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Critiques de Luc Dellisse (28)
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2013 : Année-terminus

Récit imaginaire situé sur le rebord de la réalité, 2013 nous entraîne dans la glissade du monde occidental vers le gouffre, conséquence de la crise et des bouleversements économiques, avec, en marge, les efforts d’un homme – le narrateur - qui cherche à sauvegarder la sécurité de sa famille dans ce monde en délitement.



« Avec la chute de l’euro, le tétanos des banques, le chômage au zénith, la fermeture des frontières, les tensions géopolitiques, on fut brusquement confronté à une crise si forte qu’il n’y avait plus à s’inquiéter de l’avenir : juste à rester attentif aux fluctuations dramatiques du présent. »



Dans ce livre nourri de l’actualité récente, où faits réels et romancés s’entremêlent, la distance entre la dimension cataclysmique des événements économiques et leurs conséquences qui semblent relativement minces - l’arrêt de tous les ascenseurs, la pénurie de café et de chocolat par exemple - nous rappelle, si besoin était, que 2013 est une fiction.



Ainsi, avec ce roman de légère anticipation, Luc Dellisse prolonge pour nous le réel tout en le réinventant « pour que nous y voyions plus clair ».



Le plaisir de lecture vient aussi de l'humour souvent désabusé de l’auteur, avec – entre autres – les gesticulations des nonagénaires hyperactifs tels que Edgar Pisani ou Stephane Hessel, impuissants à changer le monde malgré leur expérience accumulée, les tentatives de la banque centrale suisse dont le seul objet est devenu de faire chuter sa monnaie devenue trop forte pour les exportations avec l’effondrement de l’euro, ou encore le portrait de CKC (personnage fictif double de DSK) aux initiales éminemment signifiantes de l’état du monde.



« Il faudrait donc consacrer durant trois cent cinquante ans 6% du PIB pour sauver notre espèce de l'extinction. Ce chiffre frappa tous les observateurs comme gigantesque, irréaliste, indécent – et fort probablement exact. Ainsi on peut considérer le 12 octobre 2012 comme une date importante : ce jour-là, l’espèce humaine jugea que 6%, c’était trop cher pour elle et que sa survie ne valait pas cela. »
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2013 : Année-terminus



Résumé



Ce livre nous projette à la fin de l’année 2013, au cœur de la « grande crise ». Sur les terrains de l’économie, de la politique, de la société et de la culture, l’auteur/narrateur imagine ce que sera le monde et ses habitants. Il le fait à la manière d’un fil d’actualité et livre son opinion sur tous les sujets du moment en nous faisant part, par-ci par-là, de ses propres choix pour lui et sa famille qu’il choisit d’exiler en Belgique.



Vrai/Faux. Fiction/Réalité. Haut/Bas. Vivre/Mourir. Affronter/Fuir.



Avec une écriture précise et (extra?) lucide, l’auteur s’amuse à tout analyser pour tout clarifier et conclure en nous rappelant qu’il ne s’agissait que de fiction et que (ah, ah, il nous a bien eu) il faudra attendre pour voir ce qui va arriver véritablement et que ce ne sera certainement pas ce qu’il nous a dit.



Opinion



Ce livre est un OVNI. Jamais auparavant n’avais-je lu un tel « roman ». J’en suis sotie d’abord groggy, puis déstabilisée et enfin mon esprit s’est mis à galoper, à imaginer, à se questionner, à envisager, à regarder. Mes yeux sont désormais grands ouverts. Ce livre aborde avec simplicité et clairvoyance des sujets pouvant par ailleurs être rébarbatifs (natalité, fluctuations boursières, etc.) et les lie avec notre quotidien de manière quasi naturelle.



Bien évidemment, la littérature et la lecture sont elles aussi passées dans ce tamis et je laisse ici la parole à Luc Déllisse dont le livre pourrait bien changer (un petit peu) le monde. Mise en garde : Souvenez-vous, c’est un roman. Donc, par essence, fictif.



Attention, chef-d’œuvre… qui pourrait peut-être bien rester dans l’ombre car jugé trop dérangeant. Ce ne sera pas de ma faute, je vais faire passer le message avec tous les moyens qui sont à ma disposition !


Lien : http://austintoutvabien.over..
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2013 : Année-terminus

Le récit subtil et enlevé d'un témoin de la "crise de 2013".



Le sixième roman de Luc Dellisse, paru en septembre 2012, est une belle occasion de faire connaissance avec l'écrivain franco-belge, remarquable polygraphe de fictions et d'essais (et professeur de scénario à la ville).



En 120 pages denses assorties d'une précieuse postface, il nous propose d'accompagner la "réflexion à voix haute", menée à un train d'enfer, d'un intellectuel "ayant vécu" en 2013 le dénouement et le point provisoirement final de la crise du capitalisme dont le paroxysme actuel avait débuté en 2007-2008...



Parvenant à trouver un ton bien particulier, tout en lucidité informée (les passages économiques sont souvent d'une qualité et d'une drôlerie dignes du meilleur Lordon, bien qu'issus d'une perspective sensiblement différente) et en pragmatisme gentiment égoïste de - déjà - survivant, Luc Dellisse nous propose ainsi, sous couvert d'anticipation socio-économique, une forme subtile d' "apocalypse joyeuse", où la mélancolie, la résignation et le vouloir-vivre "au mieux" s'associent dans une bizarre sarabande que, là aussi dans une perspective bien différente, ne renieraient sans doute pas le Jérôme Leroy des anticipations socio-politiques nourries au fantôme de "communisme balnéaire", voire le Norman Spinrad du "Il est parmi nous"...



À mi-chemin entre l'analyse économique réaliste et une forme désenchantée de romantisme contemporain, une lecture bien attachante.



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Fantomas n°3 : La mort qui tue

Je connaissais Fantomas à travers les films, plutôt drôles, dans mon souvenir, mais pas en littérature. Ici, nous avons affaire à une histoire des plus sérieuse. Je n'ai pas trop apprécié cette lecture, j'ai trouvé le récit décousu. En revanche, les graphismes et couleurs m'ont plu.
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Foudre, tome 1 : L'Etincelle

Quel embrouillamini ! Mais c'est souvent ainsi les BD qui se lancent dans une histoire complexe.

BD de science fiction. Nous sommes en...2010 (?) et le monde attend sa fin. Pas de panique dans les rues parisiennes juste une fraîcheur et des rues désertes. Un professeur obtient d'aller consulter la banque aux images qui se trouvent dans la pyramide du Louvre pour consulter les vidéos de tout le passé de l'humanité (du moins depuis l'existence des vidéos !)

Il recherche celles des ses vingt ans quand il a plongé dans une sombre histoire de sectes et de trafic d'organes.

Graphisme ligne claire qui me désappointe ...toujours.
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Foudre, tome 2 : Clandestin

Et dire, que certains croient que la lecture des BD c'est facile !

Erreur; Certaines, comme celles-ci, nécessitent une bonne dose de concentration pour ne pas perdre le fil !

Ouf, ils y ont pensé ! A ajouter la date à laquelle se situe l'action : cela donne un petit repère, vraiment petit !

Quelques liens entre les personnages se précisent. L'explication de la fin du monde annoncée en raison de la stérilité des femmes est ...plausible.

Cet ouvrage datant de 1996, c'est bien anticipé d'utiliser les images vidéos prises tout au long de la vie des personnages.

Moins originale l'utilisation de la symbolique de la pyramide du Louvre.

Des incohérences, mais peut-être que dans l'épisode suivant, je réaliserai que ce n'était pas une incohérence ...

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Foudre, tome 3 : Hong Kong machine

Toujours aussi compliqué le scénario !

En introduction, les portraits des huit personnages principaux.

Voilà qui clarifie un peu et remet en mémoire les deux épisodes précédents.

On commence à envisager qu'il existe un double de la terre...

On commence à se demander si les "Godwins" seraient ...sympas (?)

On continue de trouver bizarre que la secte des Godwins fasse exécuter par leur "dernier carré" ceux qui les gênent en n'utilisant que des armes blanches. Quant à la mort "élégante" c'est d'ingurgiter le contenu verdâtre d'un étrange cylindre, pour retrouver l'espace d'un instant toute la beauté de sa jeunesse et, pffft ! de disparaître magiquement en ne laissant aucune trace. C'est sûr qu'ainsi on économise de précieux arpents de terre et l'ennui des obsèques.



Amusant de retrouver dans la représentation des politiques, des traits communs avec nos politiques de chair et de sang, agaçant le professeur Carnot dans son rôle de bellâtre-gros-bras, mais réussit Jacques Talaris entre ambitieux sans scrupules et gentil fils à maman.
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Foudre, tome 4 : Le dernier Nobel

Bonne nouvelle ! Les auteurs de cette BD sont conscients de la difficulté de suivre ce scénario. La preuve : de nouveau la courte "biographie" des huit principaux personnages et la page d'ouverture dans laquelle, Talaris résume les trois tomes précédents. Et comme ils sont un peu provoc' Messieurs Durieux et Dellisle ils lui font dire : "Dans le fond, cette histoire, ce n'est pas bien compliqué;" !!!



Le noeud de l'intrigue ce serait une expérience de tournage-de-table-esprit-es-tu-là, qui a mal ...tourné !



Allez, un dernier effort : j'attaque le dernier tome !
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Foudre, tome 5 : Les jardins de Magellan

Ouf ! Fini ! La première impression était la bonne : quel salmigondis !

Parmi les bonnes choses : des personnages qui ont de l'étoffe comme Talaris, le politicard roublard et jouisseur, ou Manu Carnot avec son côté « french doctor » à la belle Gueule.

Aussi, côté des bonnes surprises, reprendre l'idée du « plan B » , si souvent évoqué après le référendum de 1992, plan qui n'existait pas , pour en faire la Planète B, une terre où les femmes ne sont plus stériles, où il n'existe plus d'Amérique et donc plus d'hégémonie étasunienne, ni de pollution, mais où règne une dictature chlorophyllée. Résoudre la globalisation en devenir en ne gardant sur la mirifique Planete B qu'une ville : Paris ; parce qu'au fond, on est si bien entre-soi... C'est railleur et persifleur, et ça fait du bien.



Mais pour le scénario, j'ai beau m'appliquer, je n'y vois qu'un fouillis sans queue ni tête. Les allers-retours du futur à différents passés, trop de références à des technologies existantes ou inventées timidement, une théorie du complot enfantin, et quelques autres « détails »...

Et pourtant, Luc Dellisse a beaucoup écrit sur les scénarios, mais de mon humble point de vue, il n'est pas fait pour la BD.

L'alchimie entre dessinateur et scénariste est restée inopérante entre ces deux-là, qui se connaissaient peut-être trop bien...
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Jules Verne : Voyage au centre de la Terre,..

Pour ceux que le format roman rebute, cette BD permet de plonger dans l'univers de Jules Verne. Petit bémol, avec ce format, moins de place est laissée à l'imaginaire, on se fait une représentation des personnages, des décors tels qu'ils nous sont proposés par le dessinateur de cette BD.
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Jules Verne : Voyage au centre de la Terre,..

Si je n'étais pas tombée sur ces BD, je ne suis pas certaines de m'être intéressée à Jules Verne.

C'est une BD bien faite, on est happé par l'histoire, une lecture dynamique et honnêtement, dès la fin du Tome 1, on n'a qu'une envie, attraper le Tome 2 !
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L'atelier du scénariste

L’atelier du scénariste est un essai très intéressant, précis et documenté, qui donne une image différente du travail d’écriture. Avec beaucoup de générosité, Luc Dellisse partage son impressionnante culture cinématographique mais aussi littéraire et nous donne envie de (re)voir ces films emblématiques pour mieux visualiser les scènes qu’il évoque.
Lien : https://carnetdelecture1.wor..
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L'étoile polaire, tome 1 : Le milieu du ciel

Histoire sur le Temple, les complôts de toute sorte, qui n'a pas eu beaucoup de succés puisqu'abandonnée à son troisième tome alors que le scénariste en prévoyait 8.Sans doute est ce lié à ces multiples écarts à l'histoire initiale, qui éparpille un peu l'histoire qui la rend inutilement complexe. Tant est qu'à part le personnage principal qui a sa mission, on a un peu de mal à comprendre les motivations des personnages secondaires (l'abbé du premier tome, le seigneur du second) et les trahisons qui en découlent.

En revanche le dessin est déjà extraordinairement précis et bien fait. Efficace et beau tout simplement. La couverture en cela ne lui rend pas totalement hommage.

Malgré cela cette histoire aurait méritée d'être finie correctement.
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La carte de l'Afrique

Le titre ne reflète absolument pas le contenu de cette bd au dessin très naïf et peu précis. Même l'intrigue est complètement décousue avec des dialogues convenus et des situations rocambolesques ne reflétant guère la réalité et l'authenticité.



Pour ma part, je n'ai pas du tout été happé par l'histoire qui m'est apparue comme totalement stérile. Le héros, un genre d'intellectuel kleptomane, amateur de livre ancien, n'a guère suscité mon intérêt. On peut aisément passer son chemin à moins d'insister.

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Le professeur de scénario





N°404 – Mars 2010

LE PROFESSEUR DE SCÉNARIO – Luc Dellisse – Impressions nouvelles .



Ce doit être un roman autobiographique puisque le personnage principal porte le même nom que l'auteur. Comme lui il est professeur de cinéma, mais à Genève, pas à la Sorbonne (peu importe). Tout au long du récit, il nous parle (à la première personne) des problèmes d'un enseignant, de ces demi-couloirs, de l'intendance, de la photocopieuse, des crédits, des réunions, des relations avec ses collègues, des prises de pouvoir à l'intérieur du microcosme professionnel, du charme et de la beauté de ses étudiantes... Pas vraiment passionnant! Le milieu universitaire est feutré et clos, comme il se doit et le décor de la ville est tranquille comme le sont généralement les cités de la Confédération Helvétique. Tout cela menace d'être ennuyeux et finit bien par l'être, sauf peut-être quand il instille une énigme policière avec un suicide présenté comme un acte de contrition pour un assassinat et peut-être une malversation perpétrés par un de ses collègues. Quand il aborde ses amours, c'est un peu plus original, pas vraiment intéressant quand même, parfois un peu érotique, mais chacun son parcours, ses conquêtes féminines, ses fantasmes!



Pour le reste c'est une succession de scènes existentielles sans grand intérêt, un itinéraire quotidien dans un univers un peu clos d'une ville suisse où l'auteur se voit nommé à cause d'une thèse sur Guitry. Il porte sur le monde qui l'entoure un regard sans complaisance comme si l'auteur voulait brouiller les pistes, égarer son lecteur au nom de la fiction, sûrement pas pour s'en moquer, mais sans doute pour créer un univers dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à entrer. A-t-il voulu régler quelques comptes? A-t-il voulu poser des questions sur la fonction d'écrivain par rapport à celle de scénariste, sur la portée littéraire du scénario? A-t-il souhaité analyser le principe de liberté de création au regard des contraintes existantes et parfois inévitables? Si c'est le cas, cette réflexion, voire cette remise en question ne peut que nourrir efficacement sa démarche créatrice et son activité d'écrivain est sans doute complémentaire de celle d'enseignant de scénarios qui sont aussi des fictions. Voit-il, comme le dit la 4° de couverture, le scénario, non comme la seule écriture d'un film, mais comme l'art de diriger sa vie? C'est sans doute une philosophie de vie qui en vaut bien une autre et il n'a peut-être pas tort de voir ainsi « les choses de la vie », mais pourtant il m'a semblé que les références avec le cinéma sont ici plutôt ténues. Tout au long du roman, il file une sorte de métaphore, en forme de partie d'échecs en plein air, comme à contre-jour. A la fin, il en donne en quelque sorte la clé «  Mon scénario aussi était un jeu d'échecs ». C'était assurément une autobiographie, sans grande complaisance cependant puisqu'il avoue n'avoir pas donné de son héros une image « exagérément positive », fasciné par le sexe et ayant des rapports ambigus avec l'argent ce qui « jette le doute sur son honorabilité ». Il précise que « dissimuler la moindre bribe de vérité pour ne pas ternir son image équivaudrait à renoncer à écrire », ce qui est une marque de sincérité.



C'est vrai que je me suis un peu forcé pour mener ma lecture à terme, par curiosité sans doute, en me demandant si je finirai par être étonné. Il est bien parfois question de copie égarées, de portefeuille volé, mais tout cela se retrouve à la fin. Autant d'énigmes qui n'en sont pas vraiment!



Il semble que ce soit une suite, le troisième volet d'une autobiographie imaginaire ( « l'invention du scénario », « L'atelier du scénariste ») et je suis pourtant volontiers attentif à sa démarche quand il déclare « Je suis absent en chair et en os des moindres circonstances romanesques de ce livre... ainsi ai-je pu l'écrire en toute objectivité ». Je suis en effet toujours aussi curieux des relations privilégiées qui existent entre un auteur et ses personnages.



Même si j'ai eu un peu de mal à entrer dans cet univers romanesque (ce scénario?), le style et peut-être lui seul, a soutenu mon effort. Le texte est bien écrit, agréablement poétique par moment, avec un certain humour, une ironie bienvenue, un sens de la formule même et agréable à lire.





© Hervé GAUTIER – Mars 2010.






















Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Le professeur de scénario

Bien plaisant roman, redoutable de désinvolture, où l'université genevoise surprendra...



Paru en 2009, le quatrième roman du Franco-Belge Luc Dellisse se déroule à Genève, et nous propose une bien savoureuse violence des échanges dans un autre milieu tempéré, celui de la haute faculté.



Même si, vu de loin, tout sépare les départements "XIXème siècle" et "Etudes cinématographiques" de la vénérable université calviniste des intrigues de la grande entreprise mondialisée, Luc Dellisse recrée pour nous, comme l'avait fait par exemple en 2000 Claude Pujade-Renaud avec son "Septuor" (où les motivations toutefois, presque exclusivement sexuelles, perdaient en subtilité et en crédibilité ce qu'elles gagnaient parfois en drôlerie), ou à la manière d'un David Lodge (en infiniment moins monomaniaque), un univers feutré, policé à l'extrême et pourtant d'une extrême rudesse.



Le charme du protagoniste, professeur de scénario, narrateur tout en gentillesse et extraordinairement peu fiable (par omission bien plus que par action, à l'instar de certain docteur de King's Abbot), opère à 100 % et nous guide dans un magnifique embrouillamini, où l'irruption du mécénat comme source de financement, les rivalités professionnelles, les contrastes étonnants entre étudiants différents, les camaraderies et amourettes, teintées de sournoiserie ou au contraire très décomplexées, entre professeurs, serviront de ressorts et de munitions, en cette bonne ville de Genève où bouillonnent des passions parfois bien inattendues.



Le machiavélisme benoît du héros, guidé par ses amours, ses talents désenchantés et sa compréhension intime des ressorts dramatiques lui permettant de (presque) tout scénariser chez les autres, nous offre un livre plein d'une étrange drôlerie, d'une profonde érudition, et d'un regard sur le monde au charme trouble et somme toute passionnant.



Une bien plaisante découverte, à la croisée indéfinissable de plusieurs genres de littérature.



" - Il y a encore un autre problème sérieux. C'est le mécénat.

- Ah, le mécénat !

- Tu fais bien partie de la commission du mécénat ?

- Oui, j'en suis même le secrétaire.

- Je n'ai pas vu le rapport des dernières réunions.

- Il n'y a pas eu de dernières réunions.

- Voilà, si je relâche la pression un instant, ça se délite.

Il prononçcait "dilite", comme pour la touche détruire des claviers d'ordin

ateur, mais j'avais compris. On ne travaille pas vingt ans dans les réseaux universitaires sans voir la langue française partir au galop dans les sables. En règle générale Mathieu parlait à la perfection le français de Paul Bourget. Mais la modernité l'égarait comme chacun de nous.

- Tout se dilite, d'ailleurs. À cause de mon drame intime, j'ai été contraint de prendre mes distances par rapport à la Fac. J'ai délégué, j'ai délégué. Résultat : un grand désordre. Ah, Luc, ne délègue jamais.

Je n'avais rien à déléguer, n'exerçant aucune responsabilité sérieuse. J'ai pris le masque de Caton, farouche, incorruptible, prêt à détruire Carthage plutôt que de déléguer."



"Il y a eu un moment de creux de la vague. Les ampoules Saturne donnaient à présent leur pleine puissance. Pour changer de sujet, j'ai posé une question de pure forme sur Toronto. Charlie s'est rengorgé. C'était une surprise toujours renouvelée d'entendre ce grand et gros vieillard négligé parler sur un ton de mondanité délicate : "Oui, mon cher. Je quitte pour neuf mois la cité de Calvin, le temps d'accoucher d'un cours sur Auguste Méliès. Ça s'est décidé en catastrophe." Sa barbe crénelée de puisatier assyrien donnait à ses propos une folie qu'ils n'avaient pas vraiment. "Je laisse d'ailleurs derrière moi un département en ordre de marche." "

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Le professeur de scénario

La littérature permet d’avoir des fantasmes et de les réaliser, en tous cas plus souvent et plus sûrement que dans la vie, pour peu que l’auteur ait des talents de conteur et du style.



Ici, dans ce roman où le narrateur et l’auteur semblent se superposer en grande partie, ce narrateur, professeur de scénario français enseignant à l’Université de Genève, assouvit le fantasme de scénarisation de sa propre vie, transformée ainsi en une succession de prophéties (presque) auto-réalisatrices.



Sur une période de seulement trois jours, le département cinéma de l’Université de Genève va être le théâtre d’un scénario incroyablement riche, qui parfois semble se plier, parfois se rebeller aux injonctions de son démiurge, avec pour ingrédients l’argent, le sexe, un complot, des petits délits et des soupçons d’assassinat, tout cela sur fond de Calvinisme, terreau des divergences culturelles franco-suisses dans le corps professoral, et face à la splendeur froide du lac Léman et des montagnes qui l’entourent.



Un moment de lecture savoureux, avec un livre qui rend hommage au pouvoir de l’imagination et de la littérature.



«Les professeurs pour la plupart sont des gamins déguisés en vieux sages», et les auteurs parfois aussi. Ce roman confirme en tous cas que Luc Dellisse est un auteur éminemment drôle et légèrement machiavélique.



« J’ai frappé à la porte marquée : Directeur du Département.

Une voix claire, métallique, a crié "Oui, Oui" et je suis entré dans le bureau de Mathieu.

Ce spécialiste de Murnau et de Pabst avait le visage ovoïde et blême de Nosferatu. Son habitude de porter des chemises noires augmentait encore l’étrangeté de sa pâleur et de son immobilité. Ses cheveux lisses et noirs, ses sourcils minces et comme épilés et surtout, l’air de jouissance avec lequel il se délectait de formules anormalement cérémonieuses, articulées dans desserrer les dents, lui donnaient un air inquiétant. »



« Aurore, la première fois que je l’ai vue, j’ai compris l’indifférence des criminels à l’égard des peines de prison. Elle était dans la cuisine, juchée sur un tabouret Ikea, elle buvait un bol de Nesquik. Mince, à peine nubile, elle paraissait mineure. Pas de beaucoup mais assez pour être intouchable. Ça ne m’empêchait pas d’avoir envie de la toucher de toutes les façons possibles. L’audace seule me manquait. »
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Le royaume des ombres

Au coeur de l'univers de l'auteur : Une Belgique objet de rejet et de sujet.
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Le sas

Vingt nouvelles, vingt pépites nées du basculement du quotidien vers l'imaginaire et couchées sur le papier à Versailles et à Bruxelles de 2017 à 2019. L'auteur révèle toute sa maîtrise de cette pratique vécue depuis sa prime adolescence. Je ne peux m'empêcher d'associer ces nouvelles au style des films du réalisateur Eric Rhomer.
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Le tombeau d'une amitié - André Gide et Pierre ..

Tout d’abord, je tiens à remercier babelio pour son opération masse critique, ainsi que les éditions « Les Nouveaux Impressionnistes », qui m’ont permis de faire d’une pierre trois coups : découvrir cette petite maison d’édition, cet auteur et l’un des protagonistes, à savoir Pierre Louÿs.



Pourquoi avoir fait ce choix au sein de la large sélection proposée, hormis pour satisfaire ma curiosité ? Eh bien, avant toute chose, pour son titre. « Le tombeau d’une amitié – André Gide et Pierre Louÿs ». La première partie du titre d’abord : « le tombeau d’une amitié »… Qui ne rêve pas – ou qui n’a jamais rêvé pour les plus blasés – d’une amitié éternelle, à toute épreuve et notamment celle du temps et des divergences (tant spatiales qu’intellectuelles), et qui n’a jamais cru trouver la personne qui la lui donnerait ? Et qui n’a finalement jamais été déçu, et n’est jamais passé d’un sentiment d’amour fraternel à celui d’une haine la plus absolue ? Beaucoup se reconnaitront dans la première interrogation, là où très peu n’auront pas souffert la seconde. C’est en cela que le tombeau de cette amitié m’intéresse, de part le caractère universel du thème traité, et à la fois si extraordinaire que lui confère les protagonistes qu’elle met en jeu. Et c’est là qu’intervient la seconde partie du titre. Déjà, la mention André Gide est pour moi un gage de qualité. En effet, il est un auteur qui a vraiment marqué par ses œuvres mes premières émotions et tribulations littéraires, et qui a toujours su éveiller en moi un intérêt et un attachement à son œuvre. C’est pourquoi il était très clair pour moi que Pierre Louÿs – qui, je dois le reconnaitre, n’était dans mon esprit qu’un vague nom, mentionné je ne sais trop où et pas d’une manière suffisante pour étayer ma curiosité – était le trouble-fait dans cette histoire, et le seul responsable de cet échec amical.

Et qu’elle n’a pas été ma surprise en découvrant que l’auteur ne partageait absolument pas mon avis que je croyais, comme certainement beaucoup d’autres idées, inébranlable et intouchable.

Cette confrontation d’idées à vraiment été enrichissante, et l’histoire atypique et unique (comme le sont toutes les nôtres finalement) de ces deux personnalités complexes et fascinantes, très intéressante.

Je dois néanmoins avouer que j’ai été gênée par le parti pris de l’auteur trop appuyé, et inévitablement trop étouffant ; outre le fait qu’il n’allait pas dans mon sens, le culte qu’il voue à Pierre Louÿs rend son argumentation moins puissante, et les nombreuses louanges au sujet de ce dernier faisant contraste avec le total dénigrement d’André Gide, peut-être moins crédible. Mais c’est un essai me direz-vous, et n’est-ce pas le propre d’un essai de laisser libre cours à nos idées en toute liberté ? Certes, et c’est pourquoi j’aurai certainement préféré voir cette amitié racontée sous une toute autre forme, plus objective. Car même s’il est évident que derrière chaque écrivain se cache une personnalité parfois obscure voire immorale (et Luc Dellisse a su appuyer sur cette face sombre de Gide), il est assez rare que deux portraits s’opposent ainsi de la sorte, l’un totalement noir et l’autre parfaitement blanc. De plus, les nombreuses critiques à l’égard de l’œuvre d’ André Gide ne me semblent pas justifiées, et il serait injuste de ne pas reconnaître ne serait-ce que la qualité de son écriture – pour ceux qui ne sont pas sensibles à ses histoires.



En tout cas, j’ai trouvé cet essai extrêmement bien documenté et riche en informations, les nombreuses citations et références aux contemporains qui ponctuent l’œuvre sont très agréables ! Et évidemment, il me tarde maintenant de découvrir les œuvres de Pierre Louÿs, et notamment son Aphrodite, largement cité – tout en gardant à André Gide sa petite place, largement méritée, dans mon cœur de lectrice.
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