Lisa Kleypas

- Si ma femme trouve un réconfort dans les boniments à la sauce gitane, je n'ai pas d'objection à ce que vous les lui débitiez. Toutefois, si vous vous avisez de l'embrasser de nouveau - même de façon platonique -, je vous transforme en eunuque.

Elle sentit la caresse légère de sa main qui lui lissait les cheveux, puis l'entendit murmurer :
- Reposez-vous, mon coeur. Je veille sur vous.

Après ce qui venait de se passer, il aurait dû être rassasié pour plusieurs heures. Or, il n'en avait pas eu assez. il avait connu l'orgasme le plus long, le plus dur, le plus intense de sa vie... et pourtant, le besoin de la posséder de nouveau, de s'enfouir en elle ne s'était pas atténué. C'était de la folie. Mais pourquoi ? Pourquoi elle ?

Sébastien quitta le lit et, les jambes flageolantes, s'approcha de la table de toilette. Etourdi, déconcerté, il avait l'impression que c'était lui qui venait de perdre sa virginité et non Evangeline.

Debout face à Saint-Vincent, Evangeline éprouva une sensation bizarre, comme un vertige. A l'instant où il lui glissa l'anneau au doigt, son coeur se mit à battre bien trop vite, déclenchant des vagues irrésistibles de quelque chose qui n'était ni de l'impatience ni de la peur, mais une émotion nouvelle qui exacerbait ses sens de manière insupportable. Il n'existait pas de mots pour décrire ce sentiment. Elle était affreusement tendue, soudain, et les battements de son coeur refusaient de se calmer. Leurs mains de plaquèrent l'une contre l'autre; les doigts de Saint-Vincent étaient bien plus longs que les siens, et sa paume douce et chaude.

- Je suis une cause perdue, je le crains. Tu veux toujours m'épouser ?
- Oui. Tout de suite.

"- Mon amour, murmura-t-il, personne ne t'a jamais dit qu'il était peu poli de rire au nez d'un homme qui fait sa déclaration ?

- Ce n'était pas la seule raison de votre colère, dit-elle. Vous n'aimez pas non plus qu'on vous désobéisse.
Westcliff eut un rire un peu rauque.
- En effet, admit-il en esquissant un lent sourire.
Un sourire qui transforma les contours sévères de son visage, et , en bannissant sa réserve naturelle, lui conféra une séduction mille fois plus attrayante que la simple beauté. Un étrange petit frisson fort agréable courut sous la peau de Lillian.

A l'occasion de visites dans les usines et les laboratoires. Lillian avait acquis une connaissance rudimentaire des arômes et de leurs associations. Elle avait même aidé à mettre au point le parfum de l'un des savons Bowman. Elle n'avait pratiquement pas eu de formation, mais M. Nettle la considérait comme un prodige. Malheureusement, du fait de son sexe, un tel talent resterait à jamais inexploité.

Elle prit une profonde inspiration avant de répondre:
- Parce que je t'aime.
Bien que Simon gardât le visage détourné, ces mots le prirent visiblement de court. Sa grande main se crispa sur le couvre-lit tandis que ses défences se fissuraient.
- Je mourrais mille fois pour t'épargner la moindre douleur, dit-il d'une voix tremblante. Et le fait que tu étais prête à sacrifier ta vie sans aucune nécessité est plus que je ne peux en supporter.
Les yeux d'Annabelle la picotèrent tandis qu'elle le contemplait, en proie à une bouffée de tendresse et de désir si puissante qu'elle en était presque douloureuse.
- J'ai compris quelque chose, déclara-t-elle d'une voix rauque, alors que j'étais à l'extérieur de la fonderie, à la regarder brûler en sachant que tu étais à l'intérieur...
Elle déglutit avec peine, puis reprit:
- Je préfèrerais mourir dans tes bras, Simon, plutôt que d'affronter la vie sans toi. Toutes ces années interminables... Tous ces hivers, ces été... Cent saisons à te vouloir et à ne jamais t'avoir. Devenir vieille alors que tu resterais éternellement jeune dans mon souvenir...
Elle se mordit les lèvres en secouant la tête, les yeux brillants de larmes.
- Je me suis trompée quand je t'ai dit que je ne savais pas où était ma place. Je le sais. Elle est auprès toi, Simon. Rien ne compte à part être avec toi. Tu m'as sur les bras pour toujours, et jamais- jamais, tu m'entends? - je ne t'écouterai quand tu m'ordonneras de m'en aller. Alors, conclut-elle avec un sourire tremblant, autant te résigner de cesser de te plaindre.
Avec une soudaineté qui la surprit, Simon se tourna pour l'attirer brusquement contre lui. Il enfouit le visage dans ses cheveux emmêlés, et d'une voix sourde, étranglée par l'anxiété, il murmura:
- Mon Dieu, je ne peux le supporter ! Je ne peux pas te laisser sortir jour après jour en redoutant à chaque minute qu'il t'arrive quelque chose, en sachant que ce qui me reste de raison repose entièrement sur ton bien-être. Je ne peux pas ressentir cela... C'est trop insupportable. Bon sang! Je vais tourner au fou furieux. Je ne servirai plus à rien ni à personne. Si seulement c'était un peu moins fort... Si je pouvais t'aimer seulement à moitié... je pourrais peut-être réussir à vivre avec.
Cet aveu brutal emplit Annabelle d'une joie sauvage, et c'est avec un petit rire chevrotant qu'elle répondit:
- Mais je veux ton amour tout entier.
Quand Simon releva la tête pour la regarder, son expression lui coupa le souffle. Il lui fallut plusieurs secondes pour se remettre.
- Ton coeur et ton esprit tout entier, continua-t-elle, avant d'ajouter d'une voix basse, provocante : Et tout ton corps, aussi.

Tout ne va pas bien! aboya Simon, le visage assombri par une colère grandissante. Jusqu'à la fin de mes jours je me souviendrai de ce que j'ai ressenti en sachant que tu allais mourir avec moi et que je ne pouvais rien faire pour t'en empêcher !

"- Je n'ai jamais entendu parler d'un homme aussi pressé d'aller se confesser à la famille de la fille qu'il vient de déshonorer, commenta-t-il avec aigreur.

"- D'accord, murmura-t-elle, prise de tremblements. Je l'admets... C'est vous que je veux.

Hunt s'approcha d'elle et glissa les doigts sous son menton pour l'obliger à croiser son regard.
- Voulez-vous dîner avec moi?
Le pouls d'Annabelle battait à une telle cadence qu'elle était certaine que Hunt le sentait.
- Je n'ai pas de chaperon, souffla-t-elle.
Cela fit sourire Hunt, qui laissa retomber sa main.
- Vous ne pourriez être plus en sécurité. Je ne risque pas de vous séduire quand vous êtes visiblement trop faible pour vous défendre.
- C'est agir en gentleman.
- Je vous séduirai quand vous irez mieux.
Réprimant un sourire, Annabelle arqua les sourcils.

Comme Annabelle se laissait aller contre ses oreillers, la main posée sur le cuir soyeux, elle eut l'impression que le poids qui lui comprimait la poitrine s'était allégé. Sans doute le signe que les effets du venin s'estompaient... Mais cela n'expliquait pas pourquoi elle se sentait soudain à ce point soulagée et rassénérée. Il lui faudrait remercier Simon Hunt, bien sûr, et lui dire que son présent était inconvenant.

Je parie qu'à la fin de la saison, elle jettera son dévolu sur celui qui aura les poches les plus profonde.
- Ce seront les miennes, lâcha Simon posément. Burdick cligna des yeux. Son sourire s'effaça.
- Qu'est-ce que...
- Je vous vois, vos pairs et vous, renifler sur ses talons depuis deux ans, reprit Simon, les yeux étrécis. A présent, vous avez perdu toute chance avec elle.
- Que... qu'est-ce que vous voulez dire? bégaya Burdick, visiblement indigné.
- Je veux dire que j'infligerai la pire des punitions, mentale, physique et financière, au premier qui osera pénétrer sur mon territoire. Et le prochain qui répète n'importe quelle rumeur infondée au sujet de Mlle Peyton se la verra enfoncée dans la gorge, avec mon poing par-dessus. Avertissez tous ceux que cela pourrait intéresser, conclut-il. Sur ce, il tourna le dos à ce nabot de Burdick, qui en demeura bouche bée.

Profondément troublée, Annabelle regarda droit devant elle, sans prêter la moindre attention aux fluctuations de lumière et de couleurs qui annonçaient le crépuscule imminent. Le crépuscule de l'Empire romain. Hunt semblait tout aussi indifférent au spectacle. La tête inclinée vers elle, il gardait les yeux rivés sur son visage. Même si sa respiration semblait aisée et régulière, Annabelle eut l'impression que son rythme avait imperceptiblement changé. Elle humecta ses lèvres sèches.
- Vous... vous ne devez pas me regarder ainsi, souffla-t-elle.
- Hormis vous, rien ici ne mérite d'être regardé. Elle feignit de n'avoir pas entendu alors que son coeur battait la chamade. Comment une chose pareille pouvait-elle se produire dans un endroit bondé, avec son frère juste à côté d'elle? En proie à un vertige qui ne devait rien au mouvement de la plate-forme, elle ferma brièvement les yeux.

Ses manières avaient beau être parfaites, il y avait dans son regard une lueur qui provoqua un tressaillement étrange dans la poitrine d'Annabelle. Elle ne parvenait pas à détacher son regard de celui de l'homme, ce qui la mit mal à l'aise. C'était comme si une onde subtile de reconnaîssance passait entre eux. Non parce qu'ils se seraient rencontrés auparavant, mais plutôt parce qu'ils en auraient été très près à plusieurs reprises, et qu'un destin impatient avait finalement forcé leurs chemins à se croiser. Déconcertée, elle demeura prisonnière de ce regard intense jusqu'à sentir ses joues se colorer d'une rougeur malvenue.

— Il faut que vous partiez, Sara... parce que je veux vous tenir ainsi jusqu'à ce que vous vous fondiez en moi. je vous veux dans mon lit, je veux que votre odeur imprègne mes draps, que vos cheveux se répandent sur mon oreiller. Je veux vous enlever votre innocence. Que pour tout autre que moi vous soyez salie...
Sara posa la main sur sa joue.
— Et si moi, je voulais la même chose? murmura-t-elle.

L'amour n'a jamais empeché les gens de se dechirer.