« Homo numericus » de Daniel Cohen lu par Cyril Romoli et Marie-Eve Dufresne l Livre audio
Plusieurs aspects de cette révolution du Big Data en cours s'inscrivent en fait dans les tendances antérieures. Elle prolonge à sa manière la société de consommation traditionnelle en prônant l'avènement d'une société du sur-mesure au plus près des désirs des consommateurs mais au terme de laquelle il s'agit toujours d'acheter du dentifrice ou des voitures.
Les sociétés modernes sont avides de croissance, davantage que de richesse. Mieux vaut vivre dans un pays pauvre qui s'enrichit (vite) que dans un pays (déjà) riche et qui stagne. Les Français ont follement apprécié les trente glorieuses, car tout était neuf. Mais au bout du compte, la page reste reste toujours blanche du bonheur à conquérir. p. 154
La critique romantique du monde moderne vise la prétention de la science à gouverner les peuples, alors qu'elle est incapable de comprendre la souffrance de l'âme humaine. La science est dénoncée comme une pensée sans sagesse. Elle crée un monde déshumanisant, désenchanté par la disparition de la religion, reléguée au rang des superstition. Tourgueniev caricature son héros Bazarov, dans Pères et fils, comme un adepte fanatique du scientisme, un utilitariste convaincu. Flaubert fait de même avec le pharmacien Homais.
C'est contre la double dissolution numérique du rapport à autrui et au monde réel qu'il faut lutter. C'est avec les vivants et sur cette planète qu'il faut accepter de vivre.
Dans le monde d'aujourd'hui, ce ne sont plus les machines qui tombent en panne, ce sont les hommes eux-mêmes.
[Conclusion] La société moderne pourra-t-elle se passer de croissance? Compte tenu de l'immense pression qu'elle exerce sur les individus, sur leur travail et leurs envies, le plus honnète est de répondre que non.
La croissance pourrait-elle repartir? Au vu des performances passées et des contraintes écologiques futures, il est également plus simple de répondre négativement.
In fine, la conclusion semble inévitable: la société occidentale est condamnée à la colère et à la violence. (p.215)
... le désir humain est profondément malléable ... Cette malléabilité est ... une chance. ... Pour rendre ces désirs humains compatibles avec la préservation de la planète, une nouvelle transition est devenue impérative ... (p. 216)
[Il faut] un changement de mentalité. ... Les mentalités ont changé plusieurs fois dans l'histoire, mais jamais par décret. (p.217)
[La croissance disparue] Les secteurs lees plus en pointe du monde moderne sont en dehors de la sphère marchande au sens habituel du terme qu'il s'agisse du monde numérique où le-a gratuité est la norme naturelle, ou de l'éducation et de la santé qui sont, en grande majorité, dans le domaine public. (p.111)
depuis 1958, ... les avions ne vont pas plus vite qu'il y a quarante ans. Ils consomment moins de carburant et font moins de bruit, ... cela signifie simplement qu'ils corrigent les nuisances qu'ils ont eux-mêmes provoquées. Ce n'est pas la même chose que de satisfaire un nouveau besoin. (p.105)
La consommation est devenue comme une drogue, une addiction : le plaisir qu'elle procure est éphémère.
Repenser le syndicalisme, l'Université, penser la gouvernance mondiale d'un côté, celle des villes et des collectivités locales de l'autre, devient aussi important que de pérenniser les fonctions classiques de l'Etat régalien (police, justice, armée). Pour chacune de ces institutions, la tâche est la même: construire une infrastructure sociale qui aide les personnes et les pays à vivre un destin digne de leurs attentes, qui les fasse échapper à l'alternative d'un monde réel trop pauvre, et virtuel trop riche.