 pour ses idées subversives. Je reste "sur ma faim" je n'y ai vu aucune idée subversive mais un bon livre sur la mémoire, je suis peut-être passée à côté du propos que je n'ai pas compris.

Un médecin se réveille dans une chambre d'hôpital après un accident de circulation mais lui est persuadé d'être ici suite à une agression dans un château où il était médecin de campagne.

Petit livre pas désagréable à lire mais qui ne correspond pas à ce que j'attendais.
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La neige de saint Pierre

Leo Perutz est un écrivain autrichien de langue allemande né à Prague en 1882. Il quitte la Bohème à l'âge de 17 ans pour Vienne où il étudie les mathématiques et la littérature. Il s'intéresse à la théorie des jeux de hasard et commence par travailler dans une compagnie d'assurances avant d’être appelé au combat pendant la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il est blessé. De retour à Vienne, il publie son premier ouvrage et entreprend de nombreux voyages. Il quitte l'Autriche pour la Palestine en 1938, au moment de l'Anschluss. Léo Perutz meurt en 1957. Paru en 1933, La Neige de saint Pierre vient d’être rééditée.

En 1932, Georg Friedrich Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, quitte Berlin pour le lointain village de Morwede en Westphalie. Ancien ami de son père, le baron va finir par révéler au médecin qu’il se livre en secret à des recherches scientifiques dont le but, proche, est de mettre au point une drogue tirée d’un parasite du blé (la neige de saint Pierre), capable d’agir sur les esprits…

Une fois encore Leo Perutz s’avère un habile conteur, prenant immédiatement le lecteur dans les mailles de son filet tressé de mystère, et ce dès la première phrase : « Lorsque la nuit me libéra, j’étais une chose sans nom, une créature impersonnelle qui ne connaissait pas les concepts de « passé » et d’ « avenir » ». Tout du long de ce roman, nous ne saurons jamais avec certitude, si le témoignage du jeune médecin narrateur, est pure vérité ou imagination galopante de son cerveau malade.

Quand s’ouvre le récit, Amberg se réveille dans un lit d’hôpital avec plusieurs semaines de coma et croit reconnaitre dans le personnel soignant, les acteurs de l’aventure dont il pense se souvenir et qu’il va nous raconter, à savoir son séjour dans un bled à la campagne, un baron aidé d’une assistante qu’Amberg connait et dont il est amoureux depuis leurs études de médecine communes (seule critique, celle-ci est surnommée « Bibiche » durant tout le roman, et ça fait franchement nunuche) qui tente de créer une drogue sensée avoir deux finalités, pousser le peuple à vouloir restaurer la monarchie donnant le pouvoir à un descendant de Frédéric II, et ranimer la ferveur religieuse.

Le bouquin de Leo Perutz fut interdit par les nazis dès sa parution et on imagine assez bien pourquoi. Le baron von Malchin, en savant fou, s’imagine manipuler les foules avec sa drogue et rendre son trône à son fils adoptif. En se confiant à Amberg et en jouant sur le lien affectif qui le liait à son père il pense s’attirer sa complicité mais il place le médecin devant un cas de conscience déontologique. Conflit d’autant plus cruel pour Amberg, qu’amoureux de l’assistante du baron, il la croit sa maîtresse. Dois-je préciser que le projet diabolique n’aura pas le résultat attendu mais qu’au contraire…

Leo Perutz balade le lecteur qui n’arrive pas à départager le vrai du faux, la réalité du rêve ; et même quand s’achève le roman, le narrateur revenu sur son lit d’hôpital évoque ce qu’on pourrait considérer comme une théorie du complot.

Encore un bon roman de Leo Perutz.

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La neige de saint Pierre

C'est un récit à la première personne. Un jeune homme se réveille dans une chambre d'hopital, sortant d'un coma qui a duré cinq semaines après avoir été victime d'un accident de voiture.

Du moins c'est ce que lui explique le médecin qui est à son chevet. Georg Friedrich Amberg, le narrateur, prétend qu'il s'agit d'une erreur : jeune médecin engagé par le baron von Malchin, il a quitté Berlin cinq semaines plus tôt pour remplacer le médecin de Morwede, village en Westphalie. Il y a travaillé pendant plusieurs semaines, retrouvant Kallisto, une jeune femme dont il était amoureux du temps de ses études.Ses souvenirs entrent en collision constante avec la réalité que lui renvoient les soignants : tout lui a paru si tangible, et cependant il en vient à douter de la véracité de ce qu'il pense avoir vécu.

Ce roman est le récit de ces "souvenirs", entrecoupés de retours vers sa chambre d'hopital. Le baron est un ancien ami de son père, et l'a surtout fait venir pour qu'il s'occupe de sa fille Elsie, qui est souffrante. Il va révéler au narrateur qu'il se livre en secret à des recherches scientifiques qu'il poursuit depuis des années, et qui sont proches de réussir : il veut mettre au point la "neige de saint Pierre", une drogue tirée d'un parasite du blé capable d'aider les hommes à retrouver la foi en Dieu. Kallisto l'aide dans ses travaux.

Le lecteur est amené à douter, autant de la véracité des souvenirs de Georg que des propos du médecin. Nous trouvons des indices d'une conspiration contre le narrateur autant que des traces de la constitution d'une éventuelle fantasmagorie provoquée par le coma.

J'ai beaucoup aimé ce roman , les indices se démentent, les pistes se creusent sans se rejoindre, jusqu'à la dernière page .

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La neige de saint Pierre

L. Perutz, un écrivain germanophone d’origine juive, a publié ce livre en 1933, l’année de l’accession au pouvoir de Hitler. Les nazis ont évidemment interdit son roman. L’auteur est un maître dans l’art de l’illusion: dans ses récits il laisse planer un doute sur le vrai et le faux et il est impossible de distinguer ce qui appartient au domaine du réel et ce qui relève de l’hallucination. Mais le lecteur n’est pas gêné par cette incertitude, nulle perplexité ne l’empêche de goûter à ce récit qui relève du thriller.

Voici l'histoire. Georg F. Amberg reprend conscience dans un hôpital avec des souvenirs terribles. Il se souvient d’événements extraordinaires survenus dans les semaines précédant son coma. Amberg est un médecin venu soigner les paysans d’un village, sur la demande d'un noble, le baron von Malchin. Quand il évoque ces souvenirs, tout le monde considère qu’il délire. Ce qu’il raconte de ce passé récent a-t-il eu lieu dans la réalité ? Sans doute oui, car des indices vont dans ce sens. Le lecteur prend un grand plaisir à suivre le narrateur dans l’histoire incroyable qui semble avoir été vécue par Amberg. Je ne déflorerai surtout pas l’intrigue de ce livre, ce serait gâcher le plaisir de la lecture.

Un bon roman qu'on doit à un écrivain maintenant un peu oublié.
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La neige de saint Pierre

Dans un hôpital, notre narrateur, jeune médecin, se réveille et s'entend expliquer que renversé par une voiture, il a passé cinq semaines dans le coma. Seulement voilà, lui est persuadé d'avoir évité la voiture, pris le train qui l'attendait,et passé cinq semaines employé par le baron von Malchin, cinq semaines terminée par un drame à cause de la mystérieuse Neige de Saint Pierre, dont je ne vais pas vous dire ce que c'est pour vous laisser le plaisir de la découverte, comme je l'ai eu.

Où est la réalité? On lui ment, mais pourquoi? Ou est ce qu'il commence à se tromper, est-ce qu'il a des séquelles? Notre narrateur est-il fiable?

Le talent de l'auteur transparaît dans cette oeuvre qui sans cesse nous fait nous interroger, nous offrant une intrigue, quelle soit réelle ou imaginaire, plutôt passionnante et originale.

Un très bon cru d'un auteur vraiment pas assez connu, tant de talents mériterait plus de rééditions et plus de devantures de librairies !

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La neige de saint Pierre

Une fable introspective et fantastique en forme d’avertissement contre la manipulation des masses et le totalitarisme.



«Lorsque la nuit me libéra, j’étais une chose sans nom, une créature impersonnelle qui ne connaissait pas les concepts de «passé» et d’«avenir». Plusieurs heures durant, mais peut-être aussi seulement l’espace d’une fraction de seconde, je restai allongé, dans une sorte de torpeur à laquelle succéda un état que je ne saurais plus décrire à l’heure qu’il est. Si je disais qu’il s’agissait d’un état de conscience vague, imprécis, allié à un sentiment d’indétermination totale, je n’exprimerais que de façon imparfaite ce que cet état avait de particulier et de singulier.

Il serait aisé de dire que je flottais dans le vide. Mais ces mots n’ont aucune signification. J’avais simplement le sentiment que quelque chose existait, mais je ne savais pas que j’étais moi-même ce quelque chose.»



Débutant lorsque le narrateur, Georg Friedrich Amberg, émerge du coma, ce roman de l’écrivain autrichien Leo Perutz (1882 – 1957) publié en 1933, traduit par Jean-Claude Capèle pour les éditions Fayard (1987) et réédité chez Zulma en 2016, est placé d’emblée sous le double signe du fantastique et de l’incertitude.



La suite sur mon blog ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La neige de saint Pierre

Publié en 1933 et aussitôt interdit pas les nazis, c’est l’avant dernier roman de Leo Perutz, auteur autrichien d’origine juive, publié de son vivant. Un jeune médecin, Georg Friedrich Amberg, se réveille mal en point dans un hôpital. Les souvenirs qu’il a des cinq dernières semaines écoulées, ainsi que de ses raisons de se retrouver en mauvais état et alité, différent sensiblement du discours qu’on lui tient à l’hôpital : renversé par une voiture, il aurait passé ce temps dans son lit, plus ou moins comateux.



Or Amberg a des souvenirs très précis des événements qui se seraient déroulés dans le village de Morwede, dans lequel il a pris ses fonctions de médecin. Le village est régi par le baron von Malchin, un ami du défunt père d’Amberg. Le baron a d’étranges lubies et projets : il rêve de restaurer le Saint Empire Germanique, et pour ce faire imagine de se servir de la science, et utiliser une étrange substance, qui pourrait agir sur l’esprit des hommes, et lui permettre de les manipuler. Il est aidé dans ses recherches par une jeune femme, qui a déjà croisé la route d’Amberg et dont il est amoureux. Le jeune médecin assiste en tant que spectateur aux menées du baron et de sa collaboratrice, qui n’ont pas forcément les mêmes objectifs. Sceptique et refusant de s’engager, il sera toutefois aux premières loges pour suivre les faits jusqu’aux événements graves et tragiques, dont il sera finalement une des victimes. Mais c’est un tout autre discours qu’il entend à l’hôpital : tous ces événements ne seraient-ils que le résultat d’un délire ? ou certains ont-ils intérêt à cacher ce qui s’est passé à Morwede ?



Nous ne pourrons répondre avec certitude à cette dernière question, chaque lecteur est libre de choisir l’option qui lui convient le mieux, ou de se dire que l’incertitude est inévitable. L’essentiel est dans le tableau halluciné et hallucinant d’une communauté vivant d’une manière rétrograde, dans laquelle un appétit de puissance et de manipulation voit le jour, et rend toutes les atrocités possibles. Le village a des allures de cauchemar, à la limite du fantastique et de l’horreur, le roman joue aussi avec des techniques de romans policiers, sans oublier la science-fiction. Mais tout cela est utilisé en permanence par Perutz avec une sorte de distanciation, de second degré. Toutes les pistes sont incertaines et ne mènent à aucune solution solide. L’étrange labyrinthe de l’esprit humain ne semble pas avoir de sortie.



L’auteur crée un univers fantasmagorique, avec ironie et maestria, mais qui en même temps pose des questions qui n’ont rien d’irréel, la manipulation des masses, la façon dont le fanatisme peut se traduire en fonction de la société dans laquelle il émerge, par exemple, sont d’une brûlante actualité, et non seulement à l’époque où le livre a été écrit.



Brillant, dérangeant, frustrant, mais aussi très jouissif et posant plein de piste de réflexion, c’est encore une grande réussite dans l’oeuvre de Leo Perutz.
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La neige de saint Pierre

Étendu sur un lit d'hôpital, Georg Friedrich Amberg, jeune docteur au service du Comte Malchin, se réveille de plusieurs semaines de coma. Selon ce qu’on lui rapporte, il aurait été percuté par une voiture, alors qu'il se rendait dans le village de Morwede, où il était attendu pour soigner les villageois. Pourtant, le docteur se souvient bien s'y être rendu et avoir rencontré les habitants. Il croit aussi reconnaître le personnel de la clinique, qui aurait quelque chose à voir avec le drame. La puissante drogue inventée par le Comte pour restaurer la ferveur religieuse des villageois aurait-elle un rapport avec les événements ? Entre cauchemar et hallucinations, la vérité semble se dérober...



Né en 1882 à Prague, Léo Perutz livre un thriller captivant, à la frontière de la raison et de la folie, où se mêlent manipulation et conquête du pouvoir. Paru en pleine ascension du nazisme, La Neige de Saint-Pierre, œuvre d'un écrivain juif, fut interdit par le régime en 1933. Léo Perutz dut fuir l’Autriche en 1938 et émigra à Tel Aviv. Ses ouvrages n’ont de cesse d'explorer la frontière poreuse entre le réel et l'imaginaire. L'écrivain argentin Jorge Luis Borges participera à la redécouverte de cet auteur majeur, qu’il considérait comme un “Kafka aventureux”.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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La neige de saint Pierre

Lecture commune avec Bellonzo



3ème Lecture pour ma part de Leo Perutz (auteur né à Prague fin du XIXème)

J’avais été conquise par Le marquis de Bolibar, opus qui a ma préférence à ce jour (ah, LE livre qui nous fait découvrir un auteur est parfois inégalable... ce livre met en scène LE Diable)



Ma deuxième lecture de l’auteur fut le célèbre « cavalier suédois » qui m’a également beaucoup plu (un récit également fantastique où le Diable à nouveau est un personnage presque à part entière).



Quelle est donc l’histoire de cette « neige de Saint pierre » ?



1932, un homme se retrouve à l’hôpital, il se réveille d’un coma qui selon lui a duré quelques jours mais qui, selon l’infirmière et le médecin, a duré plusieurs semaines…il va nous raconter ce qui lui est arrivé pendant ce laps de temps : mais le fait qu’il nous raconte son histoire de son lit d’hôpital ajoute une dimension fantastique à son récit : est-il un affabulateur ou ce qu’il dit s’est réellement passé ?



Georg, ce jeune médecin trouve son premier poste à la campagne. Il nous fait part tout d’abord de ses études où il fait la connaissance d’une certaine Kallisto, étudiante grecque, mais, timide, il n’ose lui déclarer sa flamme et la perd de vue. Etrange coïncidence, il retrouve cette jeune femme juste chez son nouvel employeur, un certain baron ou peut être le Diable ou Dieu allez savoir…. L’homme est étrange et travaille sur l’invention d’un composé chimique qui pourrait « changer l’humanité ». Georg, faible, accepte de participer modestement à ces expériences, puis renonce et fait marche arrière sans le dire à son employeur….ce mensonge précipitera-t-il une issue qu’au fil des pages on devine fatale…. ?



En tout cas, Georg est témoin de ces expériences qui ne sont pas sans rappeler celles qui seront pratiquées plus tard dans les camps de concentration… Visionnaire, Léo Perutz ? en tout cas, ce livre est interdit en Allemagne dès 1933…Dénoncer que l’on puisse ainsi manipuler les foules….



En conclusion : un bon roman où on retrouve des ingrédients fantastiques mais aussi une situation bien réelle, plausible. Le seul bémol est que j’ai rapidement pris en grippe Kallisto et ses minauderies (pfttt cette façon qu’elle a de se faire appeler Bibiche….Bibiche par ci, Bibiche par là ….Je me demande comment on dit Bibiche en Allemand ….)



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La neige de saint Pierre

J'ai entrepris la relecture de l'œuvre de Perutz, romans courts mais percutants, en lisant celui-ci comment ne pas songer à Kafka ? ou bien en plus moderne à Ubik de K. Dick.

Où est la vérité, où est la réalité entre nos rêves et ce que nous pensons être la réalité. Dans ce roman, très dense, on ne sait jamais où est la réalité (existe t-elle seulement ?), Perutz ne répond pas et il a raison de nous laisser à la fin du roman, perplexe et plein de questionnements. La durée de vie du livre est ainsi prolongée par la réflexion.

N'hésitez pas à le chercher, Perutz se déguste et ce roman est un de ses meilleurs.

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La neige de saint Pierre

Rêve ou réalité ? Cette question a failli rester sans réponse, pourtant, quelques indices me donnent à penser que c’était la réalité…



Imaginez que vous vous réveillez sur un lit d’hôpital, vos derniers souvenirs sont qu’une personne vous a assommé avec un fléau…



Le médecin vous signifie qu’on n’utilise plus de fléau pour battre le blé, nous sommes en 1932 tout même et qu’en plus, vous avez été renversé par une voiture.



Youyou, il y a quelqu’un là-dedans, McFly ?



Le doute s’installe. Avez-vous rêvé votre histoire ou vous ment-on ?



Puisque le doute l’habite, le jeune docteur Georg Friedrich Amberg va donc faire appel à ses souvenirs pour nous expliquer son histoire et nous donner la vérité, qui est ailleurs, comme toujours.



L’auteur, au moyen des souvenirs de son personnage principal, va nous entraîner dans un petit village, perdu au fond du trou du cul de la Westphalie, où règne le baron von Malchin et où tout est encore à l’ère manuelle, comme dans des temps reculés.



Si les expériences de petit chimiste de Gaston Lagaffe étaient réputées pour être dangereuses pour tout l’immeuble des éditions Dupuis, ainsi que pour celui de leurs voisins, Ducran et Lapoigne, les expériences chimiques du baron et de son associée, la belle Kallisto Tsanaris (Bibiche pour les intimes) ne le sont pas moins.



Croyez-moi, l’univers de ce roman est spécial, tournant parfois au huis-clos puisque nous sommes dans un petit village et que le baron voudrait, au travers de son fils adoptif, Frederico, ultime descendant de l’empereur Frédéric II (qu’il dit), rétablir la dynastie des Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique (Ier Reich). Rien de moins…



Bizarre cette idée de vouloir rétablir un grand Empire… C’est moi ou ça pue l’idée du grand Reich de l’autre moustachu de sinistre mémoire ?



Vu que son roman a été interdit dès 1933 par les nazis, ces petits êtres sadiques, je pense qu’en effet ces tristes sires y ont vu, eux aussi, une allégorie des idées de grand empire prônée par leur grand guignol fanatique aux idées détestables et assassines.



Mince alors, ils avaient donc un cerveau ? Ou alors, délation, quand tu nous tiens.



Anybref, voilà une lecture que je n’aurais jamais faite dans ma copinaute Rachel et sans l’erreur qui fut sienne d’acheter ce roman en lieu et place de "La nuit sous le pont de pierre" du même auteur et que j’avais coché pour mon Mois du Polar (PTDR).



Une erreur qui a bien fait les choses car elle m’a permise de lire ce roman étrange, qui se lit facilement et qui parle des rêves un peu fous d’un baron, peut-être pas si frappadingue que ça, et qui va tenter, grâce à une substance chimique, de manipuler les foules pour leur rendre… Je ne vous dis rien de plus.



C’est un roman qui explore à la frontière entre la réalité et le fantasmagorique, qui se promène aux frontières du réel, faisant hésiter le lecteur et le personnage sur les faits qui se sont produits et dont il a été le témoin direct.



Malgré le fait que tout le monde lui dit le contraire, notre docteur se raccroche à ses souvenirs et se demande pourquoi on tente de le manipuler. La réalité serait-elle une illusion ? Ou le rêve est-il vraiment la réalité et on veut l’empêcher d’en parler ?



Un roman qui met en avant, avec moquerie, le Premier Reich, touchant par là-même le Troisième qui se voulait aussi grand, qui parle de la foi comme de l’opium du peuple (mais d’une autre manière que je ne divulgâcherai pas), qui parle de la manipulation des masses par quelques personnes, le tout sur un ton assez badin, amusant, mêlant habillement le roman d’investigation à celui d’anticipation.



On comprend l’interdiction de l’époque ! Mais maintenant, on peur le lire sans peur et sans reproches.



Une LC avec Rachel qui, malgré les cafouillages du départ, aura été une belle découverte. Elle, comme moi, a apprécié sa lecture. D’ailleurs, elle vous le confirmera dans sa chronique.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La neige de saint Pierre

Nous ressortons tout étourdi de la lecture de ce livre qui se fait d'une seule traite tant l'intrigue est captivante.

Et encore une fois Pérutz nous promène à son gré tout au long de son histoire: ou est la vérité? sa vérité ? la frontière entre la réalité et la fiction est bien tenue pour notre plus grand bonheur de lecteur



Si vous ne connaissez pas Léo Pérutz vous avez une chance inouïe : une grande oeuvre à savourer
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La neige de saint Pierre

Georg Friedrich Amberg se réveille à l'hôpital d'un coma qu'il estime d'une durée de cinq jours en dépit des affirmations du personnel soignant, qui le fixe à cinq semaines. Il en conteste de même les causes, prétendant avoir été blessé par un pistolet lors d'une révolte, et non avoir été victime, en tant que piéton, d'un accident de voiture...



Il revient en narrateur sur les événements à l'origine de son hospitalisation.



Farouchement poussé à faire des études par la tante sévère et laconique qui s'est occupé de lui après le décès de ses parents, Georg obtient un diplôme de médecine, et trouve son premier poste à Morwede, bourgade de Westphalie isolée et grisâtre, administrée par le baron von Malchin, une vieille connaissance de son père défunt.



Sur place, il fait la connaissance de Praxine, arrogant prince russe et assistant du baron, de la fille de ce dernier, Elsie, alitée car malade et mystérieusement éloignée de la demeure paternelle, et de son fils adoptif Federico, fougueux et ombrageux adolescent qui semble éprouver une brûlante passion pour sa sœur. Et surtout il y retrouve la belle Kallisto, dite "Bibiche", inaccessible étudiante grecque avec qui il a étudié à la faculté, et sur laquelle il n'a jamais cessé de fantasmer. Il apprend bientôt que la jeune femme a été recrutée un an auparavant par von Malchin, afin de l'aider à élaborer une substance ayant le pouvoir de faire revenir la foi parmi les hommes. Ses travaux sont d'ailleurs sur le point d'aboutir, grâce aux propriétés d'une plante baptisée "Neige de Saint-Pierre", dont les propriétés prosélytiques auraient déjà été démontrées dans le passé.



Ajoutez à ce contexte une obscure histoire de descendant direct et unique de l'empereur Frédéric II que le baron rêve de placer sur le trône restauré d'Allemagne, et nous avons là des ingrédients embrumant l'intrigue d'une part d'étrangeté quelque peu inquiétante, d'autant plus que dès le départ, Georg évoque des événements et des impressions accentuant cette atmosphère singulière, énigmatique.



Il est pris de vagues pressentiments, de sensations bizarres et floues, d'une sorte de paranoïa qui lui fait déceler d'occultes symboles sur des objets banals et opérer d'improbables rapprochements entre des individus ou des situations a priori sans lien les uns avec les autres. Il plane en permanence une odeur de chloroforme dans sa chambre, les personnes qu'il côtoie disparaissent parfois de son champ de vision sans qu'il comprenne comment, mais lui-même évoque tous ces signes avec une étonnante indifférence.



Le roman de Leo Perutz, récit du combat d'un homme face à une réalité qui lui échappe, à laquelle il tente de se raccrocher coûte que coûte, nous offre un suspense digne d'un roman policier, tout en nous imprégnant d'une ambiance prégnante, à la fois onirique et angoissante, et en s'interrogeant, non sans humour, sur l'aveuglement des masses et les mécanismes dogmatiques...



A lire.
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La neige de saint Pierre

Jamais Leo ne m'a déçu. Il est dans mes tout premiers compagnons de lecture, en compagnie de ma fidèle colectrice Valentyne, cette fois pour La neige de saint Pierre, neuvième livre de cet auteur juif autrichien en ce qui me concerne. Valentyne a-t-elle été convaincue, elle qui, je crois, n'avait pas lu cet écrivain? Je considère Perutz (1882-1957, né à Prague, ayant vécu à Vienne, exilé à Tel-Aviv, une vie bien remplie) comme un des conteurs les plus importants de ma chère Mitteleuropa qui m'a déjà donné tant de bonheurs littéraires. Sous ce titre énigmatique (mais Perutz a souvent des titres curieux, Où roules-tu, petite pomme? ou Le Cosaque et le Rossignol ou Le miracle du manguier, découvrez-les, ça vaut le coup), se cache une découverte biologique explosive dont je vous laisse la surprise. Sachez cependant que le livre fut interdit par le pouvoir nazi dès sa parution en 1933.



Allemagne années 30. Dans le modeste village de Morwede, au fin fond de la Westphalie, quelques personnages, Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, une séduisante collaboratrice, d'origine grecque, Kallisto dite Bibiche, oui, un aristo russe ruiné par le bolchevisme, un curé de bonne volonté, tout ce petit monde, dans le sillage du baron, joue en fait à l'apprenti sorcier. Et que va-t-il sortir de cette sorte de chimie? Une drogue surpuissante qui permettrait la manipulation de tout un peuple? Vous comprenez maintenant le pilori national-socialiste pour ce roman un peu brûlot et d'ailleurs pour tant d'autres.



Du laboratoire du baron une sorte de virus des céréales, champignon, parasite, je ne sais exactement, pourrait bien changer le monde. La neige de saint Pierre (l'un des nombreux noms de cette lèpre) est évidemment une fable annonciatrice et le baron Malchin poursuivant des buts douteux et un délire mégalomaniaque rappelle quelqu'un. Souvent drôle, parfois hallucinant, ce livre s'apparente aussi au roman d'investigation, voire d'anticipation, où Jules Verne aurait croisé Jorge Luis Borges. Je suis un inconditionnel de Leo Perutz, cela ne vous aura pas échappé. Notamment pour sa façon de prendre à bras le corps toute l'histoire tourmentée de cette Europe Centrale dont le baron voudrait restaurer la grandeur quitte à lorgner vers une tyrannie qui ne hante pas seulement les fictions littéraires. Pour l'imagination faites confiance à Leo.



" Cette maladie des céréales s'appelait en Espagne le lichen de Madeleine, en Alsace la rosée des pécheurs, à Crémone le blé de la miséricorde, à Saint Gall le moine mendiant, dans les Alpes la neige de Saint Pierre, en Bohème la moisissure de Saint Jean,, chez nous en Westphalie le feu de la Sainte Vierge."









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La neige de saint Pierre

Je crois n'avoir jamais lu cet auteur et j'ai été subjuguée par son écriture.

L'histoire, quant à elle, me paraît un peu fantastique, car comment faire vraiment la part des choses ?

Qui a raison, le narrateur ou les médecins ?

Et je me suis posée la question : peux-t-on fabriquer des souvenirs quand on est dans le coma ?

Ou est-il manipulé ?

Que de questions ce livre a soulevé en moi outre le plaisir de la lecture !
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La neige de saint Pierre

SOMMES NOUS VRAIMENT CE QUE NOUS SOMMES ?



Entamer un roman de Leo Perutz, c'est à coup sûr se retrouver dans une autre part de soi, de nous. C'est aller au-delà du vraisemblant tout en s'escrimant à y rester inconfortablement accroché. La Neige de saint Pierre ne déroge pas à cette règle, qui nous emmène aux confins de la réalité et du rêve, entre certitudes et questionnements, entre manipulation et expérimentation, entre conviction et doute.



Et la confrontation violente de tous ces antagonismes, le jeune médecin Georg Friedrich Amberg va l'éprouver dès les premières pages de ce roman confession, tandis qu'il reprend ses esprits dans un hôpital où il est convaincu s'être retrouvé suite à une véritable scène de pugilat et de révolte - au cours de laquelle il est persuadé avec récolté une balle qui ne lui était pas destinée - scène d'émeute qui aurait eu lieu moins d'une semaine auparavant, en cette fin janvier neigeuse, tandis que les praticiens qui l'entourent, en particulier un ancien collègue de recherche, ne cessent de lui affirmer qu'il est là depuis un peu plus de cinq semaines suite à un malheureux accident de la circulation au cours duquel il a bien failli perdre la vie !



Bien évidemment, Amberg est persuadé détenir la vérité, SA vérité. Alors, dans le silence de sa chambre d’hôpital, tout juste troublé par les soins qu'il doit subir, ainsi que par les regards en biais d'un homme qu'il est certain de reconnaître comme étant l'un des principaux protagoniste de cette étrange affaire - un prince russe en exil et réduit à la misère comme nombre de ses semblables depuis la révolution bolchevique, nommé Praxatine -, Georg Friedrich tâche de se remémorer les événements des supposés jours derniers.



Il se souvient de son existence et de ses études berlinoises, la médecine, entamée sans vocation sur les injonctions de la tante qui l'a recueilli après le décès prématuré de son père, un historien connu mais vivant chichement. De sa rencontre, dans un centre de recherche, d'avec une belle et fascinante jeune femme d'origine grecque, Kallisto Tsanaris, surnommée Bibiche. De son départ plus ou moins précipité de Berlin où il ne trouve pas de clientèle, étant parfaitement désargenté, pour une offre d'emploi obtenue sans grand engouement au cœur d'un petit village perdu de la triste campagne de Westphalie, non loin d'Osnabrück.



Là l'y attendent le baron von Malchin, une ancienne et étrange connaissance de son père, le fameux Prince russe devenu son régisseur, cette Bibiche tant chérie - de manière parfaitement platonique et secrète - par le jeune médecin et requise dans cette aventure pour ses connaissances en biologie, un vieux curé débonnaire mais sans force, un instituteur complotiste, une populace pauvre, sans grand rêve ni désir, la fille du baron, malade de la scarlatine et d'une constitution fragile (que l'on verra fort peu), et de son fils adoptif, Frederico, supposé être l'ultime descendant direct de l'empereur Frédéric II.



Permettez une petite digression historique : mort en 1250, Frédéric II fut un régnant hors du commun au point qu'il fut surnommé, entre autre, la « Stupeur du monde ». Aucun de ses fils ne parvenant à reprendre sa succession, il sera le dernier empereur Hohenstaufen du Saint Empire Romain Germanique. Après son décès se profila ce qu'on appellera le "Grand interrègne", laissant place à une lutte sans merci entre les guelfe et les gibelins - à laquelle se mêlèrent activement les papes d'alors, contre les Hohenstaufen - et à la fin duquel ce fut la famille des Habsbourg qui se retrouva sur le trône impérial. Même si ce n'est qu'en filigrane dans le roman de Leo Perutz, et méconnu des français, cette idée de rétablir un grand Reich originel et supposé pur et parfait, sur une base totalement fantasmatique, abracadabrante, était assurément d'une parfaite limpidité aux yeux du lecteur germanophone et, bien entendu, des autorités nazis en Allemagne. Un exemple de plus de cet humour fin mais très grinçant qu'affectionnait tant le pragois...



Si ce Frederico, descendant supposé bien que terriblement lointain de son homonyme germanique a été adopté par ce baron un peu dérangé c'est que ce dernier espère lui redonner son trône ! Pour se faire, il veut manipuler les foules afin qu'elles retrouvent le niveau de foi religieuse qu'elle connaissait en ces temps immémoriaux et médiévaux. Mais si le baron est pris d'une idée fixe, il n'est pas totalement fou : il sait bien que son époque est top légère, trop frivole pour retrouver la foi "pure" des ancêtres. Aussi espère-t-il produire cet intangible renouveau spirituel par le biais d'une substance chimique, La Neige de saint Pierre, encore appelée ailleurs "le moine mendiant", la "moisissure de saint Jean" ou encore "le feu de la Sainte Vierge"...!

Cette moisissure, ce champignon microscopique, s’amalgamant à la farine du blé dont elle était issue, aurait provoqué de véritable crises mystiques à grande échelle et c'est donc ce que le baron, malgré la désapprobation définitive de son ami le curé du village - qui craint plutôt l'émergence de Moloch, la foi ne pouvant être pour lui que le fruit d'une longue recherche intime - souhaite faire renaître afin de recréer de toute pièce, et par la volonté d'une populace sous dopant, l'antique Saint Empire...



Au passage, il est fort probable que Leo Perutz se soit inspiré des ravages longtemps causés par un autre champignon parasite, l'ergot du seigle, qui rendait "fou" ceux qui en avaient ingurgité. Le surnom donné à ce mal était "mal des ardents" ou "feu de saint Antoine", bien entendu attribué à de la sorcellerie ou à des pouvoirs démoniaques. Faisant à nouveau jouer son sens de l'humour indémontable, l'auteur du roman "Le Maître du Jugement dernier" inverse ainsi les valeurs, transformant donc une moisissure qui fit jadis des centaines de milliers de morts en bénédiction pour la foi, se moquant finalement de tout cela avec un rire que l'on imagine aussi discret qu'immensément sarcastique. Cet homme-là est -

généreusement - diabolique ! Notons au passage que la substance présente dans cet ergot est un des composant du... LSD !



Sans en donner les détails, au risque de trop en divulguer, est-il utile de préciser que le résultat des recherches du baron ne sera non seulement pas à la hauteur de ses espérances absurdes mais qu'elles provoqueront même, en quelque sorte, son exact contraire...



Et Amberg de se retrouver une fois encore confronté à ses médecins qui lui affirment sans trêve, les yeux dans les yeux, que tout ce qu'il pense avoir vécu n'a pu arriver puisqu’il est là depuis plus de cinq semaines, qu'il n'est jamais allé plus loin que le parvis de la gare d'Osnabrück, qu'une telle émeute aurait fait grand bruit, etc.



Comme chaque fois avec Leo Perutz, souvent comparé à Kafka pour certains aspects de leurs œuvres (dont il partage aussi une même ville d'origine : Prague, et même un premier emploi dans la même compagnie d'assurance !), il n'y a jamais qu'un tout petit fil tendu entre la réalité et, plutôt que ce que l'on pourrait qualifier de rêve, une sorte de réalité alternative et concomitante.

Car si ce roman intrigant, décalé, au rythme sans doute moins époustouflant, moins échevelé que son texte probablement le plus connu en France, Le Cavalier suédois, retient autant l'attention du lecteur, c'est que, par son tempo d'abord faussement alangui mais nous dirigeant imperceptiblement vers une forme de climax irrépressible - n'a-t-on pas affaire aux souvenirs d'abord hésitants d'un convalescent ? -, par la forme narrative employée, digne des meilleurs polars, par cette sensation d'inconfort permanent, mais jubilatoire, dans lequel il fait mariner le lecteur, il nous plonge au beau milieu d'une double manipulation : Celle voulue par un seul sur l'ensemble d'une population, celle d'un petit groupe de gens de l'art sur l'esprit d'un seul. Ainsi surgit cette question transcendantale, métempirique : Ce que je vis, ou crois vivre, ou encore me souvenir est-elle la "Vraie" vie, la seule possible puisque je l'ai personnellement ressentie, intériorisée, expérimentée, ou bien celles perçues par l'entourage, parfois totalement antagoniste avec ma propre perception sont-elles plus vraies, plus exactes ? Ne sommes-nous pas simplement les rêves d'un autre ? Ou bien, a contrario, les êtres qui m’entourent ne prennent-ils vie que par ma propre volonté...? Ces questions, bien plus cruciales qu'elles ne peuvent le sembler dans un monde pourtant pas encore "virtuel" alors, fait de connexions instantanées mais physiquement invérifiables, comme celui que nous connaissons aujourd'hui, préfigurent bien les interrogations que se poseront plus tard un Philip K. Dick, dans le domaine de la Science Fiction, par exemple, mais aussi, dans une certaine mesure, rejoint ce qu'Albert Einstein affirmait, que la réalité n'est qu'une illusion, ou encore certains travaux d'Edgar Morin en philosophie.



Il serait injuste de ne pas aussi rappeler que cet ouvrage, paru en 1933, fut aussitôt interdit en Allemagne nouvellement nazie. A la lumière de ce que nous venons de voir - manipulation à grande échelle par un petit nombre, esprits faibles subjugués, références moqueuses au premier Reich dont le IIIème se réclamait évidemment, etc. Sans oublier les origines juives de son auteur, même si les grandes lois antisémites ne sont pas encore toutes en place - il ne pouvait en aller autrement.



Un autre aspect du roman mérite qu'on s'y arrête un instant : celui, tourné en un certain ridicule, de la foi, des croyances, de la religion pour lesquelles il suffirait donc d'un genre de LSD pour lui (re)donner toute l'énergie voulue. Mais aussi, la foi comme ultime ressource quand on a plus rien. Et puis, ultime clin d’œil de Leo Perutz, difficile à évoquer en détail ici sans risquer de "divulgâcher" - comme on dit, parait-il, au Québec -, la foi, n'importe quelle, comme éternel opium du peuple. Un opium fonctionnant sous dope...? L'humour sarcastique et à tiroirs multiples de cet immense écrivain de la Mittel Europa de l'entre deux guerres (il ne publiera quasiment plus rien après son installation en Palestine en 1938, jusqu'à son décès en 1954) est lui aussi une arme de destruction massive de nos certitudes, de nos faiblesses, de nos fausses idoles et de nos aberrations : Lire Perutz, c'est tout simplement Jubilatoire !
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La neige de saint Pierre

Cela faisait longtemps que je n’avais pas craqué sur l’une des magnifiques couvertures de la maison Zulma, voilà qui est réparé avec la lecture de « La neige de Saint Pierre », de Leo Perutz. J’ai cru avec le titre être emportée sur l’île de Saint Pierre et Miquelon, et bien pas du tout, on se retrouve au contraire enterré dans le fin fond de l’Allemagne rurale d’avant-guerre. Georg se réveille un beau matin à l’hôpital dans un sale état. Ses souvenirs sont un peu brumeux, et ne coïncident pas du tout avec ce que lui racontent les médecins : au banal accident de voiture évoqué, il préfère ses aventures de jeune médecin sur les terres du baron von Malchin…

Je ne le savais pas du tout, mais Leo Perutz est souvent comparé à Kafka : mêmes origines, quasiment même histoire, et mêmes succès littéraires, qui par contre sont plus difficilement parvenus jusqu’à nous. Je ne le comprends pas, car la lecture de ce roman fut pour moi passionnante, jouant tout du long sur la dualité rêve/réalité, et posant la question de la manipulation des populations. A l’aube de la seconde guerre mondiale, inutile de vous dire que les nazis avaient interdit ce livre dès sa parution. Bref, une super découverte (et en plus très bien écrite !).
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La neige de saint Pierre

Après avoir lu ce livre étonnant, détonant, je me suis aventurée sur les critiques du site.

Et en premier, celle qui est venue en premier, était celle d'Eric... longue, magnifique, sauf que après que dire ? Arrivant en 2021, ma première lecture de cet auteur, fascinée certes par cette découverte, qu'est-ce que je vais pouvoir dire de neuf ?

d'abord j'ai découvert cet auteur par l'éditeur décidément très intéressant,

puis j'avais cheminé chez les auteurs allemands, autrichiens, hongrois, de langue allemande...



Je ne vais pas raconter puisque Eric l'a tellement bien fait

Ce qui est absolument magnifique dans ce roman, jubilatoire, c''est le contraste permanent, entre l'existant et le non existant, entre la réalité et l'inventé ou l'imaginé.

Cette espèce de balance que nous donne l'auteur est géniale.



Ce qui est absolument génial c'est cette vision extraordinaire qu'a l'auteur, sur la mise en place des systèmes totalitaires... on parle souvent de 1984 de George Orwell, mais, beaucoup d'autres oeuvres et antérieures ont alerté sur la mise en place des totalitarismes... la preuve, celle-là.

Une lecture belle et agréable.

Une plongée dans l'histoire de l'Allemagne, histoire qui mérite d'être connue et reconnue.

Une jubilation car primo c'est très très bien écrit et deux, c'est d'un humour sarcastique et à plusieurs degrés.

Bref un vrai moment de plaisir.



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