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Citations de Luc Boltanski (40)


L'essentiel, c'est d'intégrer une famille cinématographique, une famille théâtrale, un clan sociologique, dans lequel on peut compter les uns sur les autres, et si on fait faux bond à sa famille, alors, comme dans les clans siciliens, on perd, pas la vie, mais tout le reste : sa raison de vivre.
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Le capitalisme a toujours eu partie liée avec l'État. Il ne peut pas subsister en l'absence de ressources institutionnelles pour fixer des droits de propriété, des qualifications et des standards, ou de ressources dépendant d'un pouvoir administratif pour assurer la police et, particulièrement, pour garantir les contrats. On a vu ainsi que le tournant néolibéral des vingt dernières années n'a pas entraîné un dépérissement de l'État, mais sa transformation, sur le modèle de l'entreprise, pour s'ajuster aux nouvelles formes de capitalisme. (p. 235)
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Ce que partagent implicitement les membres d'une classe dominante, sous la forme d'un savoir commun qu'ils ne peuvent pas avouer aux autres - qu'ils peuvent à peine s'avouer à eux-mêmes -, est que, d'un côté, il est indispensable qu'il y ait des règles, c'est-à-dire du droit, des procédures, des normes, des standards, des règlements, etc., et, de l'autre, que l'on ne peut rien faire de vraiment profitable (retraduit dans leur langage, de "vraiment utile"), que l'on ne peut pas simplement agir, dans un monde incertain, si on suit ces règles. [...] Ils sont enclins à penser que les règles sont nécessaires et suffisantes pour contraindre et ordonner les actions des exécutants et, particulièrement, de ceux qui se trouvent sous leur dépendance, dont les opérations ponctuelles concourent à la réalisation des (grands) desseins par lesquels ils cherchent à maintenir la teneur de la réalité et/ou à la modifier.
[...] Appartenir à la classe dominante, c'est d'abord être convaincu que l'on peut transgresser la lettre de la règle, sans en trahir l'esprit. Mais ce genre de croyance ne vient à l'idée que de ceux qui pensent pouvoir incarner la règle, pour la bonne raison qu'ils la font. (p. 217-219)
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Les nouvelles élites, qui opèrent aux quatre coins de l'univers, communiquent bien dans un langage commun, mais ce dernier ne repose plus, pour l'essentiel, sur des schèmes venus de la culture classique [...], tels qu'ils se trouvaient transmis, par exemple, dans les établissements scolaires gouvernés par des jésuites. Il prend appui plutôt sur une nouvelle culture internationale qui s'enracine dans l'économie et surtout dans les disciplines du management, transmises par la parole et par l'écrit, mais surtout incorporées à des formats informatiques, juridictionnels et comptables. (p. 215-216)
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Les lois ou, plus souvent, les décrets, que promulgue le gouvernement, se présentent comme de simples mises en forme, dans le jargon du droit, des lois sociales ou économiques auxquelles il prétend se plier, et donc comme la manifestation de leur volonté impersonnelle. (p. 206)
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La critique se voit facilement absorbée dans les dispositifs de domination où elle est réinterprétée dans les formes qui lui ont été données dans les instances scientifiques et techniques qui servent de répondant aux institutions. Elle entre alors dans des querelles entre expertise et contre-expertise, dans laquelle la contre-expertise est nécessairement dominée, et le plus souvent perdante, puisqu'elle ne peut chercher à atteindre l'expertise, c'est-à-dire à se rendre admissible ou simplement audible, qu'en se pliant aux formats d'épreuves mis en place par cette dernière, soit, en adoptant son formalisme et, plus généralement, ses modes d'encodage de la réalité. (p. 204-205)
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La modification permanente des formats qui encadrent et façonnent la réalité n'a plus besoin d'être mise sur le compte d'une volonté qui serait autre que la volonté de forces impersonnelles. Les "responsables" - pour emprunter le nom donné aujourd'hui (de façon, il faut bien le dire, assez paradoxale) aux dominants -, parce qu'ils sont en charge d'un tout dont les desseins ne sont ceux de personne en particulier, ne sont plus responsables de rien, bien qu'ils soient en charge de tout. (p. 204)
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Dans un régime de domination [gestionnaire], les dispositifs qui assurent la domination ne sont pas orientés vers le ralentissement du changement ou son incorporation sous une forme telle qu'il puisse être dénié en tant que tel. Ils prennent au contraire appui sur l'argument d'un changement perpétuel, en se réservant toutefois le privilège de l'interpréter, et en se donnant par là la possibilité de l'impulser dans une direction favorable au maintien des asymétries et des formes d'exploitation existantes. Ce processus est rendu possible parce que les institutions se fondent sur une forme d'autorité - celle des experts - qui entend se situer au point d'indistinction entre la réalité et le monde. La volonté dont les porte-parole des institutions se font l'expression se donne alors comme n'étant rien d'autre que la volonté du monde lui-même dans la représentation, nécessairement modélisée, qu'en offrent les experts. (p. 203)
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Cette forme de domination ["complexe", ou "gestionnaire"] repose sur des dispositifs dont des individus ou des groupes peuvent tirer parti. Mais des personnes différentes peuvent, à différents moments, avoir prise sur ces dispositifs, ce qui rend difficile l'identification par la critique des détenteurs de puissances d'agir. Incarnées dans des individus, elles conservent néanmoins toujours un caractère plus ou moins impersonnel. La question de savoir qui sont les dominants s'y présente donc comme problématique. Ces dispositifs n'opèrent pas en cherchant à entraver le changement de façon à maintenir coûte que coûte une orthodoxie, comme dans les sociétés dites "totalitaires". Au contraire, ils interviennent en valorisant, en accompagnant et en orientant le changement. En ce sens, ils ont partie liée avec le capitalisme comme forme historique subsistant tacitement par un jeu de répétitions et de différences, mais qui prône le changement pour lui-même, en tant que source d'énergie. (p. 193)
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L'une des principales questions que s'est posée la sociologie critique [des années 1960-1970] fut celle de l'acceptation apparemment plus ou moins passive des asymétries par ceux qui en faisaient les frais. C'est pour répondre à cette question que la pensée critique s'est focalisée sur une théorie des idéologies et a placé la thématique de la croyance et de l'illusion au coeur de la sociologie. Or l'un des apports de la sociologie pragmatique de la critique a été au contraire de montrer que les acteurs n'étaient pas abusés [...] et que, pour tout ce qui concernait la vie réelle, et les injustices qu'ils pouvaient subir dans leur vie quotidienne, ils ne se faisaient pas grande illusion. Mais elle a montré aussi que cette lucidité ne donnait pas pour autant aux acteurs le sentiment d'avoir la moindre prise sur la réalité. Pour comprendre la façon dont se maintiennent les effets de domination de ce type, il faut donc peut-être laisser de côté, au moins provisoirement, la thématique de l'idéologie et celle de l'illusion (par exemple telle qu'elle est entretenue par les médias, etc.) pour aller voir ce qui se passe, en réalité. (p. 192-193)
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Dans [les sociétés capitalistes-démocratiques], les faits et gestes délivrés dans un espace public, et les discours qui les rapportent, sont soumis à un impératif de justification, de façon qu'ils puissent être rendus discutables par n'importe quel destinataire (réputé légitime), quelles que soient les propriétés dont il/elle est doté(e). (p. 190)
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A la revendication critique du "tout est politique" - qui a marqué notre jeunesse (mais, déjà, avec un caractère réactif) - a répondu [...] l'affirmation selon laquelle tout est scientifique, c'est-à-dire réservé à l'autorité des experts. On peut voir dans ce glissement d'une définition de la politique fondée sur un compromis entre, d'un côté, des représentants du peuple investis du rôle de porte-parole et, de l'autre, des experts se réclamant de l'autorité de la science, vers une définition de la politique presque entièrement subordonnée au pouvoir d'expertise, un véritable changement de régime politique et un nouveau mode de domination. (p. 185)
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Le principal indice d'une situation pathologique n'est pas l'incohérence ou même le désaccord [...]. Car il appartient au cours normal de la vie sociale de n'être que très partiellement cohérent et de rendre malgré tout possible la coexistence d'êtres dont les différences et les divergences sont toujours plus fortes que ce autour de quoi ils se rassemblent, ne serait-ce que parfois. Ce qui doit induire l'identification d'une situation pathologique c'est, au contraire, la recherche maniaque de la cohérence, comme s'il pouvait être donné aux êtres humains de vivre dans un seul monde et, tous ensemble, toujours dans le même. (p. 177)
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Il est indéniable que le travail institutionnel de détermination et de qualification de ce qui est et de ce qui vaut exerce, quel que soit le genre de société où il est mis en œuvre, un effet de constitution d'une vérité officielle et aussi de ce que l'on met habituellement sous l'appellation de "sens commun" (et, particulièrement, d'un sens commun des conduites jugées normales ou anormales, à la façon dont l'entend la psychiatrie). Le pouvoir des institutions exerce par là un puissant effet sur ce que nous avons appelé la constitution de la "réalité" et, corrélativement, contribue fortement à assurer l'exclusion des possibles latéraux, c'est-à-dire la mise à distance du "monde". Les institutions, si nécessaires soient-elles, exercent donc bien [...] un effet de domination. (p. 149)
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C'est l'existence de cette violence [symbolique] qui fournit sa principale justification à la critique, dont le premier mouvement consiste à dévoiler et à dénoncer la violence cachée dans les plis et les interstices des dispositifs de pacification associés aux institutions. Elle s'emploie alors à redécrire le travail de confirmation institutionnelle dans le registre de la violence et, par exemple, à dévoiler des "rapports de forces" sous les "rapports de droit", et elle s'autorise de cette redescription pour justifier les formes de violence - ne s'agirait-il que de violences verbales - qu'elle met elle-même en œuvre. Car la critique, particulièrement lorsqu'elle s'engage sur le terrain de la justice, peut difficilement se maintenir dans l'ordre des protestations posées de façon vague - comme on dit, "dans l'abstrait" -, par exemple à l'égard de cette entité abstraite que constitue "la société", sans se prolonger par des accusations portées contre des personnes. Or l'accusation n'est pas seulement génératrice de violences. Elle est déjà, par soi seule, une violence. (p. 147-148)
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La violence est tacitement présente dans les institutions parce qu'elles doivent lutter contre le dévoilement de la contradiction herméneutique. Ce dévoilement leur est insupportable dans la mesure où il consiste à mettre au jour la contradiction entre la position de surplomb qu'occupe l'être sans corps au-dessus des points de vue associés à des intérêts et le caractère intéressé des êtres corporels qui l'occupent et lui donnent la parole ou, si l'on veut, particulièrement dans les sociétés démocratiques-capitalistes dont le principe de légitimité est l'État de droit, entre l'ordre légal et l'ordre social. (p. 145)
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D'un côté, donc, on fait confiance aux institutions, on "croit" en elles. Comment faire autrement puisque sans leur intervention l'inquiétude sur ce qui est ne pourrait que croître en même temps que les désaccords. Mais, d'un autre côté, chacun sait bien que ces institutions ne sont que des fictions et que seuls sont réels les êtres humains qui les composent, qui parlent en leur nom et qui, étant dotés d'un corps, de désirs, de pulsions, etc., ne possèdent aucune qualité particulière qui permettrait de leur faire confiance. [...]
Nous proposons de voir dans cette tension une contradiction, qui est en quelque sorte inscrite au coeur de la vie sociale commune, et qu'il convient d'aborder en la tenant, à ce niveau d'analyse, pour indépassable. Nous l'appellerons la contradiction herméneutique. (p. 132-133)
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Assigner aux institutions un rôle surtout sémantique, consistant à stabiliser la référence en tenant compte le moins possible du contexte d'usage, permet de ne pas les confondre avec deux autres types d'entités auxquelles elles sont le plus souvent associées mais dont il convient de les distinguer analytiquement. D'une part, des administrations, qui assurent des fonctions de police et, d'autre part, des organisations, qui assurent des fonctions de coordination. Ces deux genres d'entités désignent, si l'on veut, les moyens dont les institutions doivent être dotées pour agir dans le monde des corps. (p. 123)
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Reviennent ainsi aux institutions toutes les tâches consistant à fixer la référence, particulièrement lorsqu'elle porte sur des objets dont la valeur importe et dont les prédicats doivent être stabilisés par des définitions. Sans ces tâches [...] quelque chose comme le capitalisme serait simplement impossible. [...]
Les opérations institutionnelles sont nécessaires non seulement pour arrimer des choses - matérielles ou immatérielles, comme le sont les titres - à des personnes ou à des organisations, de façon qu'elles puissent se transmettre, mais encore pour définir leurs propriétés, ce qui les transforme en produits ou en biens et rend possible l'établissement de marchés. (p. 119-120)
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Une institution est un être sans corps à qui est déléguée la tâche de dire ce qu'il en est de ce qui est. C'est donc d'abord [...] dans ses fonctions sémantiques qu'il faut envisager l'institution. Aux institutions revient la tâche de dire et de confirmer ce qui importe. Cette opération suppose l'établissement de types, qui doivent être fixés et mémorisés d'une manière ou d'une autre [...], et souvent stockés dans des définitions, de façon à être disponibles, quand le besoin s'en fait sentir, pour qualifier, en situation d'incertitude, des états de choses faisant l'objet d'usages et d'interprétations ambigus ou contradictoires. (p. 117)
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