Citations de Lucy Adlington (63)
Richard Glücks, un proche d’Himmler, avait ordonné dès 1940 qu’on récupère les cheveux en provenance des camps après avoir séparé ceux des hommes de ceux des femmes. Les premiers pouvaient être feutrés ou utilisés comme fil.
Les seconds devenaient des chaussettes pour bébés ou équipages de sous-marins et des caleçons pour cheminots ; ils étaient aussi mis en pelotes pour étanchéifier les ogives des torpilles.
Avant transformation, les cheveux étaient lavés puis suspendus dans les combles situés au-dessus des fours crématoires : la chaleur qui en montait les séchait. Ensuite, ils passaient entre les mains de peigneurs.
Ils étaient vendus par exemple cinquante pfennigs le kilo à des entreprises qui cardaient la laine, ce qui représentait une source de revenus intéressante pour Auschwitz. Les comptes des livraisons pour tous usages étaient établis le cinquième jour de chaque mois.
Un tel commerce n’était pas propre à ce camp : on sait par exemple qu’en l’espace de onze mois ceux de Treblinka, Sobibór et Bełzec fournirent à eux seuls vingt-cinq camions de cheveux de femmes.
Nous sortons en titubant dans le petit matin et nous mettons en rangs par cinq pour l'Appel. Nous sommes des milliers et des milliers, toutes en guenilles rayées, anonymes.
C’était une idée idiote de vouloir être davantage qu’un numéro ou un triangle de couleur. Birchwood reste Birchwood, et ça ne changera pas.
Assises dans la boutique vide, nous tissons avec nos mots un futur brodé de rêves
Une fois que tu es étiqueté "différent", les gens te traitent comme si tu ne comptais pas. Ce qui est idiot. Je ne suis ni un triangle ni un numéro. Je suis Ella !
Aujourd'hui, je fais connaissance avec une femme qui a survécu à un lieu et à une époque synonymes d'horreur.
Deux bras tout fins m'enlacent.
-C'est quoi, ça? je gromelle.
Lily me serre contre elle.
-C'est juste pour voir jusqu'où mes bras peuvent aller.
-Je suis contente que tu sois là, résonne la voix de Lily dans l'obscurité. Le pain, c'est bon, mais les amis, c'est mieux.
C'est après avoir été privé de quelque chose qu'on en apprécie vraiment la valeur.
Selon les critères de Birchwood, le travail à la Lingerie est plutôt paisible, même si c'est classé en dessous du Grand Magasin, de la cuisine, ou de la Maison de couture.
Pour résumer : nous sommes en vie, et le soleil brille.
- Tu sais Ella, je ne t'ai jamais dit à quel animal tu me fais penser.
- Va-y, dis-je prudemment.
- C'est simple : tu es un renard.
- Un renard ?
- Pourquoi pas ? Le renard est loyal envers sa petite bande, il est rusé pour survivre et s'adapte à son environnement. Il a des dents pointues pour attaquer et se défendre, mais il est doux et chaud à caresser. Les fermiers le détestent, mais on ne peut pas tout avoir.
Quand tu doutes, lève le menton, carre bien les épaules et sois audacieuse.
Malgré la douleur vacillante qui me vrille les doigts, j'aime le contact du ruban rouge : l'espoir est toujours là, il est juste invisible
Toute opposition dans un tel contexte nécessitait un très grand courage. Néanmoins, la résistance prenait des formes très diverses et les vêtements y avaient eux aussi un rôle à jouer: ce pouvait être un habit chaud pour sauver une vie, un cadeau pour se réchauffer le cœur, une couverture pour se cacher ou un déguisement pour passer inaperçu.
En 1946 le docteur Frantz Blaha, ancien détenu de Dachau et moi témoignant sous serment, décrirait la pratique ignoble du tannage de la peau humaine afin de produire du cuir pour équipements équestres, gants, chaussons et sacs. La maîtresse d'immersion, Hedwig Potthast, aurait même posséder un exemplaire de Mein Kampf relié dans cette matière.
Il arrivait aussi que les fossoyeurs déshabillent les cadavres. Un paysan ayant reçu l'ordre d'enterrer des juifs qui venaient d'être abattus par de tels policiers prit ainsi une robe, des chaussures et un foulard mais il fut déçu après coup de découvrir qu'une balle avait fait un trou dans le dos de la robe.
J'ai gagné un prix qui devait me permettre d'aller à Paris mais j'ai terminé à Auschwitz. Marta Fuchs
Mais ce qui donna le plus de courage aux déportés fut de voir les SS soudain vulnérables. Leur uniforme et leur cravache ne les protégeaient plus ; et lorsque la mort s’abattait, ils n’avaient plus rien du surhomme.
Désormais, on était au courant des assassinats à l’échelle industrielle. Allait-on agir ? Le pouvait-on ?
Il ne se passa rien, même si Winston Churchill reconnut que la persécution des Juifs hongrois était "le crime le plus énorme et le plus horrible jamais commis dans toute l’histoire du monde".
Au bout du compte, plus de quatre cents mille Juifs hongrois furent déportés, dont au moins 80 pour cent envoyés directement dans les chambres à gaz.