Gunnar Staalesen - Varg Veum Volume 13 :
Coeurs glacés .
A l'occasion du "
Festival Polar en cabanes" qui s'est déroulé du 26 au 27 septembre 2015, rencontre avec
Gunnar Staalesen autour de son ouvrage "Varg Veum Volume 13 :
Coeurs glacés" aux éditions Gaïa. Traduit du norvégien par
Alex Fouillet. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/staalesen-gunnar-
coeurs-glaces-9782847206289.html Notes de Musique : © Mollat www.mollat.com Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mo... Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/Librairi... Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Libra... Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemo... Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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L'amour rend aveugle, dit-on, mais c'est un mensonge éhonté. L'amour paralyse, devrait-on dire, quand il n'est pas réciproque.

La table du petit déjeuner fut une reussite. Le café noir comme de l'encre, avait le gout d'un matin de septembre en haute montagne. Les œufs étaient cuits a point, les jaunes en étaient comme des matins d’été oubliés. Les tartines, fraichement grillées, croustillaient, le beurre était moelleux et doré - et les saucisses de mouton si fraiches qu'on aurait juré que la veille au soir encore les brebis gambadaient dans la lande. La confiture de fraises, d'un rouge brillant, était sucrée a souhait et la marmelade d'oranges aiguisait l’appétit exactement comme il le fallait : elle vous incitait a prendre une tartine en plus.
La table du petit déjeuner était une reussite, mais le petit déjeuner n'en fut pas une. Hilde Varde n’était pas une adepte des bons petits déjeuners. Pour Hilde un bon matin était un mauvais matin. Pour Hilde Varde, une bonne journée ne pouvait commencer avant que l'horloge ne s’approchât de midi. Elle contemplait une tartine de pain sec, avec sur le visage des regrets comme un cold-cream gras. Elle n'aimait pas la marmelade d'oranges et la confiture de fraises lui donnait des boutons. Quant aux saucisses de moutons, elle en avait eu plus que sa dose dans son enfance, et les œufs lui causaient des nausées. Elle mangeait le moins de beurre possible, et le café lui provoquait des remontées acides et pour le lait, elle n'en buvait que dans les occasions tristes. Donc elle but du lait.
[...]
Je pris mon petit déjeuner tout seul et ce fut vraiment un merveilleux petit déjeuner.
Quand elle revint, elle avait déjà sa fourrure sur le dos et était prête a partir.
"Ne crois pas, dit-elle, que je sois venue ici pour tes beaux yeux, Vaarg Veum. Ne vas pas t'imaginer que je suis venue parce que tu as une technique pour accrocher les filles. Je suis venue ici parce que j'avais besoin de faire l'amour. Et je l'ai fait. Ça ne cassait pas des briques, mais je ne m'attendais pas a autre chose. Alors, salut, Varg Veum, a un de ces jours... peut-etre !"
La-dessus, elle partit.
"See you later, alligator", dis-je a la porte close.
C'est ça que j'aime chez les filles d’aujourd’hui : elles ne te laissent jamais conserver la plus petite de tes vieilles illusions idiotes. D'accord, d'accord, je n’étais pas le plus grand tombeur du monde, mais je savais faire un bon petit déjeuner, et pour le moment c’était bien suffisant, en tout cas pour moi.
Un baiser, c'est la caresse la plus intime qui soit. Faire se rencontrer des organes génitaux, c'est à la portée de n'importe quel animal. Le baiser, c'est la lettre de noblesse de l'être humain.
Nilss Ottensen pouvait avoir environ quarante-cinq ans, ses cheveux avaient une nuance seyante de gris argenté. Il était très mince, musclé, et portait un costume gris sur une chemise bleu barbeau, ainsi qu'une cravate rouge et noir fixée à sa chemise à l'aide d'une fine chaînette en or.
Quand il ouvrit la bouche, ce fut pour s'exprimer dans le dialecte de Bergen le plus raffiné qui soit, ce langage qui file droit dans les services publics et n'en ressort jamais que dans les actualités télévisées.
- Tu es un vrai philosophe, toi, sourit-elle.
[...] Non. J'ai vu un peu trop de films de Woody Allen.
Le serveur revint avec la bouteille et un verre imposant. Il y versa un peu de vin que je goûtai, je hochai la tête et il remplit le verre. Le vin était rond comme une paysanne russe, mûr comme une madone et aussi virginal qu'une danseuse de cabaret sicilienne.
C'était dans les années 30. Un petit garçon mystérieusement disparu... .
Deux jours plus tard, nos collègues d'Oslo l'ont retrouvé. Il dormait derrière un banc, dans un parc. Il avait tout bonnement pris le train, juste là, en bas, et avait fait le chemin tout seul, sans que personne lui demande ne serait-ce qu'un billet. C'était toute une époque, ça ! Aujourd'hui, il suffit de vouloir aller aux toilettes pour qu'on vous demande de l'argent !
Ce que c'est que d'habiter dans ce genre d'immeuble ?
C'est comme un frigo, j'imagine. Le lait qui est en bas ne discute pas avec les glaçons qui sont en haut, et le fromage n'échange pas un seul mot avec les restes qui sont sur la grille du dessus.
Ce soir-là, j'eus le droit d'entrer dans le salon.
C'était un salon agréable : rien d'inhabituel, juste l'un de ces salons dans lequel on a l'impression d'avoir vécu toute sa vie, même après une demi-minute.
Le bureau avait l'air exceptionnellement isolé, par des jours comme celui-ci. La pièce carré, meublée de son gros bureau sur lequel il n'y avait rien d'autre qu'un téléphone, d'armoires à archives qui ne contenaient pas grand-chose d'autre que des courants d'air, était comme un petit coin à part dans l'univers, un endroit où l'on rangeait les âmes oubliées, des gens dont personne ne se rappelait le nom.