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Critique de cathcor


Cet essai est déconseillé aux inconditionnels de Gide, qui, selon Luc Dellisse, n'est que platitudes et n'a même pas le mérite du courage lors de la publication de Corydon, l'âge des jeunes partenaires sexuels de l'auteur ne gênant personne dans les années 20. S'appuyant sur les témoignages de la Petite Dame, Maria van Rysselberghe, pourtant admiratrice passionnée de Gide, il insiste sur son insignifiance, son ahurissement perpétuel, sa jalousie à l'égard de Proust, ses conflits larvés et mesquins avec Jacques Rivière. .
On comprend mieux cette antipathie - dont Luc Dellisse est d'ailleurs parfaitement conscient- lorsqu'on sait que celui-ci s'est littéralement plongé dans la vie de Pierre Louÿs ( dont il prépare d'ailleurs une biographie) pour revaloriser sa personne et son oeuvre, lui redonner sa place dans la littérature, le considérant comme le plus grand méconnu des écrivains de son époque.
Entre Gide et Pierre Louÿs donc, une amitié de 7 ans, mais qui part mal dès leur jeunesse. D'abord et surtout des caractères opposés et une incompatibilité d' humeur. L'un - Louÿs- est joyeux, taquin, primesautier, brillant, ardent. L'autre - Gide - est lent, hésitant, conformiste, puritain, souvent versatile.. Mais il y aura aussi l'immense jalousie de Gide devant le succès rapide et fulgurant de son ami, qui, avec Aphrodite, devient célèbre presque du jour au lendemain: les éditeurs s'arrachent l'écrivain, les musiciens veulent porter ses romans à l'opéra, des admirateurs assaillent sa porte.
En fait, ces deux hommes auront une vie en courbe inverse: succès foudroyant pour Louÿs, puis, très vite, difficultés dans sa vie et son oeuvre et lente descente aux enfers, faite de dettes, avachissement, maladie, cécité, incapacité à écrire, oubli du public. L'autorité de Gide, en revanche, ne cesse de croître, il rayonne, il voyage, il est entouré d'amis, il deviendra éditeur et obtiendra le prix Nobel en 1947. Mais Louÿs, à cette date, est déjà mort, dans la solitude la plus absolue.
En fait, l'essai de Luc Delisse n'est pas seulement l'histoire d'une fêlure, mais celle de deux douloureuses déceptions: l'une, que nous venons d'évoquer, avec Gide, l'autre avec Paul Valéry, qui, malgré l'aide efficace et éclairée que lui avait apportée son ami Louÿs, dédiera "la Jeune Parque" à...Gide, l'ennemi avéré de ce dernier.
Il est important de savoir que, dans son hommage, Luc Delisse rejoint les contemporains de Louÿs: Debussy, Heredia, Mallarmé, Gourmont, Régnier, Léautaud, et Valéry lui-même. Intéressant aussi d'apprendre qu'aux yeux de Dellisse, la grande oeuvre de Pierre Louÿs ne sont pas les romans qui firent son succès ( Aphrodite, Les chansons de Bilitis, La Femme et le Pantin ) mais son abondante correspondance.
Et on s'attache à ce moine-soldat de l'écriture, qui, jusqu'au bout, bien qu'aveugle et malade, refit inlassablement le même effort d'écriture et de recherche.
Un grand merci à Babelio, Masse critique et aux Editions Les Impressions Nouvelles pour cette enrichissante lecture.
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