Citations de Lise Charles (66)
Elle ne tenait plus de journal intime. Why ? je lui ai posé la question. Parce que c’est impossible, elle me disait, il y a trop de choses, je dois tout écrire, il y a plus de choses à écrire que de temps pour vivre.
Vous et moi, nous avons envie de nous revoir et nous ne le faisons pas et nous savons pourquoi : vous êtes mariée, vous avez deux enfants, vous ne voulez pas quitter votre mari. Nous verrons bien. Et d'ici là, absente ou présente, vous éclairez ma vie comme les lucioles éclairent le Bosco, en bougeant, en bougeant, en souriant, en vivant, et en m'écrivant.
Sa vie était remplie de moments où elle n’existait pas.
Il ne m’arrive jamais rien. Est-ce que ça existe, des écrivains à qui il n’est jamais rien arrivé ?
Dans mon lit, je ferme les yeux et j’imagine un frigo. Si j’ouvre ce frigo, je ne peux pas le laisser ouvert, il faut que je le referme. J’ai beau savoir que c’est un frigo qui n’a pas d’existence physique, je suis gênée d’avoir un frigo ouvert dans ma tête. De la même manière, je n’ai encore jamais eu le courage de me jeter par la fenêtre que j’ouvre dans mon cerveau.
Depuis que Pierre mâchait sa bile noire dans son coin, il arrivait bien moins souvent que Marianne le prît en horreur. Elle éprouvait pour lui un mépris calme, un dégoût sans ardeur. Leur relation, finalement, n’en était-elle pas comme renforcée ?
Je ne comprends pas les gens qui se font des tatouages. C’est comme s’ils pensaient qu’ils ne changeront jamais.
Si on avait un petit bouton sous l’aisselle, sur lequel il suffisait d’appuyer pour mourir, comme ça, d’un coup, sans douleur, combien de personnes resterait-il sur Terre au bout d’une semaine ?
Maman a dit que la poésie française ne pouvait pas être aussi belle que l’anglaise ni que l’allemande, car les mots n’ont pas d’accent. Ça m’a rendue triste. C’est comme si c’était perdu d’avance.
À vrai dire, je n'aime pas trop parler à des gens vraiment vieux, j'ai peur qu'ils crèvent au milieu d'une phrase, je n'ai jamais de chance avec les trucs dans le genre.
J’ai résolu que si un jour j’écrivais quelque chose, ce serait une franche bouillie, avec les pieds je la pétrirais, à quoi bon donner de la confiture aux cochons je te le demande, et ma bouillie la voici.
Parce que je me disais qu’elle était malheureuse, être femme de ménage c’est à mon avis intrinsèquement pas drôle, je faisais semblant avec elle de n’être pas heureuse, histoire de ne pas la rendre jalouse.
Ç’avait toujours été mon rêve, d’être un modèle pour un grand peintre, tu gagnes l’éternité sans rien faire.
Quand je vois une allée bien rangée, je trouve son point de fuite, et je m’étonne que le monde soit fait comme un tableau.
J'ai essayé de lire des lettres inédites de Céline, mais je ne supporte plus sa méchanceté : il écrit bien, mais il a mauvaise haleine.
Flaubert était trop appliqué, Stendhal pas assez, Balzac n’en parlons pas. Hugo avait du souffle, mais trop de clinquant, Proust un sacré sens de l’observation et un humour ravageur, mais il aurait dû faire plus court.
Pour trouver le sommeil, je fais semblant de l'avoir déjà trouvé. Je respire plus lentement, membres déliés, parfois j'aiguise un petit soupir, mais ma cervelle n'est pas encore embrumée, et le sommeil est loin. Alors je tente de faire venir la confusion, je bondis d'une idée saugrenue à l'autre, et je m'efforce ensuite de recréer les liens entre elles, espérant ne pouvoir y parvenir; c'est quand tout s'emmêlera sans clarification possible que le sommeil sera là.
La première qualité d'un écrivain n'est-elle pas la curiosité? Parfois, j'ai l'impression désagréable que tu es retenu par quelque chose comme de la morale... Bleh, rien que le mot me fait horreur. Imagines-tu Nabokov retenu par des considérations de ce genre?
À l'échelle de l'univers, la chute d'Icare n'a pas d'importance; ce qui compte, c'est le rythme de la nature, au-dessus de l'histoire humaine. Les remous n'ont aucune importance à l'échelle de la mer.
Pour te faire plaisir, j'ai rencontré Prune Mordillac. Elle m'avait prévenu qu'elle avait la coupe et les habits d'Audrey Hepburn dans Vacances romaines. Elle ne m'avait pas dit qu'elle avait le nez de Gérard Depardieu dans Astérix et Obélix et la bouche de Béatrice Dalle dans Trouble Every Day.