Quelques jours avant de quitter Moscou, l'Empereur avait fait dépouiller les églises du Kremlin de leurs plus beaux ornements. Les ravages de l'incendie avaient levé cette espèce d'interdit que l'Empereur avait mis sur les propriétés des Russes.
Le plus beau trophée de ce genre était l'immense croix du grand Ivan. Il fallut démolir une partie de la tour sur laquelle elle s'élevait, pour pouvoir l'enlever. Encore ne fut-ce qu'après de longs efforts que l'on parvint à ébranler cette vaste masse de fer. L'Empereur voulut en orner le dôme des Invalides. Elle fut engloutie dans les eaux du lac de Semlewo.
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Il geignait et pestait alternativement ou tout à la fois, car l'Empereur supportait ce genre de mal avec moins de force que mille accidents plus graves que la vie des camps entraîne avec elle ; et le héros d'Arcole, celui dont la vie avait été risquée dans cent batailles, et même ailleurs que dans les combats, sans étonner son courage, se montrait on ne peut plus douillet pour un bobo.
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Je dirai tout à l'heure quel fâcheux effet la mauvaise habitude de manger trop vite produisait souvent sur la santé de l'Empereur. Outre cette habitude, il s'en fallait de beaucoup que l'Empereur mangeât proprement. Il se servait volontiers de ses doigts au lieu de fourchette ou même de cuiller ; on avait soin de mettre à sa portée le plat qu'il préférait. Il prenait à même, à la façon que je viens de dire, trempait son pain dans la sauce et dans le jus, ce qui n'empêchait pas le plat de circuler ; en mangeait qui pouvait, et il y avait peu de convives qui ne le pussent pas. J'en ai même vu qui avaient l'air de considérer ce singulier acte de courage comme un moyen de faire leur cour.
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