Au delà de l’ignominie de la violence conjugale qui laisse de redoutables traces, se cache une autre violence, plus sournoise : la violence psychologique. Mais « Élina » n’est pas considérée comme la victime principale d’un couple qui se brise. Elle est l’enfant. Elle est la victime collatérale de la haine qui remplace l’amour. Elle est plantée de ce roncier qui va la déchirer de l’intérieur jusqu’à prendre toute la place. Élina est cette petite fille, à la fois trop jeune et trop âgée du haut de ses 3 ans. Elle est le souvenir de l’Autre, une présence encombrante, trop imprégnée, trop corrompue pour être aimée à la mesure de l’amour qu’elle aurait dû avoir.
« Derrière ce calme, trompeur pourtant, son petit cœur, tout doucement, sans déranger quiconque, est en train d’imploser ».
Lola Swann a fait le choix au fil de son roman, Élina, de donner la parole à cette enfant qui va grandir, écartée délibérément de son père, écartelée par ses propres sentiments. La violence inouïe avec laquelle son papa, Billy, va être effacé de sa vie sans procès, sans discussion possible est une torture permanente, une impasse à sa propre existence dans un tunnel sans espoir, sans lumière vers laquelle se diriger.
« La porte-fenêtre du balcon lui apparaîtra soudain comme la seule solution à son désespoir ».
Engluée dans sa vengeance, grande architecte de la démolition de sa propre fille pour sa délivrante reconstruction, Gladys, la maman, va arroser sa fille d’une silencieuse rancoeur jusqu’à en faire insidieusement le souffre-douleur d’un couple recomposé. En savante tortionnaire elle laissera même son nouveau compagnon, le nouveau papa, s’occuper de corriger manuellement l’enfant désirée devenue l’indésirable.
Dans un style épuré, sans jugement, mais sans retenue ni demie-mesure, Lola Swann nous ouvre les yeux sur ces victimes oubliées qui subissent la vie sans vivre la leur. « Comme tout enfant, la petite fille ne saurait remettre en question ses parents. Le problème vient d’elle ». Ainsi, au fil de son œuvre, au travers la lente agonie d’Élina, l’autrice soulève ce voile, sans pudeur, pour mieux nous recouvrir du linceul de la triste réalité. « en pensées, elle se préparera alors à sa délivrance toute proche, priant pour qu’un saut du deuxième étage suffise à la tuer… ».
Élina, de Lola Swann, est assurément un roman dramatique qui mérite toute sa place dans votre PAL tout comme il mérite de figurer dans ma liste « Coup de Cœur ».
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