Dans sa conférence de presse du 16 janvier 2024, Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de vouloir soutenir la France de l'angle mort, ces classes moyennes menacées de paupérisation. Mais qui désignent véritablement les classes moyennes ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit :
Agathe Cagé, politiste, co-fondatrice et présidente du cabinet de conseil Compass label
Louis Chauvel, sociologue, professeur des Universités à Sciences Po Paris, membre de l'Institut Universitaire de France
Visuel de la vignette : Martial Colomb / Getty images
#politique #société #gouvernement
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La fracture générationnelle et les désillusions qu'elle accompagne constituent précisément le troisième facteur de corrosion et sans doute le plus décisif. La baisse du niveau de vie, le rendement décroissant des diplômes, la mobilité descendante, le déclassement résidentiel et l'aliénation politique dont la jeunesse en France est victime s'accentuent de génération en génération au point d'atteindre le stade de leur irréversibilité.Le propre de l'idée de progrès est de laisser à la génération suivante un monde meilleur, qu'elle devrait faire fructifier à son tour pour laisser mieux encore dans la boucle de la modernité. Au contraire, aujourd'hui, tout a été fait pour donner à la génération suivante des besoins supérieurs et des moyens économiques déclinants.
Loin de l'approche constructiviste, je plaide ici pour un néomatérialisme objectiviste inspiré de Philip K. Dick : "La réalité c'est ce qui, quand on cesse d'y
croire, ne s'en va pas.» C'est là que le déni se révèle. Ce n'est pas clamant que le déclassement relève d'une peur irraisonnée, que les classes moyennes résistent plutôt bien à la crise et que les générations sacrifiées ne sont qu'un mythe que nous que nous conjurerons la réalité de ces faits sociaux qui avancent de leur propre pas, ignorant les illusions dont nous berçons la population.
Nous avons ainsi formé des générations entières de jeunes gens perdus dans un monde sans repères où l'illusion du succès scolaire et universitaire prépare en réalité le processus de désillusion générationnelle, marqué par le constat d'un échec vécu le plus souvent sur un mode personnel, alors qu'il s'agit avant tout d'une spirale de déclassement systémique d'une société à la dérive. "La politique n'est pas l'art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent" disait Henri Queuille.
En France, en particulier, les grèves sont un indicateur approprié de degré de mobilisation, de motivation et d'extériorisation de la culture de classe dans ses dimensions combatives. Il est vrai aussi que l'indicateur en question est complexe : l'absence de grève peut être moins dans l'expression d'une satisfaction intrinsèque des classes populaires ou de leur dissolution que le symptôme d'une situation bloquée en attente d'une libération violente des forces longtemps réprimées.
Naguère, ces classes moyennes étaient la figure centrale et positive de la modernité sociétale : elles portaient une vision délibérément optimiste et ô combien sécurisante du changement social. Elles incarnaient tout à la fois la promesse d’une ascension sociale aux enfants méritants des classes populaires et un filet de sécurité décent aux enfants déchus de la bourgeoisie (faute de conserver le prestige, ceux-ci auraient au moins la certitude d’un honnête confort).