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Citations de Luc Boltanski (40)


Poser la question de la domination consiste [...] à se demander comment des acteurs en petit nombre peuvent établir durablement un pouvoir sur des acteurs en grand nombre, les dominer en exerçant un contrôle sémantique sur la détermination de ce qui est, et les soumettre à une forme ou une autre d'exploitation. Comme dans l'exemple de la métaphore visuelle qui sert de frontispice au Léviathan de Hobbes - où la figure du souverain se trouve dessinée par l'accumulation des corps sur lesquels il exerce son pouvoir -, la question du nombre [...] consiste à se demander comment des êtres humains en petit nombre peuvent accroître leur force en se liant les uns aux autres de façon à donner l'illusion qu'ils agissent comme un seul homme. [...] Il s'ensuit que l'état de sujétion des dominés doit trouver son principe dans le fait même de leur séparation qui est tel que chacun d'eux ne peut mobiliser que sa propre force, en tant qu'individu isolé. Du même coup, la possibilité de lutter contre la domination, en faisant passer les dominés d'un état fragmentaire à un état collectif, constitue l'un des objectifs premiers du travail d'émancipation que se propose la critique. (p. 73-74)
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Dans un monde en réseau, chacun cherche à établir les liens qui l'intéressent et avec des personnes de son choix. Les relations (...) sont "électives".
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Luc Boltanski
Dans la phase d'enquête, il faut être relativiste. C'est-à-dire qu'il faut écouter toutes les interprétations, tous les récits antagoniques que donnent différentes personnes des mêmes événements. Ce qui est le cas dès que vous avez un conflit important […] il y a deux récits historiques incompatibles. Il faut les prendre tous les deux. Ou quand vous avez un couple qui se sépare, c'est qu'ils ont deux récits antagoniques de ce qu'il s'est passé. Il faut les prendre tous les deux. Mais ce relativisme méthodologique n'est pas un relativisme politique ou éthique.

Interview dans Les Nouveaux Chemins de la Connaissance sur France Culture.
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L'introduction (...) de groupes d'expression de travailleurs, de "cercles de qualité", et de toute une panoplie sophistiquée d'outils de relations humaines a permis le renforcement du contrôle par les directions qui sont désormais beaucoup mieux informées que les syndicats sur les revendications et malaises des travailleurs.
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L'essentiel, c'est d'intégrer une famille cinématographique, une famille théâtrale, un clan sociologique, dans lequel on peut compter les uns sur les autres, et si on fait faux bond à sa famille, alors, comme dans les clans siciliens, on perd, pas la vie, mais tout le reste : sa raison de vivre.
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C'est l'existence de cette violence [symbolique] qui fournit sa principale justification à la critique, dont le premier mouvement consiste à dévoiler et à dénoncer la violence cachée dans les plis et les interstices des dispositifs de pacification associés aux institutions. Elle s'emploie alors à redécrire le travail de confirmation institutionnelle dans le registre de la violence et, par exemple, à dévoiler des "rapports de forces" sous les "rapports de droit", et elle s'autorise de cette redescription pour justifier les formes de violence - ne s'agirait-il que de violences verbales - qu'elle met elle-même en œuvre. Car la critique, particulièrement lorsqu'elle s'engage sur le terrain de la justice, peut difficilement se maintenir dans l'ordre des protestations posées de façon vague - comme on dit, "dans l'abstrait" -, par exemple à l'égard de cette entité abstraite que constitue "la société", sans se prolonger par des accusations portées contre des personnes. Or l'accusation n'est pas seulement génératrice de violences. Elle est déjà, par soi seule, une violence. (p. 147-148)
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Pour une grande part, la sociologie critique est une critique des institutions. C'est d'ailleurs la conjonction entre, d'un côté, la reconnaissance, dans l'esprit de Durkheim, de l'omniprésence des institutions et du rôle central qu'elles jouent dans le déroulement de la vie sociale et, de l'autre, le fait d'y voir surtout - contrairement à Durkheim - des instruments de domination, qui contribue à l'extension indéfinie du diagnostic de domination : c'est parce qu'il y a des institutions partout qu'il y a de la domination partout. (p. 86)
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Il est indéniable que le travail institutionnel de détermination et de qualification de ce qui est et de ce qui vaut exerce, quel que soit le genre de société où il est mis en œuvre, un effet de constitution d'une vérité officielle et aussi de ce que l'on met habituellement sous l'appellation de "sens commun" (et, particulièrement, d'un sens commun des conduites jugées normales ou anormales, à la façon dont l'entend la psychiatrie). Le pouvoir des institutions exerce par là un puissant effet sur ce que nous avons appelé la constitution de la "réalité" et, corrélativement, contribue fortement à assurer l'exclusion des possibles latéraux, c'est-à-dire la mise à distance du "monde". Les institutions, si nécessaires soient-elles, exercent donc bien [...] un effet de domination. (p. 149)
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Comme le suggèrent les remarques qui précédent, on peut donc schématiquement esquisser le tableau de deux types idéaux d'économie. À une économie centrée sur la production industrielle, s'oppose une économie fondée sur ce que l'on peut appeler des processus d'enrichissement des choses. Rappelons que le terme d''enrichissement" est utilisé non seulement pour signaler que les choses sur lesquelles repose cette économie sont particulièrement destinées aux riches, mais aussi pour désigner les opérations dont les choses font l'objet en vue d'en accroître la valeur et d'en augmenter le prix.
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Cette forme de domination ["complexe", ou "gestionnaire"] repose sur des dispositifs dont des individus ou des groupes peuvent tirer parti. Mais des personnes différentes peuvent, à différents moments, avoir prise sur ces dispositifs, ce qui rend difficile l'identification par la critique des détenteurs de puissances d'agir. Incarnées dans des individus, elles conservent néanmoins toujours un caractère plus ou moins impersonnel. La question de savoir qui sont les dominants s'y présente donc comme problématique. Ces dispositifs n'opèrent pas en cherchant à entraver le changement de façon à maintenir coûte que coûte une orthodoxie, comme dans les sociétés dites "totalitaires". Au contraire, ils interviennent en valorisant, en accompagnant et en orientant le changement. En ce sens, ils ont partie liée avec le capitalisme comme forme historique subsistant tacitement par un jeu de répétitions et de différences, mais qui prône le changement pour lui-même, en tant que source d'énergie. (p. 193)
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Le principal indice d'une situation pathologique n'est pas l'incohérence ou même le désaccord [...]. Car il appartient au cours normal de la vie sociale de n'être que très partiellement cohérent et de rendre malgré tout possible la coexistence d'êtres dont les différences et les divergences sont toujours plus fortes que ce autour de quoi ils se rassemblent, ne serait-ce que parfois. Ce qui doit induire l'identification d'une situation pathologique c'est, au contraire, la recherche maniaque de la cohérence, comme s'il pouvait être donné aux êtres humains de vivre dans un seul monde et, tous ensemble, toujours dans le même. (p. 177)
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Reviennent ainsi aux institutions toutes les tâches consistant à fixer la référence, particulièrement lorsqu'elle porte sur des objets dont la valeur importe et dont les prédicats doivent être stabilisés par des définitions. Sans ces tâches [...] quelque chose comme le capitalisme serait simplement impossible. [...]
Les opérations institutionnelles sont nécessaires non seulement pour arrimer des choses - matérielles ou immatérielles, comme le sont les titres - à des personnes ou à des organisations, de façon qu'elles puissent se transmettre, mais encore pour définir leurs propriétés, ce qui les transforme en produits ou en biens et rend possible l'établissement de marchés. (p. 119-120)
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Nous nous trouvons donc confrontés, du côté de la sociologie critique, à une construction ouvrant la voie à des possibilités carrément critiques, mais qui se donne des agents assujettis à des structures qui leur échappent et fait l'impasse sur les capacités critiques des acteurs. Et, du côté de la sociologie pragmatique de la critique, à une sociologie vraiment attentive aux actions critiques développées par les acteurs, mais dont les potentialités critiques propres paraissent assez limitées. [...]
Le problème est que ces deux approches, tout aussi justiciables l'une que l'autre, donneront des résultats différents, voire difficilement compatibles. Dans le premier cas, l'accent sera mis plutôt sur les contraintes et sur les forces qui pèsent sur les agents. Dans le second, l'accentsera mis plutôt sur la créativité et sur les capacités interprétatives d'acteurs qui, non seulement s'adaptent à leur environnement, mais aussi le modifient sans cesse. (p. 75-76)
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L'insistance mise [dans la sociologie critique de Pierre Bourdieu] sur les relations circulaires entre, d'un côté, les structures sous-jacentes et, de l'autre, les dispositions incorporées, concourt ainsi à résorber l'incertitude à laquelle les acteurs sont confrontés dans les situations où ils doivent agir. Or la notion d'action ne prend vraiment sens que sur fond d'incertitude, ou au moins par référence à une pluralité d'options possibles. Dans des contextes où tout semble joué d'avance, le concept même d'action tend à se vider de son sens. [...] Le changement social lui-même et aussi le rôle que joue la critique dans les processus de changement sont, dans ce cadre, difficiles à prendre en compte. (p. 44)
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Comme l'économie industrielle, l'économie de l'enrichissement est très inégalement distribuée dans l'espace, occupant de larges territoires dans certains pays, mais pouvant se réduire à l'échelle d'un quartier d'une grande ville dans d'autres pays où prédominent des activités d'agriculture intensive, industrielles ou de service.
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Si la critique est loin d'être absente de notre ouvrage, elle est dirigée vers le capitalisme contemporain, non vers l'économie en tant que telle.
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Les nouvelles pratiques d'entreprise et la nouvelle morale en réseau qui les accompagne tendent à remettre en cause le partage entre les activités et les qualités qui sont de l'ordre du personnel et celles qui sont de l'ordre du professionnel, partage qui avait pourtant joué un rôle considérable dans la formation du capitalisme.
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Le capitalisme a toujours eu partie liée avec l'État. Il ne peut pas subsister en l'absence de ressources institutionnelles pour fixer des droits de propriété, des qualifications et des standards, ou de ressources dépendant d'un pouvoir administratif pour assurer la police et, particulièrement, pour garantir les contrats. On a vu ainsi que le tournant néolibéral des vingt dernières années n'a pas entraîné un dépérissement de l'État, mais sa transformation, sur le modèle de l'entreprise, pour s'ajuster aux nouvelles formes de capitalisme. (p. 235)
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La dependance de la critique à l'égard de la sociologie a pour corollaire la dépendance de la sociologie à l'égard de la critique. (...) Qui s'intéresserait à une sociologie pour la sociologie (comme on dit "l'art pour l'art"), c'est-à-dire à une sociologie qui, s'épuisant dans des descriptions de plus en plus sophistiquées et minutieuses, n'aurait d'autre objectif que son propre accomplissement, en tant que discipline du savoir? (p. 36-37)
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Assigner aux institutions un rôle surtout sémantique, consistant à stabiliser la référence en tenant compte le moins possible du contexte d'usage, permet de ne pas les confondre avec deux autres types d'entités auxquelles elles sont le plus souvent associées mais dont il convient de les distinguer analytiquement. D'une part, des administrations, qui assurent des fonctions de police et, d'autre part, des organisations, qui assurent des fonctions de coordination. Ces deux genres d'entités désignent, si l'on veut, les moyens dont les institutions doivent être dotées pour agir dans le monde des corps. (p. 123)
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