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Citations de Louis Althusser (67)


« Si tout n’est pas rose ou si rien n’est rose, rien n’est tragique. Le blanc serait une tâche à remplir, le bleu un ciel inaccessible, gris comme tous les cieux »
Louis Althusser, Lettres à Franca
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Louis Althusser
Dans tout mon langage, dans tout mon langage avec toi, il y a eu dès le début ce noyau de silence. Je ne dis pas cela pour me charger ni pour décharger qui que ce soit. L’effort que me coûte d’écrire ces mots me garantit une sorte de paix, au-delà de tout jugement. C’est ainsi, ce noyau de silence était en moi, il faisait partie de moi. Je l’ai, lui aussi, apporté avec tout le reste dans notre histoire et comme je ne pouvais rien contre lui, il y a pris sa place, s’est installé et s’est imposé. Je faisais naturellement semblant de ne pas le voir mais il était là. Je le recouvrais de discours de protection, diversion, il était toujours là, parfois invisible, parfois tacitement oublié, mais toujours là. Il ne trompait personne parmi les intéressés. Il ne te trompait pas, en tout cas malgré tous les efforts pour conclure avec lui et moi à demi-mots, un pacte d’oubli. Au fond de tout tu l’as accepté avec moi, mais tu ne l’as jamais accepté ; tu ne pouvais pas. Tu as fait tout ton possible en ton pouvoir pour le réduire, puis pour l’oublier. Un moment est venu où tu n’as plus pu résister au silence que par le silence, par un second silence sans aucun rapport avec le premier mais un silence.
Un silenzio l’unico modo di non tacere.
Je crois que j’ai tout compris ou plutôt commencé à comprendre, quand je compris que ton silence était le mien, enfin venait du mien, était réponse au mien, réponse désespérée mais lucide, que c’était moi qui avait apporté entre nous du silence ; que tu avais dû comme le subir, mais sans pouvoir jamais l’accepter dans ton âme ; que tu étais de mon fait dans une telle situation que tu ne pouvais crier ton refus à haute voix sans m’arracher de ta vie, sans t’arracher de ma vie, c’est-à-dire sans arracher de la vie à la vie ; que tu n’a pas cessé alors de prononcer ce refus à voix sourde, en toi, résistant ainsi obstinément, farouchement, pas à pas, à mon silence par le moyen d’un autre silence ; que chaque fois que tu tentas d’en sortir, tu fus rejetée dans son cercle, que tu savais cela depuis longtemps, presque depuis les origines de notre histoire ; que tu as vécu depuis les commencements, en côtoyant cet abîme, ; qu’il est vite devenu pour toi comme le destin ; que tu avais depuis longtemps fait en toi le sacrifice de t’y engager seule, comme on est seul en tout destin.
Louis Althusser, Lettres à franca
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Louis Althusser
« Notre langue nous permet des tours, elle nous est complice et nous favorise. Mais je ne laisserai plus les mots jouer tout seuls, ni suivre leur pente. Et je leur interdirai encore d’autres jeux. Par exemple cet autre emploi des mots plus tentant, mais plus dangereux, quant on abdique en eux sa liberté. On a dit que le langage devait avoir, pour être un vrai langage, la transparence d’un verre, tel une vitre laissant tout voir au travers de soi, et elle-même invisible. Ce n’est pas tant l’opacité du langage que je crains que de trop grandes transparences : celles qui sont surchargées d’invisibles emprunts, d’échos ou de résonances. Il y a des mots qui ont ainsi trop de poids et qui précipitent le langage malgré lui dans un destin. Je ne veux plus, si peu que ce soit, fût-ce par la tentation d’une image me laisser entraîner par les prestiges ou la hâte du langage où j’ai vécu. Je veux pour toi, pour te parler de l’essentiel, un langage sans prestige ni hâte : des mots seuls comme moi, sans aucun cortège. »
Louis Althusser, Lettres à Franca
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Louis Althusser
« Tout être humain dispose, en tout et pour tout, d’un nombre limité de mots avant sa mort. Mots qui décident de luttes, d’œuvres, de choix, de refus, de dons, de vie, d’amour. Pour la plupart, les hommes n’arrivent pas à les prononcer vraiment, ils meurent trop vite, la vie leur ayant été trop dure, ou trop tôt, ayant différé jusqu’au dernier moment de vivre. C’est la mort qui les prononce à leur place. Il advient aussi qu’ils les aient prononcé beaucoup plus tôt, trop tôt, enfants par exemple, avant même de pouvoir les connaître, tout simplement en se débattant pour vivre ; ils les ont enfoui dans leur passé, dans leur oubli et vivent ensuite presque sans voix. »
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Une fois en Bretagne, pendant un long mois, je me mis à pratiquer systématiquement un sport particulier : celui du vol dans les boutiques, que je pratiquais naturellement sans difficulté, et chaque fois je lui montrais avec fierté le produit varié et grandissant de mes larcins et lui détaillais mes méthodes imprenables. De fait, elles l'étaient. En même temps je courais les filles sur les plages et de temps en temps, les ayant rapidement circonvenues, je les lui amenais pour quêter son admiration et son approbation. C'est l'époque où je me mis en tête de cambrioler une banque sans aucun risque et même de voler (toujours sans aucun risque) un sous-marin atomique. On comprend qu'elle en fut terrifiée, car elle savait que je pouvais aller fort loin dans l'exécution, mais jamais jusqu'où.
Je la faisais vivre ainsi dans l'insécurité et la terreur la plus totale.
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Derrida me racontait sa dépression, survenue après son mariage, avec un tact infini, Nikos me parlait de ses histoires de filles (celui-là !) et des disputes entre le Parti de l'intérieur et le Parti de l'extérieur, Macherey de philosophie et de ses problèmes de logement. Moi, j'essayais de faire passer le temps, ce qui est bien la chose la plus difficile du monde, quand on est torturé par l'angoisse au creux du ventre.
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En Sorbonne, Bachelard faisait des cours qui étaient des conversations non directives, égayées de remarques sur les violettes et le camembert. On ne savait jamais à l'avance ce qu'il dirait, lui non plus, ce qui permettait de prendre son cours en route n'importe quand, et de le quitter quand on avait un rendez-vous galant ou médical.
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En France, ce fut Duclos qui prit la direction du Parti clandestin (dont les députés avaient été arrêtés en 1939-1940). Il commença par appliquer la théorie de la guerre impérialiste, sans discerner qu'elle était en même temps une "guerre de libération" (thèse qui ne fut admise que plus tard). En conséquence, des ordres furent donnés après la défaite non seulement pour prendre contact avec les autorités allemandes d'occupation, pour la parution de l'Humanité par les soins de Marcel Cachin, mais, ce qui fut infiniment plus grave, la direction clandestine du Parti ordonna sans appel à ses militants responsables et surtout connus des masses ouvrières et populaires, responsables syndicaux et politiques, maires, etc., de se montrer au grand jour, de tenir des meetings. Incroyable décision ! qui eut tout simplement le résultat suivant : les grands militants du Parti, comme Hénaff, Timbaud, Michels, et d'autres, furent repérés par les Allemands qui les arrêtèrent, et les embarquèrent à Châteaubriant où ils devaient les fusiller plus tard.
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C'est pourquoi je me suis à diverses reprises aventuré sur le terrain concret de la politique, me prononçant (aventureusement certes) sur le stalinisme, la crise du marxisme, les congrès du Parti et le mode de fonctionnement du Parti.(Ce qui ne peut plus durer dans le parti communiste,1978). Mais quel philosophe, au fond de lui-même, le plus souvent ouvertement chez les grands, et surtout s'il ne consent pas à l'avouer, n'a cédé à cette tentation, philosophiquement organique, de garder en vue ce qu'il entend changer, transformer dans le monde ?
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J'ignorais alors tout des délices de la masturbation que je devais par hasard, une nuit, découvrir en captivité à l'âge de vingt-sept ans !, et qui déclencha en moi une telle émotion que je m'en évanouis.
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Je pense qu'on aura saisi pourquoi la peur d'être abandonné pouvait déclencher en moi une angoisse propre à me jeter dans la dépression. A la peur d'être abandonné par ma mère s'ajoutait chez moi la vieille peur des départs de mon père dans la nuit, réactivée par les départs violents d'Hélène, que je ne pouvais supporter : ils m'étaient autant de menaces de mort (et on sait quel rapport actif j'ai toujours entretenu avec la mort). Cette "surdétermination" me laissait dans la terreur et sans aucun recours, je n'avais plus qu'à m'abandonner à mon "destin" et tomber dans ce que je désirais, accomplir ma vérité, ne plus exister, disparaître du monde, bref, me faire hospitaliser, mais avec cette arrière-pensée perverse de me réfugier dans la maladie où plus personne alors ne risquait de m'abandonner, puisque j'étais officiellement et publiquement malade, et exigeait et obtenais ainsi tyranniquement l'assistance de tous. J'ai répété cette conduite, et d'une manière extrêmement intense, dans les derniers épisodes de ma très sérieuse et longue dépression, à Sainte-Anne et surtout à Soisy.
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J'aimais les paysans normands avec qui je travaillais. Certains, c'était plus fort qu'eux, faisaient du zèle pour montrer aux "Chleuhs" comment on sait travailler en France. Nous, les étudiants, en faisions le moins possible, nous n'étions pas bien vu de nos camarades normands. Ils nous accusaient volontiers de "sabotage"!
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Cette fois, la maison n'était pas très grande, mais elle avait deux grandes caves fraîches, un grand grenier à peu près aménagé bourré de romans de Delly découpés dans Le Petit écho de la mode que ma grand-mère avait toujours lu, des appentis pour les lapins et un grand poulailler grillagé où se baladaient des volailles pleines de leur lente suffisance, mais l'œil toujours aux aguets.
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Nous sommes un soir à table chez des amis, avec un couple jusque-là inconnu de nous. Je ne sais ce qui me prend (ou plutôt ne le sais que trop) mais je monte pendant le repas, à grand renfort de déclarations et d'invites provocantes, à l'assaut de la belle et jeune femme inconnue. Tout cela pour aboutir à la proposition péremptoire que nous pouvons et devons faire sur-le-champ l'amour sur la table devant tout le monde. L'assaut avait été conduit de telle sorte que la conclusion s'imposait comme évidente. Dieu merci, la jeune femme se défendit fort bien : elle sut trouver les mots propres à éluder la proposition.
Une autre fois, nous sommes à Saint-Tropez, hébergés chez des amis absents. J'avais invité un ami politique à nous y rendre visite. Il vient, accompagné d'une très belle jeune femme, sur qui je me jetai. Je lui donne à lire un manuscrit de ma plume. La même scène se reproduit, cette fois devant Hélène et l'homme seuls à table. Sur la table évidemment il ne se passa rien, mais j'attire la fille à côté et me mets carrément à lui caresser les seins, le ventre et le sexe. Elle se laisse faire, un peu interloquée, mais préparée par mes discours. Puis je propose d'aller sur la plage. Une petite plage habituellement déserte, cette fois totalement déserte, car il souffle un violent mistral et la mer est démontée. Pendant ce temps mon ami reste à la maison, le nez sur mon manuscrit. Sur la plage, toujours devant Hélène, qui ne savait pas nager, j'invite la jeune femme à se dévêtir, et nous entrons tout nus, tous les deux dans les vagues déchaînées. Hélène crie déjà de peur. Nous nageons un peu au large, et là faisons quasiment l'amour en pleine mer. Je vois Hélène, complètement affolée, courir de peur au loin sur la plage en criant.
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Hélène était-elle, en désespoir, partie pour chercher du secours ? Après d'interminables courses de recherche, je finis par la découvrir, sur le bord de mer, mais loin de la plage, méconnaissable, complètement recroquevillée sur elle-même, tremblant d'une crise quasi hystérique et le visage d'une très vieille femme ravagé de larmes. Je tente de la prendre dans mes bras pour la rassurer, lui dire que le cauchemar est fini, que je suis là. Rien à faire : elle ne m'entend ni ne me voit. Finalement, au bout de je ne sais combien de temps, elle ouvre la bouche mais pour me chasser violemment : " Tu es ignoble ! Tu es mort pour moi ! Je ne veux plus te voir ! Je ne peux plus tolérer de vivre avec toi ! Tu es un lâche et un salaud, un salaud, fous le camp !"
[......................................]
Jamais il ne fut question entre nous de cet horrible incident, qu'elle ne m'a sûrement jamais pardonné en son âme.
De surcroît, je ne cessais de vivre la nuit d'atroces cauchemars, qui se prolongeaient très longuement à l'état de veille, et je "vivais" mes rêves à l'état de veille, c'est-à-dire agissais selon les thèmes et la logique de mes rêves, prenant l'illusion de mes rêves pour la réalité, et me trouvais alors incapable de distinguer en état de veille mes hallucinations oniriques de la simple réalité. C'est dans ces conditions que je développais sans cesse à qui venait me visiter des thèmes de persécution suicidaire. Je pensais intensément que des hommes voulaient ma mort et s'apprêtaient à me tuer : un barbu en particulier, que j'avais dû apercevoir quelque part dans le service ; mieux, un tribunal qui siégeait dans la pièce à côté pour me condamner à mort ; mieux, des hommes armés de fusils à lunette qui allaient m'abattre en me visant des fenêtres des demeures d'en face ; enfin les Brigades rouges qui m'avaient condamné à mort et allaient faire irruption dans ma chambre de jour ou de nuit. Je n'ai pas gardé en mémoire tous ces détails hallucinants, ils sont pour moi couverts, sauf par éclairs, par une lourde amnésie, mais je les tiens des nombreux amis qui vinrent me visiter, des médecins qui me soignaient, et de l'exact et concordant recoupement de leurs observations et témoignages que j'ai ensuite recueillis.
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Plus tard enfin, je me constituai des réserves d'amis et finalement de femmes. Pourquoi ? Mais simplement pour ne pas risquer de me trouver un jour seul sans aucune femme à ma main, si d'aventure une de mes femmes me quittait ou venait à mourir - et cela m'est arrivé combien de fois, et si j'ai toujours eu à côté d'Hélène une réserve de femmes, c'était bien pour être assuré que si d'aventure Hélène m'abandonnait ou venait à mourir, je ne serais pas un instant seul dans la vie. Je ne sais que trop que cette terrible compulsion fit horriblement souffrir "mes femmes", Hélène la première.
[................] Je rapportai en effet tout naturellement cette compulsion à me doter de réserves en tout genre aux phobies de ma mère et en particulier à son obsession, plus forte que toute raison, de rogner sur toutes ses dépenses, et d'accumuler des économies sans seul motif sensé que de faire face à toutes les menaces possibles de l'avenir, avant tout le vol.
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Les Cahiers marxistes-léninistes, après un début difficile, se vendaient très bien. Je leur avais donné, dès le premier numéro, consacré à la Révolution culturelle, qui venait d'éclater, un article non signé (dont je reconnais ici, après Rancière, l'authenticité) où je mettais en oeuvre une théorie simple et fausse reposant sur le principe : il y a trois formes de la lutte de classe, l'économique, la politique et l'idéologique. Il faut donc trois organisations distinctes pour la mener. Nous en connaissons deux : le syndicat, et le Parti. Les chinois viennent d'inventer la troisième : les gardes rouges. CQFD. La chose était un peu simple, mais elle plut.
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Les pommes de terre et l'oseille jouaient le rôle principal dans notre alimentation, avec les châtaignes l'hiver (le Morvan vivait alors de trois élevages : les cochons, les bovins, et les enfants de l'Assistance publique).
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Pourtant je dus en quelques circonstances, l'une dramatique, les autres plutôt comiques, affronter directement l'appareil répressif du Parti. Il n'y a pas que l'État qui dispose d'un appareil répressif : tout appareil idéologique quel qu'il soit en dispose.
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En France, ce fut Duclos qui prit la direction du Parti clandestin (dont les députés avaient été arrêtés en 1939-1940). Il commença par appliquer la théorie de la guerre impérialiste, sans discerner qu'elle était en même temps une "guerre de libération" (thèse qui ne fut admise que plus tard). En conséquence, des ordres furent donnés après la défaite non seulement pour prendre contact avec les autorités allemandes d'occupation, pour la parution de l'Humanité par les soins de Marcel Cachin, mais, ce qui fut infiniment plus grave, la direction clandestine du Parti ordonna sans appel à ses militants responsables et surtout connus des masses ouvrières et populaires, responsables syndicaux et politiques, maires, etc., de se montrer au grand jour, de tenir des meetings. Incroyables décisions ! qui eut tout simplement le résultat suivant : les grands militants du Parti, comme Hénaff, Timbaud, Michels, et d'autres, furent repérés par les Allemands qui les arrêtèrent, et les embarquèrent à Châteaubriant où ils devaient les fusiller plus tard.
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