En plus ou moins 90 pages, l'auteur de cet essai tente de nous relater l'histoire de "l'amitié" (de la naissance à la chute) entre deux "monstres sacrés" de la littérature française : André Gide et Pierre Louÿs.
Une époque ressurgit, riche de créations littéraires et parmi elle, deux hommes aux caractères et tempéraments opposés qui se trouvèrent en leur début, se perdirent et se détestèrent ensuite dans la pure tradition soit du mépris soit du dédain.
Sept ans d'échanges dont ils ne sortent glorieux ni l'un ni l'autre.
On ressent le parti pris de l'auteur qui, dès le départ, prend position pour Pierre Louÿs.
Gide ne trouve grâce à ses yeux que rarement, chaque point positif étant contrebalancé par une pique le minimisant alors que Louÿs semble toujours excusé.
Les spécialistes apprécieront...
La lecture est passionnante dans le sens de la surprise et des interrogations qu'elle suscite.
"La seule vraie réussite dans la vie de Louÿs à partir de 1902 est la perfection dans le désastre".
Luc Delisse a beaucoup de respect pour l'homme et l'auteur à réhabiliter au-delà des lieux communs qui gravitent autour de lui. Une biographie devrait voir le jour prochainement.
Quant à Gide, non seulement si "les bibliothèques universitaires et les centres de recherche américains" continuent à l'étudier, ses livres fleurissent toujours dans les librairies.
Les aficionados et les simples lecteurs y trouveront encore et toujours plaisir.
Le livre se serait grandi en relatant simplement les faits, sans prise de position aussi évidente.
Le lecteur est à même de comprendre et de tirer les conclusions qui s'imposent.
Merci à Babelio pour m'avoir permis cette lecture ainsi qu'aux Editions Les Impressions Nouvelles.
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Cet essai est déconseillé aux inconditionnels de Gide, qui, selon Luc Dellisse, n'est que platitudes et n'a même pas le mérite du courage lors de la publication de Corydon, l'âge des jeunes partenaires sexuels de l'auteur ne gênant personne dans les années 20. S'appuyant sur les témoignages de la Petite Dame, Maria Van Rysselberghe, pourtant admiratrice passionnée de Gide, il insiste sur son insignifiance, son ahurissement perpétuel, sa jalousie à l'égard de Proust, ses conflits larvés et mesquins avec Jacques Rivière. .
On comprend mieux cette antipathie - dont Luc Dellisse est d'ailleurs parfaitement conscient- lorsqu'on sait que celui-ci s'est littéralement plongé dans la vie de Pierre Louÿs ( dont il prépare d'ailleurs une biographie) pour revaloriser sa personne et son oeuvre, lui redonner sa place dans la littérature, le considérant comme le plus grand méconnu des écrivains de son époque.
Entre Gide et Pierre Louÿs donc, une amitié de 7 ans, mais qui part mal dès leur jeunesse. D'abord et surtout des caractères opposés et une incompatibilité d' humeur. L'un - Louÿs- est joyeux, taquin, primesautier, brillant, ardent. L'autre - Gide - est lent, hésitant, conformiste, puritain, souvent versatile.. Mais il y aura aussi l'immense jalousie de Gide devant le succès rapide et fulgurant de son ami, qui, avec Aphrodite, devient célèbre presque du jour au lendemain: les éditeurs s'arrachent l'écrivain, les musiciens veulent porter ses romans à l'opéra, des admirateurs assaillent sa porte.
En fait, ces deux hommes auront une vie en courbe inverse: succès foudroyant pour Louÿs, puis, très vite, difficultés dans sa vie et son œuvre et lente descente aux enfers, faite de dettes, avachissement, maladie, cécité, incapacité à écrire, oubli du public. L'autorité de Gide, en revanche, ne cesse de croître, il rayonne, il voyage, il est entouré d'amis, il deviendra éditeur et obtiendra le prix Nobel en 1947. Mais Louÿs, à cette date, est déjà mort, dans la solitude la plus absolue.
En fait, l'essai de Luc Delisse n'est pas seulement l'histoire d'une fêlure, mais celle de deux douloureuses déceptions: l'une, que nous venons d'évoquer, avec Gide, l'autre avec Paul Valéry, qui, malgré l'aide efficace et éclairée que lui avait apportée son ami Louÿs, dédiera "la Jeune Parque" à...Gide, l'ennemi avéré de ce dernier.
Il est important de savoir que, dans son hommage, Luc Delisse rejoint les contemporains de Louÿs: Debussy, Heredia, Mallarmé, Gourmont, Régnier, Léautaud, et Valéry lui-même. Intéressant aussi d'apprendre qu'aux yeux de Dellisse, la grande œuvre de Pierre Louÿs ne sont pas les romans qui firent son succès ( Aphrodite, Les chansons de Bilitis, La Femme et le Pantin ) mais son abondante correspondance.
Et on s'attache à ce moine-soldat de l'écriture, qui, jusqu'au bout, bien qu'aveugle et malade, refit inlassablement le même effort d'écriture et de recherche.
Un grand merci à Babelio, Masse critique et aux Editions Les Impressions Nouvelles pour cette enrichissante lecture.
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Mardi 29 octobre 2013, Luc Dellisse présentera son nouveau livre Le Tombeau d'une Amitié, André Gide et Pierre Louÿs à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles à Paris, à 18 h 30.
274 Boulevard Saint Germain 75007 Paris.
Réserver obligatoirement au 01 53 85 05 11
Les vrais admirateurs de Louÿs apprécieront à sa juste valeur cette étude de Luc Dellisse puisque, pour la première fois, nous dépassons enfin les incontournables curiosa de l'écrivain !
Comme le dit lui-même Luc Dellisse, "le chemin sera long pour rendre à Pierre une place plus juste et pour mieux établir par où il excelle, et par quoi il est remarquable".
Luc Dellisse débute ainsi son ouvrage "Le Tombeau d'une Amitié" :
"Mon existence se rattache à une seule passion : la littérature. Je n'ai pas eu d'autre aventure que celle-là. Je n'ai jamais agi, aimé, vécu que dans la poursuite d'une phrase sans fin. Sans elle, le temps me semble arrêté."
D'entrée de jeu, les règles sont clairement posées : ce sera Gide, Louÿs ET Delisse. Donc un essai ... donc, par essence, un écrit subjectif. Si Luc Dellisse avait voulu nous offrir un condensé objectif de l'amitié Gide / Louÿs, il l'aurait fait "à la manière de" Wikipédia, lisse et sans âme.
Au fait, Wikipédia : "contrairement à l'étude, l'essai peut être polémique ou partisan. L'essai est une oeuvre de réflexion portant sur un sujet précis et exposé de manière personnelle, voire subjective, par l'auteur".
Mais pourquoi Louÿs, pourquoi Gide ?
Désir de Luc Dellisse de se couler dans la vie d'un écrivain qui aura "joué la partie toute entière - sa vie - dans l'espace imaginaire de l'écriture (...). En suivant sa trajectoire, on comprend mieux ce que c'est qu'une vie d'écrivain. Le flamboiement de l'écriture n'est que l'envers du noir universel. La littérature existe pour transformer l'échec en lumière, mais cette lumière, à son tour, ne peut éclairer que l'échec."
Ce sera donc Louÿs, qui aura vu sa vie se défaire au feu de l'écriture.
Et ce sera Gide aussi, puisque étonnamment son ami tout autant que son contraire "presque idéal" ... : paradoxe bien littéraire.
A partir de ce choix, tenter de cerner en les confrontant et les renvoyant dos-à-dos, deux personnalités hors-du-commun.
Gide fut-il vraiment cet agitateur d'idées, cet humaniste découvreur de talents que l'on salue aujourd'hui ? Mallarmé, Hérédia, Gourmont, Régnier, Léautaud, Valéry, ses contemporains, n'en semblaient pas convaincus. "La différence de classe entre une Colette et un Gide, c'est la différence de classe entre un Saint-Simon et Anatole France", notera Montherlant dans ses Carnets (Carnets 1930 - 1944 Gallimard page 166).
Louÿs ne fut-il vraiment que cet écrivain éparpillé dont les éditions actuelles nous renvoient l'image ; ce brillant producteur de textes hétéroclites où se côtoient "chefs d'oeuvre littéraires et fonds de tiroirs" ? Ne fut-il que le simple ami de figures considérées aujourd'hui comme plus marquantes, tels Gide, Valéry, Paul Fort, Debussy ?
Qui se souvient que c'est à Louÿs que l'on doit les recherches qui le mèneront à la très scandaleuse (et si moderne !) conviction qu'il y a dans certaines pièces de Molière plus de Corneille que de Poquelin ...
Le tombeau d'une amitié, Gide et Louÿs, se lit, se dévore comme un roman.
Finalement pour partir à la découverte de ce livre, peu importe qu'on ait lu l'un ou l'autre, l'un et l'autre, qu'on aime Gide et pas Louÿs, qu'on défende Louÿs au détriment de Gide.
Luc Dellisse nous embarque dans une formidable aventure, et le plaisir de la lecture est là, aux détours de paragraphes courts et percutants, au coeur d'une période littéraire flamboyante, celle d'avant 1914.
Le livre une fois refermé, on n'a qu'une envie, c'est de lire - ou relire- ces deux écrivains, et de se forger sur eux sa propre opinion ... ou pourquoi pas même ... d'en changer !
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L'auteur nous fait voyager dans ces paysages appelés Nostalgie , nostalgie de l'enfance , des souvenirs que nous avons transformés au fil du temps qui passe et qui déforme nos souvenirs mais surtout nous emmène au pays de la Passion amoureuse , en nous racontant les souffrances qui en découlent et la lente reprise de la vie.
Très beau , très bien écrit.
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Libre comme Robinson - Petit traité de vie privée | Luc Delisse
Oui, oui et oui !
Voilà un livre qui bouscule un peu...l'auteur dit les choses sans pincettes, juste telles qu'elles sont... même quand ça dérange. Je trouve bon de se retrouver face à certaines de nos incohérences.
Le monde ne tourne plus rond, se porte mal et la catastrophe est imminente. On le sait tous.
Certains s'en moquent complètement et ont une belle capacité à faire l'autruche.
D'autres font des " efforts", qui n'en sont pas vraiment quand on a compris que finalement le fond du problème c'est avant tout notre mode de consommation et qu'on peut très facilement changer un bon nombre d'habitude si on est un tant soit peu impliqué.
Et puis il y a les gens - et ils ne doivent pas être nombreux malheureusement- comme Luc Delisse qui ont décidé de vivre, consommer et penser plus " simplement", sans le dictat du tout commerce. Je les admire je ne crois pas être un jour assez forte pour y arriver, et pourtant je ne m'en porterai que mieux !
J'ai adoré la plume de l'auteur, qui est aussi poète ...ceci explique sûrement cela !
Chaque phrase se déguste comme de petites pensées philosophiques. Et il sait nous éveiller à des choses évidentes qu'on oublie trop facilement.
Ici et là sont distillés quelques bons conseils dont on peut s'inspirer !
C'est un livre que je ressortirai de temps en temps pour en relire quelques passages histoire de garder les yeux bien ouverts sur ce qu'est devenu le monde actuel.
Et ce qui ne gâche rien : la couverture est superbe !
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