AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Maj Sjöwall (240)


– Par là, qui court, y’a un type.
Kristiansson et Kvant étaient originaires de la province méridionale de Scanie et leur sémantique laissait à désirer.
– Même qu’il a un chien, poursuivit Kristiansson. Et qu’il nous fait signe.
– C’est pas nos oignons, rétorqua Kvant.
L’homme au chien – un chien ridiculement petit que son maître remorquait littéralement de flaque en flaque se précipita sur la chaussée et se planta juste devant l’auto. Kvant jura et freina à mort.
Il baissa la vitre et gronda :
– Qu’est-ce que c’est que ces façons de traverser ?
– Il y a… Il y a un autobus là-bas, répondit l’autre d’une voix haletante en tendant le bras.
– Eh alors ? fit Kvant d’une voix bourrue. En voilà une manière de traiter cette pauvre bête !
– Il y a un accident.
– Bon, on va voir, dit le policier avec irritation. Dégagez. Et ne recommencez pas, ajouta-t-il en redémarrant.
Commenter  J’apprécie          10
À haute voix, il demanda à son collègue :
– Est-ce que tu peux me prêter dix couronnes ?
Kvant fit oui de la tête, sortit son portefeuille de sa poche intérieure et tendit un billet à son camarade sans se donner la peine de le regarder. En même temps, il prit une décision. S’il pénétrait à l’intérieur des limites de la capitale et suivait Norra Stationsgatan pendant cinq cents mètres en direction du nord-est, il ne resterait pas plus de deux minutes dans Stockholm. Alors, il n’aurait qu’à emprunter Eugeniavägen, à traverser la cité hospitalière, à franchir le parc Haga, à longer le cimetière nord pour arriver au quartier général de la police. La ronde serait alors terminée et ils n’auraient eu qu’un risque infinitésimal de rencontrer quelqu’un en chemin.
La voiture pénétra dans Stockholm et prit à gauche.
Elle s’engagea dans Norra Stationsgatan.
Kristiansson fourra les dix couronnes dans sa poche et bâilla. Puis il tourna la tête et contempla le paysage noyé de pluie.
– Par là, qui court, y’a un type.
Commenter  J’apprécie          10
Il roulait lentement, muré dans un silence maussade. Il suivait un trajet tarabiscoté. Quittant Huvudsta, il passa devant l’académie de police, traversa une série de jardins municipaux, longea le musée ferroviaire, le laboratoire national de bactériologie, l’institut pour aveugles, zigzagua à travers le vaste complexe universitaire et émergea finalement dans Tomtebodavägen.
C’était un itinéraire astucieusement étudié : dans ces coins-là, on était à peu près sûr de ne rencontrer personne. Ils ne croisèrent pas une seule voiture et ne virent que deux êtres vivants. Un chat. Puis un autre chat. Quand ils arrivèrent au bout de Tomtebodavägen, Kvant immobilisa son véhicule à un mètre de la frontière de Stockholm et, laissant tourner son moteur au ralenti, il réfléchit à la façon dont ils termineraient leur ronde.
« Je me demande si tu auras le culot de faire demi-tour et de repasser par le même chemin », songea Kristiansson.
Commenter  J’apprécie          10
Les deux hommes se ressemblaient physiquement. L’un et l’autre mesuraient 1 m 83, étaient blonds, larges d’épaules et avaient les yeux bleus. Mais ils étaient d’un caractère très différent et ne voyaient pas toujours les choses de la même façon.
Kvant était incorruptible. Quand il était témoin de quelque chose, il ne transigeait pas. Cela dit, il s’efforçait d’en voir le moins possible. Dans ce domaine, il était orfèvre.
Commenter  J’apprécie          10
Si Kristiansson avait agi de la sorte, ce n’était pas par charité chrétienne : c’était par paresse.
Personne ne le savait mieux que Kvant. À l’époque où tous deux étaient simples agents à pied à Malmö, il avait souvent vu Kristiansson faire un brin de conduite aux pochards, voire les aider à traverser les ponts pour les conduire au commissariat le plus proche.
C’était Kvant qui pilotait. Il mit le moteur en marche et dit d’une voix aigre :
– C’est souvent que Siv me reproche d’être flemmard. Eh bien, si elle te voyait…
Siv, la femme de Kvant, était son sujet de conversation favori – et fréquemment le seul.
– À quoi bon se fatiguer pour rien ? répondit philosophiquement Kristiansson.
.
Commenter  J’apprécie          10
Sans répondre, Kristiansson s’empara des clés qu’étreignait l’homme inconscient, puis il le remit sur ses pieds avec une adresse dénotant une longue pratique, poussa la porte du genou et le hala à l’intérieur de l’appartement. La femme s’était effacée et Kvant était resté sur le perron. Tous deux observaient la scène avec une muette réprobation.
Kristiansson fit jouer la serrure, alluma et débarrassa l’homme de son pardessus trempé. L’ivrogne tituba, s’écroula sur le lit et balbutia :
– Merci, mam’selle.
Puis il se tourna sur le flanc et se rendormit. Kristiansson posa les clés sur une chaise paillée à côté du lit, éteignit, referma la porte et regagna la voiture.
– Bonne nuit, madame, fit-il en partant.
La femme le dévisagea, les lèvres serrées, secoua la tête et disparut.
Si Kristiansson avait agi de la sorte, ce n’était pas par charité chrétienne : c’était par paresse.
Commenter  J’apprécie          10
– Qu’est-ce que c’est que ça, encore ? demanda Kristiansson.
Kvant se pencha et renifla.
– Inanimé, laissa-t-il tomber avec un dégoût sincère. Donne-moi un coup de main, Kalle.
– Attends une seconde.
– Hein ?
– Est-ce que vous connaissez cet homme, madame ? s’enquit Kristiansson sur un ton tout juste poli.
– Je dois avouer que oui.
– Où habite-t-il ?
La femme indiqua une porte donnant sur le vestibule.
– Là. Il s’est endormi au moment où il essayait d’ouvrir.
Kristiansson se gratta le crâne.
– En effet, il a encore les clés à la main. Est-ce qu’il vit seul ?
– Qui pourrait bien habiter avec un pareil énergumène ?
– Qu’est-ce que tu veux faire ? demanda Kvant, soupçonneux
Commenter  J’apprécie          10
Effectivement, un être humain était allongé devant la porte, un homme vêtu d’un pantalon élimé et d’un minable pardessus poivre et sel, chaussé de souliers éculés. Une dame d’un certain âge – pantoufles et robe de chambre – attendait dans le vestibule éclairé. C’était manifestement elle qui avait donné l’alerte. Les policiers la virent gesticuler derrière la porte vitrée, qu’elle se résolut enfin à entrebâiller de quelques centimètres. Glissant le bras à travers l’ouverture, elle désigna d’un geste énergique la silhouette inerte.
Commenter  J’apprécie          10
Ce soir-là, leur tableau de chasse était nul. Ils avaient seulement avalé chacun une bière et, comme c’était interdit par le règlement, mieux valait le passer sous silence.
Juste avant 22 h 30, ils reçurent un appel radio et se rendirent à l’adresse indiquée, Kapellgatan, dans le faubourg de Huvudsta, où quelqu’un avait remarqué une personne qui gisait inanimée devant le perron de sa maison. Le trajet leur prit dix minutes.
Commenter  J’apprécie          10
Kristiansson et Kvant appartenaient à la police municipale de Solna. Au cours d’une carrière fort peu mouvementée, les deux agents avaient arrêté des milliers d’ivrognes, des dizaines et des dizaines de voleurs. Une fois, moins de cinq mois auparavant, ils avaient probablement sauvé la vie d’une fillette de six ans sur le point de se faire agresser et assassiner par un maniaque sexuel qui défrayait la chronique. Ç’avait été – pour être gentil – un coup de chance, mais ils avaient l’intention de s’enorgueillir longtemps de cet exploit
Commenter  J’apprécie          10
Le bus ralentit pour prendre le virage. Son clignotant gauche s’alluma et il amorça sa manœuvre, puis disparut à la vue du voleur qui leva le bras et fit voler la devanture en éclats. La pluie tombait plus dru que jamais.
Mais le cambrioleur ne vit pas que l’autobus n’acheva pas sa manœuvre. L’espace d’un instant, il parut s’immobiliser au moment de tourner, puis il traversa la chaussée, monta sur le trottoir et défonça la clôture métallique séparant Norra Stationsgatan d’un dépôt de triage à l’aspect lugubre.
Là, il s’immobilisa.
Le moteur se tut. Mais les phares étaient toujours allumés et l’éclairage intérieur continuait de fonctionner. Dans la nuit froide, les fenêtres embuées luisaient, évocatrices de tiédeur.
La pluie fouettait le toit de l’autobus rouge.
Il était 23 h 03. C’était le 13 novembre 1967.
À Stockholm.
Commenter  J’apprécie          10
En bas de la rue, il lui fallait effectuer un virage à 30 degrés. Trois cents mètres plus loin, c’était le terminus. À cet instant, une seule personne observait le bus : un cambrioleur tapi contre la façade d’une maison de Norrbackagatan, à quelque cent cinquante mètres de là, qui se préparait à fracasser une vitrine. S’il l’observait, c’est parce qu’il attendait qu’il eût disparu pour avoir le champ libre.
Le bus ralentit pour prendre le virage. Son clignotant gauche s’alluma et il amorça sa manœuvre, puis disparut à la vue du voleur qui leva le bras et fit voler la devanture en éclats. La pluie tombait plus dru que jamais.
Mais le cambrioleur ne vit pas que l’autobus n’acheva pas sa manœuvre. L’espace d’un instant, il parut s’immobiliser au moment de tourner, puis il traversa la chaussée, monta sur le trottoir et défonça la clôture métallique séparant Norra Stationsgatan d’un dépôt de triage à l’aspect lugubre.
Là, il s’immobilisa.
Commenter  J’apprécie          10
l était gros cet autobus rouge : plus de onze mètres de long et près de quatre mètres cinquante de haut. Il pesait plus de quinze tonnes. Ses phares étaient allumés et, tandis qu’il remontait Karlbergsvägen déserte entre une double rangée d’arbres squelettiques, une impression de chaleur et de confort semblait émaner de ses fenêtres embuées. Il tourna à droite pour s’engager dans Norrbackagatan et commença de descendre la longue rue en pente conduisant à Norra Stationsgatan. Le bruit du moteur décrut. La pluie tambourinait sur le toit et les vitres du véhicule, qui avançait lourdement, implacablement, et faisait gicler des gerbes d’eau en roulant.
Commenter  J’apprécie          10
L’autobus était rouge et jaune crème avec un toit gris. Un autobus à impériale. Un Leyland Atlantean construit en Angleterre mais avec le volant à gauche : depuis deux mois, on roulait à droite en Suède. Il faisait le service de la ligne 47, ce soir-là, Bellmansro-Djurgården-Karlberg et retour. Pour l’instant, il se dirigeait vers le terminus de Norra Stationsgatan qui était situé à quelques mètres des limites de la ville, juste entre Stockholm et Solna. Solna est un faubourg de la capitale mais jouit de l’autonomie administrative, bien que la ligne de démarcation séparant les deux municipalités ne soit discernable que sous forme d’un pointillé sur les cartes.
Commenter  J’apprécie          10
À ce contact, l’homme à l’imper de popeline bleu sombre frissonna involontairement. Il s’efforça de penser à autre chose. Au balcon de l’hôtel d’Andraitx où il avait passé ses vacances quelques mois plus tôt, par exemple. À la chaleur lourde et torride, au miroitement du soleil sur le quai, aux bateaux de pêche, à l’azur profond du ciel sans limite tendu au-dessus de la montagne de l’autre côté de la baie. Puis il se dit que, probablement, il pleuvait là-bas aussi à cette époque de l’année et qu’il n’y avait pas de chauffage central dans les maisons. Rien que des cheminées.
Il se trouvait maintenant dans une autre rue. Bientôt, il lui faudrait à nouveau marcher sous la pluie.
Commenter  J’apprécie          10
Il avait pataugé si longtemps sous la pluie que ses cheveux et le bas de son pantalon étaient imbibés. L’humidité lui collait aux jambes et des filets d’eau glacée lui coulaient dans le cou, ruisselaient le long de son dos.
Il défit les deux derniers boutons de son imperméable, glissa sa main droite sous sa veste et caressa la crosse de son revolver. Elle aussi était froide et humide.
À ce contact, l’homme à l’imper de popeline bleu sombre frissonna involontairement.
Commenter  J’apprécie          10
Pour le moment, le spectacle de la ville n’avait rien de particulièrement attrayant. Surtout pas cette rue aux arbres squelettiques, bordée d’immeubles minables. Une sinistre esplanade, mal conçue dès le départ, qui ne menait, qui n’avait jamais mené nulle part, lugubre référence à Dieu sait quel grandiose projet d’urbaniste resté en panne. Pas de vitrines illuminées, pas un chat sur les trottoirs. Rien que de gros arbres dénudés et des réverbères dont les flaques de cambouis et les toits luisants des voitures reflétaient l’éclat froid.
Commenter  J’apprécie          10
Quel temps, songea-t-il avec écœurement en regardant par la fenêtre. Novembre, l’obscurité, la pluie, le froid. L’hiver approchait. Bientôt, ce serait la neige.
Commenter  J’apprécie          10
Une semaine auparavant, le chef de la police avait publiquement déclaré que cette dernière serait contrainte de négliger une grande partie de ses missions pour protéger l’ambassadeur des États-Unis des lettres et autres expressions du mécontentement des gens qui n’aimaient ni Lyndon Johnson ni la guerre du Vietnam.
L’inspecteur Lennart Kollberg n’aimait pas Lyndon Johnson, il n’aimait pas non plus la guerre du Vietnam mais il aimait marcher sous la pluie.
À 23 heures, il pleuvait toujours et on pouvait considérer que la manifestation était dispersée.
À la même heure, huit meurtres et une tentative d’assassinat eurent lieu à Stockholm.
Commenter  J’apprécie          10
l n’y avait pas un seul policier dans les rues. C’était en vain que, devant la gare centrale, une vieille dame attendait qu’un agent s’approche d’elle, la salue et, le sourire aux lèvres, la fasse traverser. L’individu qui venait de lancer une brique dans une vitrine n’avait pas à s’inquiéter : aucun hululement de sirène ne viendrait brusquement interrompre ses activités.
La police était occupée.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Maj Sjöwall (1264)Voir plus

Quiz Voir plus

R.I.P Maj Sjöwall (1935-2020)

Mon entourage me reprochait de ne pas être la femme qui ressemblait à ...?..., il y avait en effet loin de la coupe aux lèvres comme disent mes amis français

Audrey Hepburn
Marylin Monroe
Greta Garbo
Jeanne Moreau

10 questions
11 lecteurs ont répondu
Thème : Maj SjöwallCréer un quiz sur cet auteur

{* *}