Citations de Leslie Poles Hartley (30)
The past is a foreign country : they do things differently there.
[incipit]
Le passé est un pays étranger : on y fait les choses autrement qu’ici.
Je retournai dans le vestibule. Les présences que je sentais, de l'autre côté de la porte, me rassuraient. Les gens qui étaient assis au salon ne savaient pas que j'étais là, mais ils étaient comme ces spectateurs sur le quai, qui saluent le bateau au moment du départ et réconfortent le passager solitaire, même si leurs adieux ne s'adressent pas à lui.
Je ne pouvais parler à personne : j'étais voué à la solitude ; j'étais une tour du silence au haut de laquelle blanchissaient les ossements d'un secret défunt - mais non, mon secret n'était pas mort, il était bien vivant au contraire et fatal, porteur de mort.
Quelque chose allait et venait de ces objets à moi : le plaisir intime de les reconnaître, l'émotion quasi mystique de retrouver ma propriété enfantine à soixante et quelques années.
J'étais enivré, léger comme si un bienfait miraculeux m'eût été accordé, qui m'eût transporté hors de moi-même et délivré des limitations de ma personnalité.
J'avais été promu à une existence plus haute […] dans des régions éthérées où je respirais à pleins poumons un air divin.
J'étais amoureux de l'exceptionnel et prêt à lui sacrifier le banal et le normal.
Communion totale, physique, avec l'été.
Une sorte de barrière s'était édifiée autour de sa relation avec Hilda, une barrière qui ne laissait passer ni air ni lumière bannissait l'humour et imposait une attitude guindée. (p238-239)
Il se peut qu'il soit plus grave de saigner de plusieurs blessures que d'une seule, mais la douleur, étant moins localisée, est plus supportable.
Elle ne répondit pas, mais enleva une bague de son doigt et, d’un air décidé, la posa sur le couvercle du piano. Puis elle s’installa, dans un froufrou de soie qui sembla se répandre autour d’elle comme un parfum, et joua les premières mesures.
(Chapitre XIII)
Les discours succédaient aux discours. C’était comme si les paroles, ce soir, avaient remplacé les grains de sable du sablier et mesuraient la fuite du temps.
(Chapitre XIII)
[...] j'entendis un faible déclic et je sentis les engrenages de la serrure se relâcher et se séparer ; au même moment, comme si dans mon esprit quelque chose aussi se détendait par sympathie, le secret du journal se révéla soudain à ma mémoire.
On dit que le cricket est plus qu’un jeu, une attitude de l’esprit, un point de vue. Je ne sais. On peut le considérer comme une succession de mouvements rituels ou comme un ballet, un ballet dans un champ vert, un ballet sur un fond d’arbres sombres, où des personnages vêtus de blanc se détachent et se meuvent à un rythme si subtil que les sens ont peine à le saisir, un rythme langoureux, interrompu parfois par une brusque tension. On peut apprécier ce spectacle sans savoir à quoi il se rapporte, ni ce qu’il signifie.
(Chapitre XI)
Les hommes se promenaient de long en large en mangeant leur porridge. Marc m’avait dit que cela était de rigueur et qu’il fallait être un rustre pour manger son porridge assis. J’errais à droite et à gauche avec le mien, craignant de le renverser. Les dames cependant restaient à table.
(Chapitre V)
Marc et moi avons été photographiés ensemble et, bien que la lumière ait pénétré dans un coin de l’appareil de façon alarmante, l’image brune et palie est un témoignage émouvant de ce temps où le pouvoir de la caméra étonnait encore et où elle n’avait pas appris à mentir.
(Chapitre II)
Sans être vraiment sales, ces reliques n’étaient pas non plus très propres, elles avaient la patine de l’âge. A mesure que, pour la première fois depuis cinquante ans, je les prenais dans ma main, le souvenir de ce qu’elles avaient signifié pour moi me revenait, affaibli comme le pouvoir des aimants, mais comme lui indubitable. Quelque chose allait et venait de ces objets à moi : le plaisir intime de les reconnaitre, l’émotion quasi mystique de retrouver ma propriété enfantine à soixante et quelques années.
(Prologue)
Je ne me rappelle plus notre entrée à l'église ni qui m'a dit où je devais m'asseoir. (...)
La première chose que je fis fut d'examiner les psaumes du jour et d'additionner le nombre de leurs versets. Je savais, en effet, que lorsqu'il y en avait plus de cinquante, je risquais de me trouver mal et d'être obligé de m'asseoir, évènement que je redoutais fort, car tout le monde se retournait pour me regarder. Une ou deux fois, on avait du me faire sortir de l'église et m'installer sous le porche jusqu'à ce que je me sente mieux. Certes, je n'étais pas mécontent de l'importance que me donnaient ces malaises... mais je craignais les préliminaires : la sueur froide, les genoux vacillants et l'angoisse avec laquelle je me demandais combien de temps je pourrais tenir encore. C'était peut-être un indice que la religion ne me convenait pas. A cette époque, les fidèles étaient plus endurants que maintenant et on récitait jusqu'au bout tous les psaumes du jour.
Quand je découvris le journal, il était au fond d'une boîte à cols en carton rouge assez fatiguée, dans laquelle, petit garçon, je mettais mes cols d'Eton. Quelqu'un, ma mère, probablement, l'avait remplie de trésors datant de cette époque. Il y avait là deux oursins vidés et desséchés, deux aimants rouillés, un grand et un petit qui avaient presque perdu leur pouvoir magnétique, des films enroulés autour d'une bobine, des bouts de cire à cacheter, une petite serrure à combinaison comportant deux rangées de lettres, un paquet de ficelle très mince et un ou deux objets indéfinissables qui devaient être des parties de quelque chose, je n'aurais su dire quoi. Sans être vraiment sales, ces reliques n'étaient pas non plus très propres, elles avaient la patine de l'âge. A mesure que, pour la première fois depuis cinquante ans, je les prenais en main, le souvenir de ce qu'elles avaient été pour moi me revenait, affaibli comme le pouvoir des aimants, mais comme lui indubitable. Quelque chose allait et venait de ces objets à moi : le plaisir intime de les reconnaître, l'émotion quasi mystique de retrouver ma propriété enfantine à soixante et quelques années.